GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Vers l'aile droite où l'aile gauche ?

L’acte courageux, réaliste, des dirigeants des motion A et D serait de proposer aux militants de leurs motions respectives, la nouveauté, l’attractivité gagnante, en la personne de Benoit Hamon comme premier jeune secrétaire de rassemblement et de proposer de faire équipe autour de lui. Toutes les garanties existeraient pour toutes et tous. Il y aurait un arc possible de 70 % des voix qui ne pourrait pas être accusé de défendre une pesante et pas convaincante continuité. Nouveauté réelle solidement ancrée à gauche contre faux renouveau droitier Royal-Collomb qui a déjà échoué en mai 2007, le parti donnerait une majorité à un premier secrétaire jeune, sincère, constant, orienté à gauche.

GF

Aucune motion ne pouvant diriger seule, des alliances vont être nécessaires : mais dans quel sens, vers l’aile droitière, ou vers l’aile gauche ?

Après le vote des militants socialistes, Il n’y a aucune majorité. Les motions sont, en fait, dans un mouchoir de poche : 29 %, 25 %, 25 %, 20 %. Le grand "bloc central" “discipliné” autour d'un "chef" appelé de ses voeux par François Hollande, n’a pas fait recette.

François Hollande bénéficiait de 90 % des voix au congrès de Brest (1997), de 68 % des voix au congrès de Grenoble (2000), de 63 % des voix au congrès de Dijon (2003), puis de 53 % au congrès du Mans (2005) et donc, seulement, de 25 % au congrès de Reims.

La motion Collomb, avec Ségolène Royal, très ancienne membre de la direction sortante, et ex candidate battue, pourtant la plus connue dans le pays, ne fait pas un score davantage convaincant : 29 %.

Derrière les votes, il y a un éclatement et un rejet manifeste de la majorité sortante, il est vrai dans des sens différents et ambigus. Les militants recherchent un certain renouveau socialiste sans être bien certains de la solution : l’absence de tout choix majoritaire l’indique.

1°) La motion de Gérard Collomb arrive en tête de 4 % avec des contours in fine éclectiques : c’est la motion soutenue à la fois par des droitiers impénitents comme Manuel Valls, plus souvent en accord avec Sarkozy qu’avec la gauche socialiste, par des secteurs de l’appareil et de grosses fédérations aux votes lourds classés parmi les moins rénovateurs, disons même les plus conservateurs, mais aussi par des militants impatients de battre la droite et légitimistes vis-à-vis leur propre vote pour Ségolène Royal contre Sarkozy en 2007. Le fond politique de ladite motion est resté le plus droitier, même s’il s’est révélé sur le tard plus contradictoire et éclaté : de la défense de l’alliance privilégiée avec le Modem, de l’éloge du blairisme à la défense de la France métissée, des tonalités télé-évangéliques aux discours anticapitalistes, de la défense affichée des services publics à l’analyse soudainement radicalisée de la crise du capitalisme, il y a une difficulté de cohérence qui n’est restituable que par l’ex candidate et son orientation personnelle (refus de la hausse des salaires, du Smic à 1500 euros, des 35 h, de la retraite à 60 ans...). Déjà Ségolène Royal ressort du bois, à la place du premier signataire de sa motion avec le même “ton” qu’avant. Le “je” l’emporte déjà sur le “nous” dans son premier discours sur France inter. Elle redit qu’elle veut un parti de “supporters” et pas un parti militant. Elle propose déjà de “discuter avec chacun” sans envisager de partager la direction. Elle a beau dire qu’il faut “une équipe” la respectera t elle, elle qui est allée, seule, contre l’avis du premier secrétaire, contre l’avis du bureau national, du conseil national et du congrès du parti, la nuit, entre les deux tours de 2007, proposer chez lui, à l’homme de droite qu’est François Bayrou, d’être Premier ministre ?

2°) Les motions de Bertrand Delanoé et de Martine Aubry ont aussi souffert de leur éclectisme.

Quoiqu’il en dise, et quelles qu’aient été ses explications ultérieures à ce sujet, Bertrand Delanoé a payé lourdement son premier affichage : “socialiste et libéral”. La gauche a besoin de gauche et pas de ce genre d’ambiguïté. Aujourd’hui la crise du capitalisme est d’une telle gravité qu’elle appelle un franc langage de combat “socialiste et socialiste”. Et s’il y a eu des grands discours, sur la clarté, le courage, la cohérence, la nécessité d’une forte majorité, etc. cela a manqué dramatiquement de contenu, de dénonciation frontale des responsabilités de Sarkozy et de ses amis banquiers, actionnaires, de propositions sociales correspondant aux aspirations profondes des salariés. Il faut une continuité qui “assume tous les socialistes”, disait Bertrand Delanoé : mais pour trancher dans quel sens, vers l’aile gauche ou vers les droitiers ? “Il faut un chef et une majorité nette” disait Pierre Moscovici, tout en expliquant qu’il se sentait “libre” vis-à-vis de ce chef pour l’étape suivante, dont il excluait l’aile gauche : cela paraissait un peu court et incertain aux militants. A part l’appel “à remettre le parti au travail” cherchez l’axe politique phare des propositions de ce fameux “bloc central” vous n’en trouvez pas.

