GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Unia a réussi son pari

Nous publions ici la chronique mensuelle de notre ami Jean-Claude Rennwald, militant socialiste et syndical suisse, ancien député (PS) au Conseil national suisse. Cet article est paru dans le numéro 221 (janvier 2015) de Démocratie&Socialisme.

Durant des décennies, voire davantage, les syndicats suisses, comme ceux de bien d’autres pays, ont été organisés sur une base corporatiste de métiers. À la fin 2004, les deux principales fédérations de l’Union syndicale suisse (USS, principale organisation faîtière de travailleurs), la FTMH (métallos et horlogers) et le SIB (salariés du bâtiment et de la chimie) décidaient de rompre ce tabou et de fonder, avec quelques petites organisations des services, le syndicat interprofessionnel Unia. Dix ans après, le bilan s’avère globalement positif.

Près de 200 000 membres

Sous le titre Une nouvelle dynamique syndicale (Zurich, Rotpunktverlag), les dirigeants d’Unia viennent de publier un bilan qui fait le point sur ces dix ans d’expérience syndicale. Premier point positif, Unia compte aujourd’hui près de 200 000 membres, ce qui représente plus de la moitié des effectifs de l’USS. Au début de la fusion, les responsables d’Unia s’attendaient à une diminution draconienne du nombre de membres. Or, si cette tendance s’est manifestée durant ses premières années d’activité, Unia connaît, depuis trois à quatre ans, une croissance de ses effectifs. Rarissime dans presque toute l’Europe, le phénomène mérite d’être souligné.

Intégration des migrants

Dans un pays dont la population compte 25 % d’étrangers, Unia joue un formidable rôle en matière d’intégration. Unia compte en effet une majorité de migrants (57 %) parmi ses membres, ce qui constitue sans doute un cas unique en Europe, voire au monde. Du fait de leurs racines politiques (socialistes, communistes, autres forces de gauche) et nationales (Italie, Espagne, Portugal), ces travailleurs font souvent partie des militants les plus aguerris de l’organisation. Le hic, c’est que ce militantisme syndical n’a quasiment pas de traduction politique, car sauf dans quelques cantons romands, les étrangers n’ont aucun droit politique en Suisse. Dans un pays où la démocratie directe joue un rôle central, cette situation est handicapante pour les forces progressistes. Et il n’existe peut-être nulle part ailleurs, sur la planète, un nombre aussi important de travailleurs qui ne peuvent pas s’exprimer politiquement.

Pénétrer les déserts syndicaux

Essentiellement actifs dans les machines, l’horlogerie, la construction et la chimie, les deux principales organisations fondatrices d’Unia avaient notamment pour objectif de renforcer la présence syndicale dans les déserts syndicaux, autrement dit les différentes branches du secteur privé des services. Dix ans plus tard, tout n’est pas encore parfait, mais la mayonnaise a pris. En termes de membres, c’est dans ce secteur qu’Unia connaît sa plus forte progression, mais aussi la plus grande augmentation du nombre de femmes syndiquées. De nouvelles conventions collectives de travail (CCT) ont également vu le jour dans les différentes branches des services, en particulier dans la vente, la sécurité et le nettoyage.

Davantage de conventions collectives

De façon plus générale, le développement d’Unia est allé de pair avec une hausse du nombre de conventions collectives conclues par ce syndicat. Ce dernier signe et gère aujourd’hui 270 CCT nationales, régionales ou d’entreprises. Mieux encore, alors qu’en 2003, les CCT relevant de la compétence d’Unia couvraient 640 000 travailleurs, elles règlent aujourd’hui les conditions de travail de 1,3 millions de salariés ! Cette avancée est capitale, dans la mesure où, en Suisse, les CCT sont plus généreuses que le droit du travail. Pour ne prendre qu’un exemple, la loi fixe à quatre le nombre de semaines de vacances annuelles, alors que la majorité des travailleurs au bénéfice d’une convention collective ont droit à cinq semaines de vacances et souvent à six dès 50 ans.

En plus du travail conventionnel, Unia s’engage dans des campagnes politiques (référendums) qui touchent directement les intérêts des travailleurs. En l’espèce, le plus grand succès d’Unia remonte à 2010, lorsque le peuple suisse a rejeté un mécanisme dont la mise en œuvre aurait entraîné une baisse des rentes de vieillesse.

Plus de grèves

Durant les dix premières années d’existence d’Unia, on a pu constater une recrudescence des conflits de travail (grèves, grèves d’avertissement, autres actions) dans les branches et les entreprises s’inscrivant dans la sphère d’activité du syndicat interprofessionnel : 20 entre 2005 et 2007, 31 entre 2008 et 2010, 46 entre 2011 et 2013. Vus de France, ces chiffres paraîtront risibles, mais en Suisse ils confinent à une situation révolutionnaire !

Toutes ces avancées n’auraient pas été possibles sans les efforts consentis en faveur de la formation et de l’augmentation du nombre des militants. Les dirigeants du syndicat estiment qu’aujourd’hui, 10 000 membres peuvent être considérés comme des militants actifs.

Site Internet : www.unia.ch

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