GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Vivent les lycéens et profs contre Fillon

Le mouvement lycéen en mettant en avant le refus de la réforme du baccalauréat définit très bien le sens de la réforme Fillon, celui de la mise en place d'une école à deux vitesses. L'origine des choix individuels, en matière d'orientation scolaire à l'entrée dans le supérieur, dépend pour partie du contexte scolaire, en particulier de la composition sociale des établissements scolaires(1). Dans le contexte des ségrégations sociales, urbaines et ethniques qui se développent, les lycéens perçoivent très concrètement la réalité inégalitaire qui est déjà leur quotidien. Ils ne sont pas mal informés. Au contraire, ils savent parfaitement de quoi ils parlent. Plaque sensible de notre société, ils disent la volonté d'égalité contre la montée de l'insécurité libérale.

Le Baccalauréat n'est pas exempt de critiques ni de dysfonctionnements. Fillon l'instrumentalise comme il instrumentalise l'échec scolaire pour mieux s'attaquer au service public d'éducation. Dans le contexte de la remise en cause libérale de l'école, la défense de cette clef de voûte du système éducatif, examen national, premier grade universitaire est une condition nécessaire et préalable. Non seulement le développement du contrôle continu ne résoudra aucun des problèmes dénoncés par le ministère : lourdeur de l'organisation, perturbation du mois de juin, organisation du second groupe... mais il en créera de nouveaux. Les inégalités entre établissements seront creusées par la dérive inévitable vers un "bac maison" qui n'aura pas la même valeur suivant l'établissement du candidat avec toutes les conséquences sur les possibilités ultérieures d'études. Aucune assurance n'est donnée sur la présence d'examinateurs extérieurs aux établissements pour éviter les évaluations internes.

La démocratisation de l'accès aux savoirs et aux qualifications, est possible. Encore faut- il que les raisons pédagogiques et la volonté de démocratisation prennent le pas sur les raisons budgétaires et idéologiques, que le ministère ait la réelle volonté de moderniser l'examen dans le sens d'une prise en compte des évolutions des contenus, des pratiques pédagogiques et des compétences nouvelles ! La carte scolaire qui se concrétise dans les établissements et les écoles montre qu'il a choisi le chemin inverse. Le bac, n'est qu'un aspect d'une réforme qui redéploie les moyens, remet en cause les enseignements, les TPE, les IDD(2), va installer des filières ségrégatives au collège(3) , dénature, par sa conception libérale, la définition du socle commun de connaissances en la réduisant à un SMIC culturel, et remet en cause le sens du métier d'enseignant.

Le CIRE, contrat individuel de réussite éducative, avancé régulièrement par FILLON et seule réponse aux difficultés des élèves est un véritable changement de philosophie par rapport au système antérieur(4) qui prévoyait un diagnostic et une aide individuelle pour un cursus, des programmes et des horaires communs. Alors qu'il serait nécessaire de renforcer le travail d'équipe, par du temps de concertation et des enseignants supplémentaires pour ouvrir d'autres pistes, c'est l'isolement et la stigmatisation de l'élève qui sont choisis, induits par la notion de parcours individualisé et renforcés par l'idée de contrat. Elle rend les parents et l'élève responsables des difficultés. Elle « naturalise » l'échec scolaire et remet en cause l'égalité des chances. A chacun ses compétences.

Fillon parle de réussite des élèves, il fait redéploiement, suppression de postes, individualisation et stigmatisation des élèves en difficultés, régressions pédagogiques, remise en cause de la professionnalisé enseignante.

