GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Programme

Unifier la gauche pour résoudre sa crise

Le XXe siècle tardif (1917-2018) semblait, à ses débuts, très prometteur : après la révolution soviétique, le socialisme devait remplacer le capitalisme dans le monde entier, comme le capitalisme avait remplacé le féodalisme en Europe occidentale et au Japon. En effet, la république et les libertés permettaient de conquérir des droits sociaux, de constituer une république sociale et d’y généraliser la démocratie sociale. Mais l’instauration du socialisme ne fut réalisée nulle part.

C’est ce potentiel qu’a montré le compromis keynésien, généralisé à l’échelle mondiale, durant les 30 années « glorieuses » qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale. Dans plusieurs pays, une part des salaires plus importante fut mutualisée pour financer, par des cotisations sociales, un service public de protection sociale non étatisé. En outre, des services publics d’État gratuits ainsi que des services publics payants furent développés. Enfin, des lois ont été adoptées pour assurer le respect de droits sociaux, notamment ceux qui sont garantis par le Code du travail. Des embryons d’économie socialiste étaient ainsi insérés dans l’économie capitaliste. Mais le pas vers le socialisme ne fut pas franchi.

Du keynésianisme au néolibéralisme

Les crises décennales du capitalisme étant estompées, le plein emploi quasiment assuré maintenait les salaires à un haut niveau. Mais, nulle part la transition vers une république sociale ne fut engagée, du moins aux yeux de qui ne confondait pas une économie socialiste avec une économie bureaucratique qui, en URSS et en Chine, avait atteint un caractère totalitaire.

D’ailleurs ces « Trente glorieuses » résultaient d’un compromis auquel les capitalistes et la droite ont consenti, seulement parce qu’il sauvegardait ce qui est pour eux l’essentiel : leur pouvoir dans l’Etat, grâce à la bureaucratie qui y règne, et leur pouvoir dans l’économie, par le contrat de travail qui est un rapport de subordination des salariés. En effet, en vendant l’usufruit de leur force de travail aux capitalistes, les salariés leur abandonnent la maîtrise de l’usage de cette force de travail ainsi que la valeur ajoutée par cet usage à la valeur de la marchandise produite.

Ce compromis fut remis en cause par la droite dès que les remèdes keynésiens contre les crises décennales furent accompagnés d’une inflation des prix galopante, non maîtrisée, provoquée par les capitalistes pour compenser l’augmentation des salaires qui réduisait la part de leurs profits. C’est pourquoi, au début des années 80, les dirigeants de la droite (mais aussi une majorité de dirigeants de la gauche !) abandonnèrent le keynésianisme et, refusant un contrôle démocratique des prix, adoptèrent le néolibéralisme.

Les raisons d’un échec

 Dès lors, la désindexation des salaires par rapport aux prix, la croissance délibérée du chômage, le démantèlement programmé du Code du travail et la privatisation des services publics augmentèrent massivement les profits aux dépens des salaires. Le siècle ouvert par la révolution soviétique portait un potentiel prometteur, mais se terminait sur un échec cuisant. Comment expliquer la contradiction flagrante entre ce potentiel et ce résultat ? Deux facteurs expliquent cet écart.

Le premier réside dans l’intervention de la droite. Celle-ci est, d’une part, bien implantée dans la haute bureaucratie d’État dont beaucoup de membres vont « pantoufler » dans le secteur privé. Elle dispose, d’autre part, de moyens tout à fait légaux pour corrompre beaucoup de dirigeants de la gauche. Ces derniers deviennent alors, eux aussi, des partisans du néolibéralisme et remplissent une fonction politique de droite qui jette le trouble dans la gauche, puisque telle est pourtant l’identité qu’ils affichent. Mais en jouant sur la corruption des hauts bureaucrates et des dirigeants de la gauche, la droite est dans son rôle.

Le deuxième facteur qui explique l’échec de la transformation sociale au XXe siècle réside dans la gauche. Il s’agit de la division de la gauche et de l’absence de démocratie en son sein. C’est le facteur le plus décisif, non seulement parce qu’il pèse plus lourd que les autres, mais aussi et surtout parce que c’est sur lui que nous pouvons avoir le plus d’influence.

En finir avec la division

En effet, nous pouvons en finir avec la division de la gauche : l’état de cette dernière dépend de l’activité de ses membres et de la volonté de ses dirigeants. Sa division est décidée et imposée par ses directions majoritaires. Or leur crise actuelle les affaiblit. Leur majorité peut donc être renversée. Comme en 1905 lors de la création de la SFIO, l’unification de la gauche peut devenir le choix de toutes les organisations politiques de gauche, à condition d’être comprise comme nécessaire pour organiser la démocratie dans la gauche et construire une république sociale.