La motion de Martine Aubry a payé aussi ses amalgames, en dépit d’un “ton” plus à gauche et plus social, car le grand écart entre les partisans de Dominique Strauss-Kahn et de Laurent Fabius n’était pas clair ni crédible. La volonté affichée par Martine Aubry d’être plus collective, plus déterminée, d’en revenir à des fondamentaux socialistes, ne remplace pas la solution aux questions de fond, et de personnes. La base militante demandait un radicalisme en rupture, quitte à le rechercher à tâtons même chez Collomb-Royal. Comment la motion Aubry pouvait elle perçer avec des partisans aux approches si différentes et qui se neutralisaient ?

On a senti derrière ces deux motions Delanoé et Aubry de l’ex majorité, une concurrence avec chassé croisé et contradictions internes, qui les desservaient : le légitimisme de la direction sortante a été malmené et il s’est donc divisé ce qui a fait le jeu de la motion Collomb-Royal.

3°) Aucune des trois motions de l’ex direction sortante n’a donc convaincu les militants et ne peut prétendre à diriger seule une majorité. Quatre points d’avance dans ce contexte ne suffisent absolument pas à la motion Collomb pour prétendre diriger seuls. Et sur le fond, les hétérogénéités des deux autres motions ne leur permettent pas, à l’une, à l’autre, et aux deux ensemble, même si elles atteignaient 50 %, de prétendre davantage diriger seules. Personne ne pouvant diriger seul, des alliances vont être nécessaires : mais dans quel sens, vers l’aile droitière, ou vers l’aile gauche ?

La vraie nouveauté, la seule perspective fraîche et politiquement claire est donc la motion C dont le premier signataire est Benoit Hamon et qui obtient 20 %. Ah, que le choix fut bon, excellent, décisif, de réunir la gauche du parti toute entière ! L’accord entre les 7 contributions de Benoît Hamon, Henri Emmanuelli, Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche, Jean-Luc Mélenchon, Marc Dolez, Pierre Larroutourou, Jacques Fleury, a permis une campagne en phase avec les développements prévisibles de la profonde crise du capitalisme tout en défendant les bonnes solutions concrètes de changement social profond. La gauche socialiste existe, et unie, elle est forte. Une gauche socialiste unie à 20 %, cela devient incontournable pour une issue à la crise du parti socialiste. La presse le note déjà, avec son avidité pour les “dirigeants nouveaux” : il y en a un, Benoît Hamon, c’est même la personnalité la plus nouvelle qui peut s’imposer. Ceux qui vont à contre courant et surtout qui s’en tiennent fermement à une ligne politique, arrivent parfois in fine devant les autres. La motion C était présentée comme marginale au début, elle atteint un score qui “crée la surprise” disent les médias soudain éveillés.

Qui peut, après ces votes, prétendre donner le nouveau visage réclamé par les militants du parti et l’ancrer à gauche comme l’actualité l’exige ? Derrière les motions, et leur hétérogénéité, il y a des pulsions visibles à gauche, légitimes dans le contexte actuel. Surtout depuis que la crise a poussé chacun à reprendre souvent le “ton” de la motion C.

Sérieusement, Bertrand Delanoé et Martine Aubry ne peuvent plus prétendre imposer le “ grand bloc central” sans se voir accuser de conservatisme. Ce serait à l’avantage de Ségolène Royal, même si celle-ci en a été si longtemps partie prenante.

L’acte courageux, réaliste, des dirigeants des motion A et D serait de proposer aux militants de leurs motions respectives, la nouveauté, l’attractivité gagnante, en la personne de Benoit Hamon comme premier jeune secrétaire de rassemblement et de proposer de faire équipe autour de lui. Toutes les garanties existeraient pour toutes et tous. Il y aurait un arc possible de 70 % des voix qui ne pourrait pas être accusé de défendre une pesante et pas convaincante continuité. Nouveauté réelle solidement ancrée à gauche contre faux renouveau droitier Royal-Collomb qui a déjà échoué en mai 2007, le parti donnerait une majorité à un premier secrétaire jeune, sincère, constant, orienté à gauche.

Gérard Filoche, vendredi 7 novembre, 9 h.

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