GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Médias D&S – Bibliothèque

"Touche pas au plomb"

Les années 2006-2008 marquent la fin d’une époque dans la presse quotidienne nationale. Les modèles économiques et l’organisation des journaux, de l’impression à la distribution, hérités de la Libération, peinent à faire face à la concurrence d’une nouvelle presse gratuite, de médias audiovisuels, d’Internet surtout… La presse quotidienne nationale est donnée pour moribonde. C’est dans ce contexte que l’heure du départ a sonné pour les ouvriers du Livre de la presse parisienne, fils lointains de Gutenberg.

Ils ont commencé à travailler à 16 ou 17 ans, à la fin des années 60. Ils avaient appris la typographie au plomb, et de ce métier, ils tiraient leur fierté d’ouvrier. Le plomb, qui disparaît des imprimeries des journaux après le long conflit du Parisien Libéré, en 1977, pour céder la place à la photocomposition, banalise leur savoir-faire et menace inexorablement leur territoire professionnel. Ils le défendront pendant 30 ans. Agés d’à peine 55 ans, ils ont été mis depuis peu à la retraite. Les ouvriers du Livre de la presse parisienne, cet état CGT dans l’Etat pour les directions de journaux, ont finalement dû abandonner la place ; la « modernisation » de la presse quotidienne a eu raison de leur monopole sur certaines tâches de fabrication défendu avec acharnement pendant des décennies. En 2007, les quotidiens nationaux n’employaient quasiment plus d’ouvriers du Livre CGT. Ce dernier conserve encore son bastion dans les imprimeries. Avec eux, un pan de l’histoire de la presse disparaît.

C’est cette histoire, qu’Isabelle Repiton, journaliste à La Tribune, et Pierre Cassen, typographe devenu photocompositeur et responsable syndical, ont voulu raconter, de manière vivante, dans un livre truffé d’anecdotes parfois savoureuses.

Cet ouvrage ne cherche pas à retracer l’histoire du Syndicat du Livre dans la Presse parisienne, mais à raconter comment, de l’intérieur, ses membres ont vécu le particularisme d’une vie professionnelle comme ouvrier du Livre en presse parisienne. Il veut retenir cette mémoire ouvrière à travers les récits ou anecdotes de typographes, Pierre Cassen, Pierre Guillou, Isabelle Monthier, Jacques Fortin, de la correctrice Annick Béjean, et du journaliste Hervé Nathan, témoins d’une presse dont l’odeur d’encre se perd aujourd’hui dans les flux d’informations électroniques.

Les Auteurs :

Pierre Cassen

Ouvrier du Livre en presse parisienne de 1978 à 2006, à l’Imprimerie de la Presse, puis au quotidien La Tribune. Retraité depuis juillet 2006 à l’âge de 53 ans, il anime aujourd’hui Riposte Laïque, une publication en ligne de défense de la laïcité.

Principal témoin de récit, Pierre Cassen a débuté comme « typo » dans les années 70. Titularisé ouvrier du Livre en presse parisienne en 1978 à l’Imprimerie de la Presse, il a ensuite passé plus de vingt années à La Tribune. C’est lui qui a sollicité la plupart des autres témoignages auprès de ceux qu’il a croisés au cours de sa vie professionnelle, et qui forment les pièces d’un puzzle où se reconstitue l’image d’une profession aujourd’hui disparue. Pierre Cassen a été délégué du personnel des « typos » à l’Imprimerie de la Presse, puis délégué syndical, du Livre CGT, à la Tribune, pendant quinze ans. Il raconte la vie du quartier parisien de la presse, l’ambiance et les relations entre ouvriers du Livre, les débats sur la stratégie syndicale face à l’inéluctable modernisation. Souvent contestataire, il porte un regard tendre et reconnaissant sur les typos pour ce qu’ils lui ont apporté.

Isabelle Repiton

Journaliste de presse écrite depuis 1989. Rédactrice spécialiste des médias, au quotidien La Tribune depuis 2000.

Ayant côtoyé les ouvriers du Livre lors de son premier stage dans la presse, elle les a retrouvés en 2000 en entrant comme journaliste à La Tribune. Six ans plus tard, ils quittaient le journal ou, pour les plus jeunes, perdaient leur statut particulier pour devenir journalistes. A l’heure où la presse quotidienne affronte le défi d’Internet, où l’habitude de sa lecture se perd chez les jeunes générations, elle a voulu recueillir ces témoignages d’ouvriers qui vécurent la fin de l’imprimerie au plomb et la transition à la photocomposition puis à la publication par ordinateur. Se gardant de tout jugement sur une profession très critiquée dans son milieu, elle constate aujourd’hui que ce sont les journalistes qui vont être confrontés à d’autres défis que ceux qui ont fini par emporter les ouvriers du Livre. Avec eux, c’est une page de l’histoire de la presse quotidienne qui se tourne, une presse née au XIXe siècle, qui connut son essor au XXe, et dont l’avenir reste à écrire.

Le Temps des Cerises

www.letempsdescerises.net/

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