GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Un Bolkestein francais, quotidien, ordinaire, généralisé

1. Comment réagissez-vous au plan d'urgence pour l'emploi annoncé par le 1er ministre ? Quels sont les points positifs et les points négatifs de ce plan ?

Je cherche désespérément les points positifs, sauf peut-être l'annonce de l'arrêt de la baisse des impôts républicains ! Alors que les entreprises du CAC 40 ont gagné 57 milliards d'euros de bénéfices dans la seule année 2004, il y a là une immense « cagnotte privée » qui devrait donner lieu à une augmentation massive des salaires, ce qui rétablirait du même coup nos caisses de retraite, de maladie, de chômage...(Rappelons que les caisses de chômage étaient encore bénéficiaires en 2000 et 2001 et que le Medef avait fait baisser les cotisations ... créant les déficits actuels ! ) Mais M. Galouzeau de Villepin propose au contraire de baisser les cotisations sociales, c'est-à-dire les salaires bruts, au lieu de les augmenter.

Il fait surtout des cadeaux aux patrons par exonérations de cotisations sociales, primes multiples à l'embauche, ce qui abaisse notre protection sociale collective et vide les caisses de l'état : on sait pourtant de très longue date que cela ne crée pas d'emploi. Elles ont déjà été multipliées par 10 en 10 ans, sans effet sur le chômage !

Ce qui créerait de l'emploi, ce serait un redémarrage de la croissance, lequel ne peut se faire sans un rattrapage massif et une hausse du pouvoir d'achat, liée à une réduction du temps de travail : il faudrait diminuer le coût du capital et hausser le coût du travail, redistribuer les richesses, tout le contraire de ce qui prévaut dans l'idéologie dominante du gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy. Il brade France télécom, et bientôt Edf-Gdf, et les sociétés nationales d'autoroutes... Il poursuit les réformes Fillon, Douste-Blazy, contre les retraites et la Sécu, alors que les premiers pas du redressement économique et social serait de les abroger...

2. La CGT dénonce une précarisation de l'emploi et la fin du CDI avec le contrat "nouvelle embauche", qu'en pensez-vous ? Y a-t-il de nouvelles sécurités pour le salarié dans ce contrat comme l'affirme le 1er ministre ?

Non, il s'agit d'une attaque en règle contre le droit du travail, contre le Cdi : une « période d'essai » qu'est-ce que c'est en droit du travail ? C'est une zone de « non-droit ». C'est la possibilité d'être mis à la porte à n'importe quel moment, du jour au lendemain, sans aucune procédure, par oral, sans lettre, sans motif, sans recours, seulement parce que l'employeur l'a décidé, et il pourra dorénavant le décider à deux ans... moins un jour !

Toutes les discriminations deviennent possibles...

Le « jeune » ou le « senior » pourra se défoncer pendant deux ans, être soumis, subir les heures supp' impayées, les tâches les plus ingrates, en dépit des risques en matière de sécurité ou de santé, il devra être flexible, malléable, corvéable, et au bout du bout, il sera renvoyé, chassé comme un valet, comme au 19 ° siècle, voilà ce que viennent d'inventer MM Chirac et De Villepin.

Pire : le « chèque emploi-service » généralisé, c'est-à-dire l'absence de contrat, d'horaires réguliers, de conventions collectives, de contre-partie à la subordination du salarié ramené au rang de « loueur de bras » sans moyen de contrôle d'une inspection du travail aux effectifs exsangues et qui vient de payer de la vie de deux des siens, l'exercice de sa mission ! Déjà dans les entreprises de moins de 10 salariés, on en revient Moyen-âge : « travail à la tâche », retour du « journalier ». L'illégalité va l'emporter complètement sur l'état de droit : pourquoi embaucher si on peut choisir « l'essai » ou le « chèque emploi service » ? ...Or il y a 1 million d'entreprises de moins de 10 salariés qui font travailler 3,4 millions de personnes... Cela va tirer tout le monde vers le bas... Sans parler de l'obligation pour les chômeurs et les jeunes, moyennant une prime de 1 000 euros, d'accepter n'importe quel travail, à n'importe quel prix, sous peine de sanctions.

3. Quelles mesures Dominique De Villepin aurait-il dû prendre pour tenir compte des exigences sociales actuelles ?

Il faut supprimer la loi Fillon qui allonge peu à peu la durée du travail sur la vie jusqu'à 65 ans au détriment du travail des jeunes. Il faut supprimer les lois Ollier-Novelli-Larcher qui allongent la durée du travail sur la semaine, le mois et l'année. Il faut rendre les heures supplémentaires moins nombreuses et plus coûteuses que l'embauche. Il faut imposer un quota de Cdd et d'intérimaires limité à 5 % par entreprise de plus de 20 salariés. Il faut majorer de façon dissuasive le coût du travail partiel pour empêcher qu'il ne soit le ghetto des travailleuses pauvres. Il faut rétablir l'état de droit dans les entreprises et, par la réglementation, empêcher qu'on surexploite ceux qui ont un boulot au détriment de ceux qui n'en ont pas ! De vraies 35 h pour toutes et tous sans perte de salaire !

Il faut protéger les 97 % de petites entreprises qui ont moins de 50 salariés (et font travailler 50 % des salariés) : 1°) en imposant le fait que ce soit le donneur d'ordre qui soit pénalement responsable de tout ce qui se passe sous ses ordres ! 2°) en alignant les entreprises sous-traitantes sur les conventions collectives des donneurs d'ordre 3°) en facilitant la reconnaissance juridique des « groupes » et « unités économiques et sociales ». Cela dissuadera les fausses externalisations, les fausses sous-traitances, les « Bolkestein ordinaires, quotidiens, généralisés », cela renverra les coûts sur les grandes entreprises bénéficiaires, au lieu de tirer tout le monde vers le bas ! Dès lors, on aura recentré le marché autour d'une restauration du droit du travail, cela recréera de l'emploi et cela s'accompagnera d'une redistribution des richesses par les salaires. L'économie s'en sentira mieux et la croissance aussi ! On rentrera dans une spirale vertueuse dont la politique suivie depuis le 21 avril 2002 nous a fait sortir !

Gérard Filoche (auteur de « Les carnets d'un inspecteur du travail » Ed. Ramsay et « on acheve bien les inspecteurs du travail » Ed. Jean-Claude Gawsevitch 2004) gerard.filoche@wanadoo.fr

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