L'arrivée des mesures de carte scolaire dans les écoles et les établissements, les mesures de « redéploiement », la remise en cause du baccalauréat, la suppression des TPE, les suppressions d'options, de classes, rendent visibles la réalité de la contre réforme et le mensonge du discours officiel sur « la réussite de tous les élèves » Le succès de la grève du 20 janvier, de la manifestation du 5 février, le développement du mouvement lycéen ont permis quelques avancées. L'intégration de la LV2, obligatoire dans quasiment tous les baccalauréats généraux et technologiques, dans le tronc commun, le maintient dans cette même classe d'un enseignement de détermination et la possibilité de 2 options facultatives, indispensables pour construire des parcours de formation cohérents pour les élèves. La réalité risque d'être plus sombre avec les mesures de cartes scolaires. Si les moyens ne sont pas effectivement donnés aux établissements pour assurer ces enseignements, la possibilité offerte aux lycéens de suivre ces options relèvera du simple effet d'affichage. Fillon cherche à gagner du temps et à essouffler le mouvement social. Lui et Raffarin ne veulent rien céder.

La mobilisation doit s'amplifier.

Philippe Verdier


Après Eluard, repenser

le modèle des ZEP

Parmi les premiers lycées en grève se trouvait le lycée Paul Eluard de Saint - Denis. Situé dans un quartier difficile, les élèves et les enseignants se sont immédiatement mis en mouvement que le ministère a annoncé sans concertation la fermeture sans concertation de la prépa scientifique, filière d'excellence de ce lycée difficile, d'où sont sortis nombre d'ingénieurs qui ont eu la chance de trouver en banlieue un espace propice aux études supérieures, dans un climat d'entraide plus que de compétition maladive entre élèves favorisé par des effectifs réduits. Et c'est justement au nom de ses effectifs réduits que le ministère avait décidé de fermer cette classe, au mépris du soutien affiché aux banlieues clamé haut et fort par Borloo. Après 15 jours de grève, d'interventions politiques de tous bords, le ministre confirmait enfin, la poursuite de l'activité de cette prépa symbolique.

A Eluard, le mouvement continue maintenant contre la réforme Fillon du bac.

Vouloir en finir avec les ghettos

Au - delà de la sauvegarde de cette CPGE dans une zone urbaine défavorisée, il faudrait se résoudre à repenser le modèle des ZEP. Celles - ci sont d'une part mal réparties : en 1998, la Nièvre comptait ainsi plus d'écoles ZEP que la Seine Saint - Denis ! D'autre part, si la procédé de donner plus à ceux qui ont plus de difficultés est bon, l'effort est trop modeste : les moyens sont seulement plus élevés de 10%, alors qu'en Hollande, l'effort est de 5 à 10 fois plus élevé et fait vraiment la différence. C'est seulement avec des moyens massifs que l'on parviendra à mettre un terme à la reproduction des inégalités sociales et territoriales. L'école ne peut d'ailleurs être le seul vecteur d'action dans les zones sensibles ; il faut aussi lutter contre la désertification médicale (comme d'ailleurs dans les zones rurales) en réglementant l'implantation des médecins en France et en favorisant y compris financièrement par une modulation des tarifs de Sécu ceux qui s'installent dans les zones nécessiteuses. Pour la Police aussi, il fait arrêter d'avoir des brigades entières de débutants qui finiront pépères à l'ombre des sous - préfectures pour favoriser près des zones sensibles d'agents expérimentés.

Au travers une politique globale conjointe de l'Etat et des collectivités locales et des moyens pour une action visible et tangible, il est possible d'en finir avec une ségrégation urbaine, que des saupoudrages ne pourront jamais résoudre. L'école a dans ce cadre une mission particulière, mais les ZEP actuelles ne sont qu'un pis aller, qu'il faut radicalement transformer.

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L’article en PDF

(1): ? L'impact du contexte scolaire dans l'élaboration des choix d'études supérieures » par Nadia Nakhili, IREDU ( Université de Bourgogne, CNRS) (retour)

(2): Itinéraires de découverte, en bref les TPE mais au collège. (retour)

(3): Deux rapports du « Haut Conseil à l'Evaluation » de décembre 2004 et février 2005 montrent, pour le premier que le redoublement, préconisé par F. Fillon, ne permet pas de résoudre les difficultés rencontrées au cours de la scolarité obligatoire, pour le second que les filières déjà existantes au collège fonctionnent comme des impasses. (retour)

(4): Programme personnalisé d'aide et de progrès. (retour)

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