Un petit musée à Belin
A Berlin, de nombreux touristes ne manquent pas de se
rendre à un petit musée qui ne renferme pas d’œuvres
d’art, mais se caractérise en tant que symbole historique
fort. Il est même possible de se faire photographier devant
un cabanon protégé par quelques sacs de sable du plus bel effet.
Il s’agit de l’ancien poste de contrôle de la Friedrichstrasse,
séparant les anciens secteurs soviétique et américain de Berlin,
plus connu sous le nom de Checkpoint Charlie. Les habitants de
la ville ne sont maintenant plus séparés, mais le souvenir des
temps difficiles reste préservé.
En Palestine, les temps difficiles perdurent. Et les checkpoints
(postes de contrôle), s’ils ne s’appellent pas Charlie, prolifèrent,
sous forme fixe ou mobile :
Cisjordanie (sans compter les 7 checkpoints / points de passage
sur la Ligne Verte elle-même). Un nombre appréciable d’entre
eux sont ouverts à 6 heures du matin et ferment le soir. (Ceci à
la date du 9 janvier 2007).
(septembre 2006).
blocs de béton, monceaux de terre ; 88 portes métalliques aux
sorties des villages vers les routes principales ; 74 km de clôtures
le long des routes principales (routes nos 317, 505, 5, 443,
60, dans le sud).
sépare les terres de leurs propriétaires - seules 25 de ces portes
s’ouvrent régulièrement (1).
Les fonctions de ces postes de contrôle sont toutefois bien plus
sophistiquées que celles de feu Charlie. Leur implantation les
différencie d’emblée d’un poste frontière, puisque d’une part
Israël ne donne pas de limite officielle à son État, et d’autre part
nombre d’entre eux se situent en plein coeur de territoires occupés,
implacablement infiltrés par des colons que protège l’armée.
Les checkpoints ne s’intéressent pas à ces derniers, ils ne
sont destinés qu’aux Palestiniens.
DÉSORGANISER
Sous le fallacieux prétexte de sécurisation militaire, ces obstacles
artificiels constituent une gêne équivalent à un véritable
sabotage de toute vie économique et sociale. Voyageurs et flux
de marchandises sont bloqués pour des durées imprévisibles.
Les étudiants sont sciemment retardés, y compris les jours où il
leur faut se présenter à un examen. Parfois, le passage est tout
bonnement interdit. De longs détours sont alors nécessaires
pour ceux qui veulent atteindre leur destination.
HUMILIER
Les humiliations sont monnaie courante(2) : Insultes, coups et
blessures, fouilles au corps en public, non-assistance aux
malades ou blessés, ainsi qu’à des femmes enceintes :
Entre septembre 2000 et octobre 2004, 61 femmes ont accouché
aux check-points et 36 de ces accouchements ont donné un
enfant mort-né. Selon les ordres militaires israéliens, les ambulances
ne sont pas soumises au système des permis, mais les
décisions à propos de la gravité du patient sont à la discrétion
du soldat présent au check-point.(3)
Mais le terme de non-assistance est ici sans doute un peu faible.
ENDURCIR
Il est possible de se demander si l’un des objectifs de ces chekpoints
ne vise pas tant les Palestiniens que les jeunes Israéliens
sous l’uniforme, ainsi accoutumés à l’arrogance et à l’impunité.
N’y font-ils pas la grisante expérience de la toute puissance
sur des civils parfois considérés comme du bétail ?
Progressivement endurcis par ces tours de garde, ils pourront
ensuite s’en donner à coeur joie dans les saccages de rigueur lors
des raids dans les agglomérations rurales ou urbaines.
Une violence qui culminera dans les massacres directs comme
celui de Gaza(4).
Comment ne pas se dire
que finalement, les
féroces Vopos de la RDA
dans la seconde moitié
du XXe siècle ne font
plus que figure d’amateurs
?
Comment surtout considérer
comme normal et
acceptable en Palestine
ce qui fut, à juste titre, perçu comme parfaitement intolérable en
Europe ? Ces checkpoints doivent être levés et disparaître !
Comme à Berlin, il sera tout au plus possible d’en conserver un
sous forme de musée. Pour que les générations futures n’ignorent
rien des temps difficiles.
Philippe Lewandowski
(1): Les limitations mises aux déplacements des Palestiniens / Amira Hass, consulté le
22 mars 2009. (retour)
(2): Stop à l’humiliation aux checkpoints et aux barrages routiers / George
Rishmawi, ISM
, consulté le 28 mars 2009. (retour)(3): Rapport alternatif des ONG réalisé en mai 2005 pour le Comité pour l’Élimination
des Discriminations envers les femmes
, consulté le 28 mars 2009. (retour)(4): Gaza : des soldats israéliens racontent leurs crimes / Le Nouvel Observateur, consulté le 28 mars
2009. (retour)