GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Tout va très bien, Monsieur le Marquis

En cette rentrée 2006, la droite gouvernementale, relayée par de nombreux médias et soutenue par un patronat soucieux d'engranger un maximum de mesures favorables, veut faire croire que tout va bien, que " tous les indicateurs sont au vert ", et qu'elle maîtrise parfaitement la situation économique et sociale.

Pour qui en douterait, l'amélioration des côtes de popularité sont là pour prouver que les Français sont contents, et les ministres se pressent devant les caméras pour affirmer que 2007 sera l'année de la réussite absolue.

Il se trouve que nous en doutons fortement et que nous savons que le vécu des Français, les plus modestes en particulier, ne correspond pas aux visions gouvernementales. De plus, l'information donnée est le plus souvent faussée parce qu'incomplète. A titre d'exemple, on trouvera ci-dessous, à côté de déclarations récentes du premier ministre, notre propre grille de lecture.

"La reprise économique se confirme et nous permet de tabler sur un taux de croissance supérieur à 2%"

L'analyse de cette croissance montre qu'elle repose en large part sur les cadeaux fiscaux faits aux plus riches qui ont réduit leur taux d'épargne, ainsi que sur la hausse de l'immobilier et des actifs financiers ; ils acceptent de s'endetter pour consommer. Mais le pouvoir d'achat des plus défavorisés stagne ou diminue et les inégalités se creusent. Nous sommes rentrés dans un cycle de croissance inégalitaire, cher aux ultra-libéraux. Quant aux entreprises, leurs profits ne profitent qu'insuffisamment aux investissements, et ces investissements créent peu d'emplois dans les secteurs stratégiques.

"Cette croissance crée des emplois : depuis juin 2005, ce sont 310.000 chômeurs en moins. Nous sommes désormais à moins de 9% de taux de chômage dans notre pays"

D'abord, il faut rappeler que, même avec un taux de chômage à moins de 9%, la France conserve un chômage de masse et une des dernières places de la zone euro. Et surtout, la part des embauches sur des contrats de moins d'un mois est passé à 53% en 2006, et 78% des recrutements se réalisent sur des Cdd, sans compter l'intérim et le Cne. On est donc bien dans un système d'augmentation de la précarité et de dépendance accrue du travailleur salarié vis-à-vis de son patron.. L'abolition du Cpe n'était qu'une victoire partielle. Ce n'est pas avec des emplois précaires et déqualifiés qu'on redonnera confiance aux Français.

"En janvier dernier j'ai fixé le cap du désendettement et de la vertu budgétaire, ce cap sera tenu. En 2006 nous aurons stabilisé les dépenses de l'Etat, en 2007 leur progression sera inférieure à l'inflation. Toutes les recettes fiscales supplémentaires pour 2006 seront consacrées au désendettement."

Le montant de la dette publique a souvent été agité comme un épouvantail pour justifier des réductions dans les dépenses de l'Etat, et en particulier sur toutes celles destinées à répondre aux besoins sociaux les plus criants (éducation, santé, logement). Il faut bien voir que dans certaines conditions, faire du déficit n'est pas un mal en soi. Cela permet d'engager de suite des dépenses qui, si elles génèrent de la croissance, permettent de rembourser les emprunts. A condition de choisir le bon moment et les bonnes dépenses. De plus, il faut cesser de considérer comme improductif le fait d'élever le niveau de formation d'une population ou d'améliorer son état de santé, y compris en augmentant le nombre de fonctionnaires. L'avenir passe par l'investissement public.

"L'égalité des chances à l'école et à l'université naturellement car c'est là que tout se joue."

En mettant l'accent sur la sécurité et en publiant une liste des établissements réputés violents, le ministère ne facilite pas la mixité sociale dont il se réclame pour l'égalité des chances. Si, sur le papier, la création de collèges " ambition réussite " aurait pu être une bonne idée, dans la pratique, elle se révèle une "arnaque " pure et simple visant à masquer la diminution continue des moyens et la casse de l'éducation nationale.

