GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Thomé-Génot : Le jour d'après

Tel le film de cette catastrophe climatique maintes fois annoncée et qui surprend finalement dans sa

glaciale et brutale exécution, la liquidation brutale de Thomé-Génot et l'abandon glacial de ses salariés

nous renvoie à des conditions ouvrières comparables à celles du début du XIXème siècle.

Nouzonville est trahi dans son histoire industrielle, sa moelle épinière.

Son navire-amiral industriel est sur le flanc. Un siècle et demi n'avai altéré ni le courage, ni l'ingéniosité

et la maîtrise, ni l'identité de générations de travailleurs nouzonnais et ardennais qui armaient

ce bâtiment. Quand on imagine que, lorsque cette boutique a commencé à frapper, Jean-

Baptiste CLÉMENT était encore en culottes courtes !

Du courage, il en faut pour faire fonctionner 364 jours par an, 24 heures sur 24, postés devant

ces machines impressionnantes installées dans des locaux qui font parfois penser au

Germinal de Zola. Du courage il en faut, pour tenir toute une nuit de labeur dans le bruit et la

pénombre de ces ateliers. C'est le courage d'hommes à qui personne ne peut faire la leçon

sur la valeur TRAVAIL. Ils connaissent cette valeur comme si elle était inscrite dans leur génome.

De l'ingéniosité et de la maîtrise, pas de leçon là encore, à recevoir !

Car ce process industriel innovant qui permettait une production ingénieuse des pôles d'alternateur

n'a pas été le produit de laboratoires de recherche patentés venus d'outre-atlantique

ou d'ailleurs. Il était le produit de nouzonnais, obscurs et modestes, mais fiers de se nourrir

du savoir et des valeurs de leurs pères, qualités qu'ils détenaient eux-mêmes des générations

précédentes.

L'identité, c'est celle d'une localité qui s'est construite à partir de la manufacture d'armes,

relayée par les maîtres de forges puis par les capitaines d'industrie. Nouzonville s'est forgée

cette identité ouvrière. Ne s'est-elle pas appelée le “Creusot Ardennais”? Mais il est vrai qu'à

l'époque de la manufacture, les États-Unis n'existaient pas et, ironie de l'histoire, des armes

fabriquées à Nouzonville ont participé à la construction de ces mêmes États-Unis.

Nouzonville est volé de son patrimoine comme jamais dans son histoire.

Thomé-Génot est victime de ces tristes figures de l'impérialisme financier américain. Car tout

porte à croire qu'ils sont venus sciemment presser un citron financier avant de laisser à la dérive

l'entreprise qu'ils viennent de saborder et ses salariés sur le carreau, sans aucun scrupule !

Être venu en 44 participer à la libération du joug hitlérien avec -ne l'oublions pas- les indigènes africains

et l'armée rouge, est louable, mais venir chercher dans le travail des ouvriers français une

réponse à leur imprévoyance est lamentable.

Ce que les américains n'ont pas su mettre en place chez eux, les outils de solidarité générationnelle

comparable à notre système de retraite, alors ils viennent voler notre patrimoine dans le but d'assurer,

par l'intermédiaire de leurs fonds de pension privés, la retraite de leurs ressortissants. Là où la

France ne peut supporter toute la misère du monde, pourquoi aurait-elle à supporter la misère

morale et sociale des États-Unis ?

Certes, Thomé Génot a pu s'endormir sur de nobles performances,. Mais comment condamner plusieurs

décennies de ressources individuelles et collectives produites sans l'inquiétude du lendemain?

Et si, il y a deux ans, un système bancaire intelligent et public avait existé, personne n'aurait

eu à se soumettre au mirage américain.

Alors, une fois encore, ces oubliés de l'aventure économique que sont les salariés doivent compter

sur leurs systèmes de solidarités sociales, et ici pour corriger les malversations mafieuses des

chantres de la compétitivité et des concurrences libres et non faussées...

