GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Trop c’est trop !

Lorsque l’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est la ligne de conduite que se sont fixés Nicolas Sarkozy et son gouvernement en ce qui concerne les collectivités territoriales. Il y aurait trop de niveaux territoriaux, trop de territoires, des territoires trop petits, trop d’élus, trop d’indemnités versées. Trop de compétences partagées. Trop c’est trop !

Trop de niveaux territoriaux ?

L’expression favorite de la droite est celle du millefeuille territorial, image au demeurant très explicite mais que ne correspond pas à la réalité. Pour justifier ce millefeuille, cet empilement de niveaux territoriaux, Sarkozy et les siens font volontairement un amalgame entre collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale (communautés de communes, communautés d’agglomérations, communautés urbaines), Pays, syndicats à vocation unique ou multiple, etc.

Comme l’État, les collectivités territoriales sont organisées en trois niveaux, la commune, le département et la région. Pas un de plus, pas un de moins. Les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas des collectivités territoriales, pas plus que les pays ou les syndicats. Leurs représentants ne sont pas désignés au suffrage universel direct.

Il est toujours plus facile de semer le trouble dans l’esprit de nos concitoyens que de faire de la pédagogie. La France serait le mauvais élève de l’Europe ? Au niveau européen seuls cinq pays, dont le Luxembourg, sont organisés en deux niveaux administratifs !

Quant à la suppression des départements, créés en 1792, ce serait un moyen de tirer un trait sur une institution issue de la Révolution Française, mais au-delà d’une position dogmatique leur suppression n’apporterait aucune efficacité en matière de mise en œuvre des missions de service public qui leurs sont confiées. Notamment en ce qui concerne l’action sociale pour qui le département est l’échelon territorial pertinent. L’échelon communal serait trop petit pour avoir des actions efficaces et l’échelon territorial beaucoup trop éloigné pour avoir une action de terrain efficace.

Trop de territoires ? Des territoires trop petits ?

Après les départements il faudrait supprimer certaines régions. La région étant le niveau territorial par lequel passent les politiques européennes, nos régions françaises seraient trop petites à l’échelon européen. Un non-sens lorsque l’on compare les populations de nos régions avec celles de certains pays européens. A titre d’exemple 10 pays ont moins d’habitants que la seule Région Rhône-Alpes, deux pays sont à peine plus peuplés que la collectivité territoriale de Corse (Le Luxembourg 480 222 ha, Malte 401 880 ha et la Corse 304 500 ha) et quatre pays ont moins d’habitants que la Région Champagne–Ardenne qui n’a pourtant que 1 377 997 ha.

Si le critère de la population était un critère pertinent pourquoi au nom du pragmatisme, Sarkozy ne nous a pas encore proposé de supprimer quelques États européens ?

Trop d’élus et trop d’indemnités versées ?

La mise en place des conseillers territoriaux permettrait de réduire de moitié le nombre des élus et par conséquent le montant des indemnités qu’ils perçoivent. L’élection des Conseillers territoriaux ne supprimerait pas l’échelon du département mais les élus exerceraient leur mandat au département et à la région. En quoi cela réduirait-il le montant des indemnités versées et surtout en quoi les indemnités seraient scandaleuses ? Le montant cumulé des indemnités versées aux élus ne représente que 0,02 % du montant des budgets consolidés des collectivités territoriales et leurs établissements publics. Manifestement le problème n’est pas financier ; quel chef d’entreprise agirait sur un poste de dépense aussi faible ? Le problème est manifestement ailleurs. Sarkozy veut moins de contre pouvoir, pour cela il veut supprimer des élus, des collectivités (expérimentation). Mais moins de collectivités c’est moins de services publics et moins d’élus c’est moins de démocratie.

Trop de compétences partagées ?

La clause de compétence des collectivités territoriales permet à ces dernières d’agir dans des domaines qui ne lui sont pas directement attribués par la loi et qui ne relèvent pas d’une compétence exclusive de l’Etat.

C’est cette clause de compétence générale qui a permis aux trois niveaux de collectivités d’intervenir, par exemple dans le domaine sportif. Aujourd’hui la part des collectivités dans le financement du sport en France est de 90 %. La part des régions et des départements représente environ 20 % de ces 90 %. Si demain la clause de compétence générale était supprimée les régions et les départements ne diminueraient pas leur budget des sommes consacrées à cette politique, mais elles iraient en abonder d’autres où les moyens sont insuffisants. Qui compenserait alors ces financements manquant dans le sport ? Les communes seraient alors obligées d’augmenter leurs impôts pour pouvoir satisfaire les besoins du mouvement sportif.

La région Champagne-Ardenne vient de financer la reconstruction d’un Institut Régional des Formations paramédicales à hauteur de 21 millions d’euros. Si l’État a bien transféré aux régions la compétence en matière de financement du fonctionnement de ces établissements il n’a pas transféré la compétence en matière d’investissement. Si la Région a pu le faire c’est là encore grâce à la clause de compétence générale. Cette clause a permis de faire face à un besoin urgent face à l’immobilisme de l’État pendant des décennies.

La clause de compétence générale est un outil qui favorise le dynamisme des collectivités et souvent permet de compenser les carences de l’État.

S’il y a bien un partenaire avec qui les collectivités territoriales ne devraient plus contractualiser c’est bien l’État. Ce dernier ne tient pas ses engagements même lorsqu’il signe le contrat de plan ou le contrat de projet État/Région. Les projets inachevés ou reportés par le non financement de l’État sont nombreux et chacun peut le constater au quotidien dans sa propre région. Par ailleurs, l’État étant en charge du contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales peut-il être à la fois juge et partie.

Plutôt qu’une reprise en main des Collectivités par l’État, ces dernières ont besoin de plus d’autonomie financière et fiscale pour exercer librement leurs compétences. A chaque fois que l’État a transféré ou abandonné des compétences les collectivités s’en sont emparées avec un dynamisme nettement supérieur à l’action de l’État lorsqu’il exerçait ces compétences.

Gérard Sigal

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