GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Actions & Campagnes politiques

Un mouvement persistant encore jamais vu

Le gouvernement croit s'en tirer à bon compte car il a des schémas dogmatiques dans la tête, il ne pense pas qu'un mouvement puisse être plus fort et plus obstiné, et il croit qu'il suffit de mieux lui tenir tête mieux qu'en 95, voire de l'épuiser…

Mais ce qui se passe déjoue tous les schémas classiques, il n'y a pas UNE montée, puis UN point culminant, puis UNE descente, il y a une persistance…

Ce n'est pas un mouvement « rampant » car c'est fort et spectaculaire, au grand jour,

Ce n'est un affrontement concentré car c'est durable et ca rebondit…

Des millions de gens se sont installés dans une lutte dans la durée ce qui n'était jamais arrivé,

Aucun schéma dogmatique n'a encore constaté cela, et justement ça perturbe tous les calculs.

Personne dans ce pays ne veut se faire battre par Raffarin-Thatcher, la société française est profondément rebelle aux dogmes ultra-libéraux de ce type. D'où une résistance, une prolongation, une opiniâtreté, auxquelles on n'est pas habitué dans les schémas.

Ce n'est ni 95, ni 68, ni 36, (ni 94, 86, 53, 47…) c'est mieux quelque part : car des millions de gens de haut niveau de conscience ne reculent pas devant un blocage obstiné devant les mensonges éhontés, et une propagande à peine imaginable ! C'est une expérience inédite. Le niveau monte en France…

Des gens nouveaux rentrent en lutte à chaque manif ! Certainement, il y en a qui fatigue et se découragent temporairement, mais il y en a d'autres qui débutent, on voit des villes ou les cortèges sont en yoyo, avec des « hauts » et des « moyens ». . La compréhension des raisons du mouvement progresse, ce qui prouve que sur le fond, le gouvernement perd la bataille de l'opinion…

Et le privé participe de plus en plus et soutient - malgré l'omerta le concernant : prenez tous les chiffres, quantitatifs et qualitatifs, ampleur des cortèges, tonicité des cortèges, ampleur géographique, ampleur des milieux touchés, degré de sympathie dans l'opinion, formes d'action déterminées…

66 % de sondés expriment leur soutien ou sympathie au mouvement, et ce chiffre a augmenté ces derniers jours !


Aujourd'hui 10 juin,

C'est la onzième journée d'action des enseignants ,

c'est la sixième journées d'action interprofessionnelle,

il y a encore eu 1,5 million de personnes dans les rues,

les grèves ont été plus suivies encore que mardi 3 juin, et tout cela reste du niveau du 13 mai…

Dans certaines villes, il y a des journées où cela marque le pas (Henri Weber dit qu'à Dieppe ce matin, cela baissait…) mais dans d'autres villes ou il y avait moins de monde le 3 ou le 5 juin, il y en avait encore davantage ce jour, par exemple 10 000 à Amiens 15 000 au Puy… 200 000 à Paris, 200 000 à Marseille, 50 000 à Lille, grosses manifs à Rouen, Le Havre, Grenoble, Toulon, Perpignan (ponts bloqués pendant 4 h). Le blocage des villes a été effectué dans 15 ou 30 villes, dont Reims, Guéret ce matin complètement encerclé, et au Puy trois barrages avec 1000 personnes…

Les médias mentent et sont considérablement en-dessous de ce qui se passe de façon généralisée…

On en apprend plus par les mails que par la presse écrite ou orale. Avez-vous remarqué que Libé ou autres ne font plus de cartes de France avec le total des manifs ? Qu'on ne nous donne pas le nombre des cortèges, qu'on donne des chiffres contradictoires, que nul ne récapitule sur la durée, l'ampleur des grèves et manifestants. Aucune enquête n'a été faite, statistique sur le nombre d'entreprises privées en mouvement, occupées, ou en grève…Parfois on nous dit « 15 villes ou les éboueurs font grève… ». Pas de chiffre, ni d'enquête sur la police qui manifeste, la sympathie de CRS qui disent « bon courage »… Ils cherchent un « usager » pour un « radio-trottoir » ou ! une « télé-trottoir », qui se plaint, mais celui-ci rouspète puis ajoute « mais je comprends les grévistes ». ils ne réussissent pas a faire de contre manif sinon ridicules, ils essaient de diviser, mais ça ne prend pas, ils essaient de faire jouer la peur, peur des incidents, peur du « Bac » qui ne passe pas, etc… mais c'est comme si tout le monde voyait leurs manœuvres…

Des lycées à 100 % en grève sont donnés à 18 % ou 25 % dans les télés…

Ils disent le métro marche, et c'est vrai, certaines lignes fonctionnent, moins le nombre de lignes paralysées est plus important, etc…

Ils ont dit « on va assurer les trains pendant le week-end mais il y en avait si peu qu'ils ont du carrément stopper leurs trains régionaux pour donner la priorité aux rares TGV sud-est… etc…

Il y a exacerbation, et aucune réponse gouvernementale ne prend en compte cette profonde, lucide et inhabituelle détermination.


Le Monde du 11 juin titre :

« Raffarin oppose sa majorité à la rue »

Notons qu'il s'agit de « sa » majorité, pas de « la » majorité.

En effet, Raffarin - qui n'a jamais été élu- a eu une majorité en avril-juin 02 dans des conditions contestables et détestables pour lui. Mais cette majorité existe t elle encore ? Oui : formellement à l'Assemblée : mais cette majorité-là a t elle une majorité pour faire ce qu'elle fait contre les retraites ? Non. Et cela se voit.