A cette rentrée, il y aura plus de 7000 enseignants de moins que l'an dernier devant les élèves, suppressions qui s'ajoutent à celles opérées dans les précédents budgets. Depuis le retour de la droite au pouvoir, environ 30000 postes d'enseignants ont disparu, auxquels il faut ajouter les dizaines de milliers d'emplois jeunes que l'on tente aujourd'hui de recréer dans les pires conditions. En parallèle, lorsque le service public recule, le service marchand avance. C'est ainsi que depuis quelques années, on a vu se développer un véritable marché de l'aide aux élèves qui profite évidemment aux milieux les plus favorisés.

Le véritable projet gouvernemental est d'aller, comme en Grande Bretagne, vers une privatisation accentuée de l'éducation.

"Le gouvernement veut aussi avancer vers davantage de justice économique."

Au moment même où un nouveau rapport de la Cour des Comptes vient confirmer ce que le commissariat général du Plan avait dit depuis trois ans, à savoir l'inefficacité sur la croissance et l'emploi des cadeaux fiscaux faits aux entreprises, ne voilà-t-il pas qu'on rajoute une exonération de cotisations patronales au niveau du Smic pour les Pme ; cette mesure, coûteuse et sans doute sans effet, tend de plus à créer un véritable statut dérogatoire pour la petite entreprise. Sans parler des super profits et des rémunérations abusives des patrons qui sont des signes clairs de justice économique vus par la droite et le patronat

"Il s'agit de faire une place claire et juste au dialogue social, qui n'a pas jamais trouvé son équilibre dans notre pays"

Une grève générale dans l'éducation fin septembre, des décisions prises par le gouvernement avant même d'avoir réuni une conférence sur l'emploi et le revenu. Quant à la négociation sur la réforme du dialogue social engagée par le gouvernement, elle paraît bien mal partie compte tenu des positions exprimées par le Medef lors de son université d'été. A l'adresse des syndicats, sa Présidente a proposé le nouveau concept de "délibération sociale" pour se donner le temps d'une réflexion approfondie qui serait de nature à "jeter des ponts" entre les partenaires sociaux pour signer davantage d'accords. Cette manœuvre de diversion destinée à affaiblir l'action du législateur et à peser lourdement sur les accords contractuels en profitant des divisions syndicales ne paraît pas appelée à un grand avenir immédiat.

"L'immigration peut être une chance pour la France : elle est une source d'enrichissement social, culturel et économique, si l'on sait la maîtriser en faisant respecter nos règles et nos lois"

Quel scandale que celui d'un squat évacué sans aucun accompagnement humain, social et de relogement digne de ce nom ! Quel scandale d'annoncer une prétendue mesure de régularisation pour des enfants scolarisés et d'annoncer par la suite que le nombre de régularisations serait limité à un quota fixé arbitrairement ! Quel scandale que d'amener prés de 50 000 familles à passer leur été à faire des démarches administratives dans des conditions physiques et psychologiques épouvantables ! Et surtout quel scandale que de lier une politique de l'immigration aux seuls intérêts économiques des entreprises françaises sous le doux nom d'immigration " choisie " !

"Compte tenu de l'importance stratégique de l'énergie" il s'agit de créer "un des tout premiers groupes mondiaux" du secteur. Ce second acteur français (au côté d'EDF) "renforcerait la vocation industrielle mondiale de notre pays"."

Chacun sait bien, même une grande partie des députés Ump, que ce projet de privatisation de Gaz de France, est dangereux pour le consommateur et pour l'emploi, qu'il n'empêche aucune Opa sur le futur groupe, qu'il fragilise Edf, et donc qu'il compromet la possibilité même de conduire une politique énergétique autonome au service de l'intérêt général. Mais il faut bien sauver Suez et céder aux lobbies qui défendent des politiques libérales de l'énergie.

Cette rentrée 2006 montre plus que jamais combien cette droite au pouvoir est mystificatrice, et comment elle poursuit avec méthode un projet néo libéral de type anglo-saxon au service du patronat et des multinationales, basé sur l'enrichissement des riches, la compassion envers les pauvres et la glorification du mérite individuel.

Robert Spizzichino

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