Et dire que certains dénoncent encore l'État-Providence”...

Et dire que certains pleurent sur l'excès de “charges sociales”...

Posons-leur aujourd'hui la question : qu'en serait-il aujourd'hui de ces hommes, de ces femmes, de

leurs enfants sans nos organismes sociaux qu'ils ont eux-mêmes financés par ponction sur la

masse salariale: Assedic, AGS, retraites, entre autres ?

Dire ceci, n'est pas politiser l'événement. Car celui-ci EST politique. Il n'est pas fondamentalement

économique : des commandes existaient et rien ne s'opposait à ce que des dirigeants capables

et honnêtes restructurent l'outil de travail, remotivent et redynamisent les équipes. Ce qui flingue

aujourd'hui Thomé Génot, c'est l'organisation politique industrielle ultra-libérale.

Car si l'émotion présente, concrète et passionnelle, mobilise aujourd'hui nos coeurs et nos esprits, il

n'est pas interdit d'analyser les causes et les conséquences en prenant de la distance. Et prendre

de la hauteur avec l'événement, c'est inscrire obligatoirement ce cataclysme dans un environnement

global, mondial, dans une société au capitalisme libéral hyperdominant.

Dans tous les domaines de la société, on assiste à la domination de la finance. Même les vieux

sont aujourd'hui exprimés en terme de coût pour la société ! Catalina est une société à but

hyper-lucratif. Cette dictature du profit nous a conduit à ce désastre économique.

Qui osera nous faire taire cela?

Mais alors, que sont les vrais pouvoirs devenus ? Où sont les vrais leviers de commande ?

Dans la hiérarchie des pouvoirs établis, c'est le capitalisme et donc la finance qui règne. Les bourses

et les banques précèdent, et de loin les pouvoirs techniques et politiques. Il est

temps, grand temps que la République Française restitue des pouvoirs aux élus. Pour cela,

ce sont aux élus eux-mêmes désignés par la Nation qui doivent avoir la volonté de le faire, de se

les restituer.

Aussi, quand l'élu cantonal, candidat à l'Assemblée Nationale, déclare que le sujet n'est pas politique,

cela relève soit de la provocation, soit de l'immaturité. S'il gémit aujourd'hui avec beaucoup

de bruit, telles les pleureuses autour du cercueil, jusqu'où peut-il nier qu'il soutient celles et

ceux qui sont insensibles à ces désastres humains ? Son appartenance au parti de Monsieur

SARKOZY, parti qui fait allégeance aux puissances de l'argent, au modèle américain, est en totale

contradiction avec ses postures actuelles.

S'est-il mobilisé contre le Traité de Constitution Européenne, ultra-libéral où la concurrence et l'absence

de protection fragilise l'ouvrier ? Que nenni !

La notion du “moins d'état” chère à son gouvernement de droite favorise la suprématie de la finance

et de l'économie sur l'Homme et son organisation sociale.

Tout ceci ne sont que des mots. Nous les avons souvent utilisés, sans garantie d'avoir obtenu jusqu'ici

l'écho escompté. Le peuple serait-il trop sensible à la démagogie des formules creuses du

style “ un élu au service de tous “ alors que, nous le voyons, les pouvoirs de l'élu sont minimes ?

Le peuple serait-il trop sensible aux artifices, aux tutoiements et accolades abusifs, superficiels et

intéressés qui les rabaissent pourtant dans leur dignité.

A l'éclairage de ces douloureuses circonstances, espérons qu'il en sera tout autrement demain et

qu'ils sauront reconnaître celles et ceux qui, sincèrement, inlassablement, combattent ce système.

OUI, les urnes qui doivent bientôt parler à plusieurs reprises restent une arme. Que leur

verdict du printemps soient l'expression de nos colères mais aussi et surtout de nos espoirs.

Lundi 6 XI 2006

Pierre LEDEMÉ

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