Des millions de manifestants et de grévistes, une durée exceptionnelle, et une approbation massive des sondages, si ce n'est pas une majorité alternative, ça y ressemble fort !

Ce n'est pas la première fois qu'une majorité parlementaire tout juste élue se voit contestée : c'était le cas en nov-déc 95, à peine neuf mois après la victoire, et Chirac l'a ressenti au point de décider de dissoudre 16 mois après. Il croyait faire un « coup », il a perdu à cause de l'effet différé de nov-déc 95.

Là, si « la « majorité se sentait forte ou même capable de « faire un coup », elle pourrait non pas dissoudre, histoire oblige (!) , mais faire un référendum : or elle s'y refuse, CAR ELLE LE PERDRAIT ! Ce serait le plus sur moyen pour Chirac d'abréger son quinquennat après avoir raté son septennat. C'est donc qu'il n'y a pas de majorité pour faire cette politique thatchérienne.

La majorité politique issue du 21 avril n'est pas qualifiée pour s'opposer à la majorité sociale du pays.

Depuis quand a t on vu une Assemblée de la V° République, surtout élue dans les conditions si particulières du 21 avril, s'opposer sur les questions sociales (les retraites relèvent normalement des partenaires sociaux, des caisses de protection sociale) à 85 % de syndiqués ? à la majorité des salariés ?

Ce ne serait pas la première fois qu'une majorité sociale l'emporterait contre une majorité politique surtout dans les conditions antidémocratiques où ces dernières sont élues dans la V° République.

Et c'est normal : car si Raffarin-Fillon réussissaient leur politique, ils nourrissent l'extrême droite, car celle-ci s'abreuve sur la misère sociale qui résultera de leurs choix en matière de retraite de Sécu, d'école, de baisse des impôts, des services publics, etc… La politique de Chirac-Raffarin-Fillon va contre les résultats du 21 avril… le 21 avril, c'était la gauche qui était majoritaire en voix au total et au sein de la gauche, il y avait un glissement plus à gauche… qu'on retrouve dans les mouvements actuels…


Au Bn du Ps de ce soir, mardi 10 juin, les intervenants de la motion A parlaient du mouvement au passé. Marisol Touraine commentait le blocage du gouvernement, et parlait des batailles de l'automne sur la santé… Jean-Christophe Cambadélis demandait « où allait ce mouvement » s'il continuait, « où » ? Vers la désespérance, répondait-il sommairement. Julien Dray a même contribué en soulignant que ça ne servait à rien de prôner la montée, la montée, du mouvement… Ah, bon, parce que personne ne mesure l'importance de ce qui se passe ? Il paraît que « ce n'est pas à nous, PS, modeste », selon François Hollande, de nous attribuer un rôle dans le mouvement : mais alors pourquoi avons-nous voté à Dijon en « appelant au 25 mai » et « à élargir la mobilisation » ? Nous n'appelons plus « à élargir ma mobilisation » maintenant ? Nous ne sommes pas liés quelque part au succès ou à l'échec de celle-ci ?

Les quelques Rocard, Delors, Charasse, Attali, Kouchner, battus ou muets à Dijon, qui ont osé saboter le choix unanime du congrès de Dijon, et, à la fois essayé de torpiller le mouvement social, à la fois « servi la soupe » à Raffarin-Fillon, ont fait très mal au Parti socialiste. Dans des périodes comme cela, la mémorisation par des millions de gens de ce qui se passe est beaucoup plus forte qu'en temps normal. Les gens se souviennent longtemps des trahisons de ce type. Les Rocard, Delors, and cie, se sont discrédités massivement, c'est leur problème certes, mais cela nous nuit gravement, cela nuit aussi gravement à la gauche dans son ensemble. Nous ne nous sommes pas assez démarqués de ces propos, nous n'offrons pas une alternative suffisante, en termes de plan concrets… Qu'est-ce que cela signifie la « pénibilité » ? Est-ce qu'on veut dire que les 1,1 millions d'ouvriers du bâtiment devraient prendre leur retraite à 55 ans ? Qu'on le dise ! Et les 333 000 nettoyeurs ? Et les 250 000 gardiens ? Et les 700 000 chauffeurs dont les 240 000 routiers ? Et les 2,4 millions de personnes au total qui travaillent postés en 3 X 8 ou de nuit ? Qu'est-ce que c'est que cet argument de la « pénibilité » qui fait rideau de fumée et dont on ne précise pas la portée ? Et cet argument de l'emploi alors qu'on ne précise qu'il faudrait de vraies 35 h pour recréer cet emploi ? Et ce financement qui ne peut s'arrêter à la CSG, sans parler des cotisations patronales ni des cotisations sur la valeur ajoutée ?

Dans la bataille des 2500 amendements, soit le PS offre une alternative, soit il apparaîtra vite démuni ! Allons-nous voter contre l'amendement du PC qui propose de maintenir le public à 37,5 annuités ? Allons-nous faire silence sur ce point, nous ? Voilà des questions précises qui vont apparaître dans la presse.

Comment nous opposons-nous concrètement aux mesures Balladur de 93 ? Gardons-nous la position de Lionel Jospin en juin 97 pour le retour aux retraites alignées sur les salaires et non pas sur les prix ? En revenons-nous aux 10 meilleures années ? Et François Hollande, demain soir à la télévision, devant des millions de téléspectateurs, répétera-t-il ce qu'il a dit solennellement à Dijon : « nous abrogerons la réforme Fillon » si, par malheur elle passe, ou est-ce qu'il ré emploiera un mot flou du type « nous « reviendrons », nous « corrigerons » la réforme Fillon ? Tous les manifestants, des millions, sont vigilants sur les détails.

GF, le 10 juin, 21 h…

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