Cette unification est nécessaire parce que la gauche est pluraliste : elle est formée de tous les individus qui s’identifient à ses valeurs. Celles-ci servent les intérêts des salariés, si besoin aux dépens des intérêts des capitalistes. Mais leur prise en compte dans un programme politique s’exprime par la reconnaissance de droits sociaux et civiques ou de libertés. Or, les variétés de conception et de formulation de ces droits et libertés sont nombreuses : la pluralité des programmes est donc inévitable.

C’est pourquoi le débat démocratique doit permettre d’intégrer les apports de plusieurs programmes et de plusieurs stratégies pour choisir une orientation commune sans faire obstacle à l’expression des points de vue particuliers. Plus le débat est démocratique, plus l’orientation adoptée permettra d’atteindre les buts choisis et mieux ces buts répondront aux enjeux.

Si ce débat est éclaté entre plusieurs organisations et s’il ne suit pas des règles communes au sein d’une organisation commune, alors il ne peut pas se dérouler démocratiquement, c’est-à-dire en respectant les droits de chaque participant, et ne peut pas se conclure par l’adoption d’une orientation majoritaire et démocratique, c’est-à-dire garantissant le respect des valeurs de la gauche.

Unité et démocratie interne

Unifier la gauche au sein d’un seul parti est indispensable pour lui permettre de sortir de sa spirale d’échecs ou de demi-réussites et lui permettre d’emporter des victoires durables, nécessaires pour établir une république sociale. Toutefois, si la constitution d’un parti unifié de la gauche est  nécessaire, elle n’est pas suffisante.

Pour qu’un parti unifié assure la fonction politique démocratique de construction d’une république sociale, il doit aussi offrir la garantie d’un fonctionnement démocratique. Le débat doit y être libre. Son fonctionnement doit être décentralisé : ses organes de direction locale ne doivent pas être désignées par le sommet, mais élus à la proportionnelle des positions en présence, comme doivent d’ailleurs l’être ses instances centrales.

Les membres du parti unifié de la gauche doivent disposer des droits universels, notamment des libertés d’opinion, d’expression et d’organisation. Le pluralisme de la gauche doit se retrouver au sein du parti unifié qui doit être laïque : ses options programmatiques et stratégiques doivent être élaborées indépendamment des choix qui ont été faits pour l’Etat et qui déterminent ses fonctions réelles. Il faut éviter que le bonapartisme de l’Etat déteigne sur le parti.

L’unification démocratique des partis de gauche est indispensable pour établir un rapport de forces favorable à la gauche mais, pour aboutir, il faut surmonter le « patriotisme » de parti, une tradition d’un siècle d’« indépendance », le conservatisme des membres de la direction. Il faut monter les marches l’une après l’autre.

Unifier dans l’action

Etablir une union de la gauche, à la base et au sommet, préserve l’indépendance de chaque parti puisque les décisions ne sont prises qu’avec l’accord de tous les partis, quitte à ne pas pouvoir trancher certaines questions qui n’ont pas trouvé de réponse unanime.

Mais, dès lors que cette union constitue un gouvernement, elle doit pouvoir prendre une décision pour toutes les questions importantes. Elle doit alors avoir recours au suffrage universel interne, pour les principales décisions, et prend ainsi une forme fédérale où les partis perdent une partie de leur souveraineté mais restent autonomes sur les autres questions. L’usage du suffrage universel permet de faire participer aux décisions des adhérents directs qui n’appartiennent à aucun des partis fédérés. C’est la dernière marche avant la dissolution des partis fédérés et l’unification complète.

Cette stratégie fait de chaque mobilisation contre les mesures néolibérales du gouvernement Macron, un tremplin vers l’unification de la gauche. L’unité d’action réalisée en suivant le calendrier du gouvernement doit être accompagnée d’initiatives unitaires avec la participation au bulletin « Passerelles », l’organisation de débats unitaires sur les principales questions de programme, pour déboucher sur des états généraux de la gauche qui établissent le programme du parti unifié.

Relever l’espoir

 Monter toutes les marches vers l’unification suppose que, dans toutes les organisations politiques de gauche, au moins les plus importantes et notamment France Insoumise et Génération.s, une prise de conscience se fasse contre l’isolement, un mouvement se lève pour l’unification et la démocratisation de la gauche.

Néanmoins, la réussite complète de cette stratégie n’est pas garantie. D’abord, elle va se heurter à l’action de la droite, qui peut développer une stratégie équivalente, s’opposant efficacement à la nôtre. Ensuite, il est possible que, pour développer notre propre stratégie, nous ayons mal apprécié ce qui était possible. Mais, si nous échouons à unifier la gauche, nous aurons au moins réussi à reconstruire, avec les organisations qui se seront engagées dans ce combat, un parti pluraliste majoritaire dans la gauche et pouvant l’être dans le pays.

Tout est possible et il faut saisir l’occasion de la recomposition actuelle de la gauche pour y faire triompher l’unité et la démocratie. Pour qu’au XXIe siècle, elle puisse frayer la voie au salariat vers le socialisme.

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