GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

“Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre”

Le Tibet est traversé, sur toute l’immensité de son territoire sauvage, aride et montagneux, d’émeutes opposant la jeunesse tibétaine aux forces armées chinoises, avec dans les plus grandes villes (Lhassa) des cas d’attaque de colons et commerçants chinois voire musulmans par des groupes tibétains. Signe de l’ampleur du mouvement : des émeutes graves semblent s’être produites à Chengdu, ville du cœur de la Chine au pied des contreforts de l’immense Tibet.

Une telle vague ne saurait en aucun cas être réduite à une opération médiatique pour saisir l’opportunité de l’approche des JO de Pékin. C’est un mouvement national à caractère insurrectionnel. Cette caractérisation est essentielle. Curieusement, on voit fleurir ces jours, notamment sur le net, tout un argumentaire venant le plus souvent d’anciens maoïstes et prochinois pour nous expliquer d’une part, ce que l’on savait déjà très bien sans eux, à savoir que le dalaï-lama n’est certainement pas un enfant de choeur, que l’ancien régime tibétain appelé (de manière non scientifique) “féodal” était un régime d’oppression des paysans et des éleveurs, et d’autre part, que “le Tibet, c’est la Chine”, affirmation consternante car contraire tout simplement au sentiment réel des peuples - chinois comme tibétain - et que l’armée rouge de Mao aurait “libéré” le Tibet selon les uns, en 1950, selon les autres, en 1956.

Rappelons simplement que l’armée rouge, en 1950, s’est entendue avec la caste des lamas (la classe dominante du vieux Tibet) pour la maintenir en place, puis que par un virage “ultra-gauche” en 1956, elle n’a pas fait que virer les lamas, mais a aussi entrepris de regrouper de force, les paysans dans des communes dites populaires et d’interdire toute pratique religieuse, même privée, créant ainsi elle-même les conditions qui permettent au dalaï-lama de se poser en représentant auto-proclamé des Tibétains. Mais la question essentielle de l’heure est : y-a t’il ou non mouvement de révolte contre une oppression nationale et si oui, doit-on le soutenir?

A ces deux questions, la réponse de tout militant ouvrier conséquent, et notamment de ceux qui s’inspirent de Marx (“Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre”) ne peut être que oui. Le “séparatisme” lorsqu’il est réellement voulu par un peuple, ne peut qu’être soutenu (c’est pourquoi toute comparaison avec les Bretons ou les Alsaciens est stupide !). Evidemment, le spectre de la séparation du Tibet porte celui de la séparation et de la libre fédération des provinces “chinoises” en fait, non chinoises du Sin-Xiang, du Yunnan et de Mongolie intérieure; mais la question se pose et se posera de toute façon, et nous devons donc combattre pour son règlement démocratique. Dans cette voie, les vrais alliés des Tibétains ne sont pas les gouvernants nord-américains ou indiens et les ONG liées à eux, mais les ouvriers et les paysans chinois, le peuple chinois dans son ensemble, première victime et premier adversaire du capitalisme chinois contemporain.

Cela veut-il dire qu’il faut boycotter les JO de Pékin ? Pas forcément. A ce sujet, les avis de références ne doivent pas être ceux des “amis” du peuple tibétain à la manière de Bernard Henri Lévy et autres partisans du libéralisme et des guerres impériales états-uniennes, mais ceux des Tibétains eux-mêmes, en dehors de la dalaï-lama connexion, et des opposants chinois. Mais assurément, soutenir le droit du peuple tibétain à disposer de lui-même passe pour nous par le combat contre le soutien de Sarkozy au régime chinois, pour cause de ventes de réacteurs EPR et de volonté de se lier le plus possible au développement du capitalisme chinois, lequel est justement la cause des mouvements actuels au Tibet; contre ses grandes manœuvres diplomatico-militaro-mafieuse entre Chine et EU au Darfour et au Tchad; contre son engagement aggravé en Afghanistan par l’envoi de troupes françaises contre l’avis même des militaires français.

Vincent Présumey

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