GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Violences sexistes-sexuelles, le rendez-vous manqué

On y avait presque cru ! Plusieurs procès avaient créé l’émotion et mis la question en pleine lumière. Parmi eux, le procès de Sarah en février 2018 pour qui, en dépit d’une plainte pour viol, le parquet avait renvoyé le prévenu pour « atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans » estimant qu’aucun élément ne laissait supposer que la relation ait été obtenue par « la violence, la contrainte, la menace ou la surprise ».

Ces affaires ont suscité une prise de conscience soudaine de l’opinion publique en France. Non, nos enfants n’étaient pas assez protégés des crimes sexuels. Le gouvernement l’avait donc annoncé : dans le cadre de « la grande loi de 2018 sur l’égalité femmes hommes », un.e. mineur.e, en dessous d’un certain âge, serait automatiquement considéré.e comme non consentant.e à un acte sexuel.

Emmanuel Macron s’était dit favorable à fixer cet âge à 15 ans, Nicole Belloubet, à l’instar du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes, préconisait un seuil de 13 ans. Mais la volonté de faire bouger les choses était bien là, affichée, répétée, affirmée, voire ressassée.

Un seuil qui n’en est pas un

La déception a donc été proportionnelle aux espoirs que ces déclarations avaient suscités, ce dont attestent nombre de réactions du monde associatif évoquant, ces dernières semaines, le « gros bluff » du gouvernement, la regrettable « occasion manquée », voire l’inacceptable « trahison d’une promesse » pourtant explicitement formulée...

Au lendemain de l’adoption, le 1er août dernier, de la Loi contre les violences sexuelles et sexistes – dite loi Schiappa –, les associations et professionnels de la protection de l’enfance, comme ceux de la lutte contre les violences faites aux femmes, ont sévèrement et presque unanimement critiqué ce maintien du statu quo actuel.

Dans une tribune intitulée « Loi Schiappa, la protection de l’enfance en berne » et publiée dans le Journal du Dimanche du 19 août, cent signataires – associations, auteurs, militants et médecins – dénoncent le « vide » de la récente loi. Extraits : « Le cœur de la propagande du secrétariat d’État est d’affirmer que la loi Schiappa pose un seuil de non-consentement à 15 ans. Ce qui est faux. Ce que le gouvernement veut absolument faire passer pour ce seuil n’est en réalité qu’un âge sous lequel la contrainte ou la surprise est caractérisée par l’abus de vulnérabilité d’un mineur incapable de discernement. […] Faire croire à l’opinion publique que cette loi pose un seuil de non-consentement pour mineurs de 15 ans relève donc de la malhonnêteté intellectuelle. »

Avancées décevantes

Ce loupé sur l’article 2 de la loi occulte les quelques petites avancées que l’on peut trouver par ailleurs : l’allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs de 20 à 30 ans après leur majorité, la lutte contre les nouvelles formes d’agressions (notamment le cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux), ainsi que la création d’une contravention pour réprimer le harcèlement de rue avec l’infraction d’outrage sexiste.

Mais le diable se niche là encore dans les détails, puisque, faisant fi des déclarations de Macron qui avait annoncé la création d’un « délit d’outrage sexiste », le législateur a préféré la qualification de « contravention » à celle de « délit », ce qui ne devrait pas pouvoir permettre aux victimes de porter plainte.

Applaudissez ou taisez-vous !

Les signataires dénoncent par ailleurs la communication caricaturale du gouvernement, la dégradation des relations avec le secrétariat d’État, celui-ci accusant à mots à peine voilés les associations de faire le jeu des agresseurs parce qu’elles expriment leur mécontentement sur la loi. De manière peu ragoûtante, les critiques de ces associations reconnues pour leur travail et leur engagement sont quasiment mises dans le même sac que les fausses et puantes « révélations » sur « l’introduction de l’éducation sexuelle dès l’école maternelle » ou les déclarations tonitruantes sur le fait que la loi livrerait « nos enfants aux prédateurs ».

Nous combattrons sans relâche ces vieux démons qui se réveillent dès qu’ils peuvent comme ils l’avaient fait lors du lancement des ABCD de l’égalité et inventent des campagnes de désinformation totalement malsaines, mais il est particulièrement odieux de pratiquer du côté du gouvernement de tels amalgames pour faire taire toute critique.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu est paru dans la revue Démocratie&Socialisme n° 257 de septembre 2018.

 

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