GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

La revue DS L'infolettre

Toison d’Or et triple A

Nicolas Sarkozy aime les titres ronflants. Au début de son quinquennat, il s’était rendu avec enthousiasme à Rome pour y être intronisé par le pape en personne « chanoine honoraire de l’église romaine de Saint-Jean de Latran ». A la fin de son quinquennat, il n’a pu résister aux délices de se faire adouber chevalier de la Toison d’Or par le président (de droite) du Conseil espagnol, Mariano Rajoy.

Mal lui en a pris. Il voulait convaincre qu’il avait changé et qu’il était maintenant capable de garder son sang-froid. Il voulait surtout convaincre que la perte du triple A de la France n’était pas « une catastrophe » et que l’affaire le laissait de marbre. Mais chassez le naturel et il revient au galop : Sarkozy a tout gâché en s’énervant, en s’agitant derrière son pupitre, en jouant les fier-à-bras et en obligeant un journaliste à reposer trois fois sa question sur les conséquences de la perte de ce triple A. Pire, il s’est couvert de ridicule en donnant en exemple la majorité et l’opposition espagnole qui « avaient su ensemble adopter la règle d’or budgétaire » alors que Standard Poor’s venait, malgré cette adoption, de dégrader de deux crans la note de l’Espagne.

Nicolas Sarkozy, tout chanoine honoraire qu’il est, ne sait plus à quel saint se vouer.

Depuis deux ans, il faisait du triple A de la France un « trésor » à préserver à tout prix. Il affirmait lors d’un déjeuner d’élus de la majorité le 7 septembre : « Nous avons un objectif et une obligation : conserver le triple A ». Ses ministres avaient brutalement attaqué François Hollande qui refusait de faire campagne sous la pression des agences de notation et qui soulignait que les marchés financiers avaient déjà en bonne partie entériné la perte de ce triple A.

Puis, le ton à changé. Sarkozy et ses ministres ont commencé à laisser entendre que la perte du triple A ne serait pas une catastrophe. Jusqu’à ce que ce triple A soit effectivement perdu et que Fillon affirme «Standard Poor’s possède 21 rangs de notation : nous étions notés 21 sur 21, nous passons à 20 sur 21 !» Pas de quoi fouetter un chat… C’est pourtant au nom de ce 21/21 que Sarkozy nous a imposé sa contre-réforme des retraites et deux plans de rigueur en attendant le 3ème et la hausse de la TVA.

Sarkozy a ensuite repris son refrain triomphaliste en affirmant qu’une autre agence de notation, Moody’s, avait « confirmé » le triple A français. Ce qui est faux, l’agence n’a encore décidé de rien. De toute façon, cela ne changerait rien, car dans le contexte actuel, les marchés financiers ne tiennent compte que des avis les plus pessimistes. De la même façon qu’en 2007, ils ne tenaient compte que des avis les plus optimistes et prenaient pour argent comptant les notes AAA données par les agences de notations aux produits bancaires farcis de « subprime ». La France a donc bel et bien perdu son triple A malgré les gesticulations et les changements de pied continuels de Sarkozy et de ses ministres.

L’abaissement de la note de la France ne sera pas sans conséquence. Il rendra plus onéreuse la dette de l’État dont les taux d’intérêt augmenteront, comme ceux des emprunts faits par les entreprises publiques et les collectivités territoriales. Cette perte du triple A pèsera aussi sur les taux des crédits immobiliers.

Cette dégradation, surtout, n’arrive pas seule puisque 8 autres pays de la zone euro voient leur note abaisser d’un ou deux crans. Au pire moment, alors qu’une nouvelle crise bancaire est en gestation et que le gouvernement grec et ses créanciers privés n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les modalités de l’inévitable restructuration de la dette publique grecque. C’est l’avenir de la zone euro et de l’Union européenne qui est en jeu.

Sarkozy affirme que la politique de la France ne sera pas dictée par les agences de notation mais sa politique de rigueur est strictement conforme aux desiderata de ces agences qui exigent une réduction à marche forcée des déficits publics sans se soucier de la récession généralisée à toute l’Europe provoquée par la généralisation des plans de rigueur.

La question la plus importante reste, cependant, celle de savoir pourquoi une officine de notation peut dicter sa loi aux citoyens, à leurs gouvernements et à leurs parlements élus au suffrage universel. La réponse est à chercher du côté des traités européens qui livrent le financement des États européens aux marchés financiers. Ils interdisent à la Banque centrale européenne de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort de ses États-membres en achetant directement les titres de leurs dettes publiques lors de leurs émissions. Ils interdisent toute solidarité entre l’Union et ses États-membres en prohibant tout budget européen digne de ce nom.

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…