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Sarkozy, le Front National et Syriza

Après avoir mis un trait d’égalité entre le FN et le PS, avec son « ni-ni », Nicolas Sarkozy récidive en mettant sur le même pied Syriza et le Front National.

Il estime qu’il lui aurait fallu obtenir, pour l’emporter au second tour de la présidentielle de 2012, un report de 60 % des voix des électeurs du FN au lieu des 50 % qu’il a réussi à décrocher. Dans la perspective de 2017, le grand Conférencier cherche donc à ramener dans ses filets cette frange des électeurs du FN qui pourrait lui manquer en 2017, s’il était le candidat de l’UMP et s’il parvenait au second tour…

Il procède, pour y parvenir, à une double manœuvre pour prendre en tenaille les électeurs du FN.

Première manœuvre : l’alignement sur une partie du programme du FN

Comme le parti d’extrême droite, Nicolas Sarkozy utilise la « laïcité » contre les musulmans. C’est au nom de la défense de la laïcité qu’il prévoit d’interdire « le voile » à l’Université et qu’il essaie, de la manière la plus glauque, d’instrumentaliser la question des repas différenciés dans les cantines scolaires. Cette « laïcité » n’a rien à voir avec la loi de 1905 qui est une loi de tolérance qui organise la neutralité de l’État pour permettre aux religions, comme à toutes les opinions, de s’exprimer librement dans l’espace public, sous réserve de ne pas « troubler l’ordre public ».

Comme le FN, il veut également permettre de « déchoir une personne d’“origine étrangère”, de la nationalité française ». C’est une des valeurs essentielles de la République que Nicolas Sarkozy remet, ainsi, en cause, en proposant de bafouer l’article 1er de la Constitution : « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Deuxième manœuvre : tenter d’effrayer les électeurs du FN en brandissant l’« épouvantail Syriza »

Dans ses meetings, Nicolas Sarkozy dénonce Alexis Tsipras dont il ne connaît même pas le nom, puisqu’il l’appelle Tsipas. Il compare la politique de Syriza à celle du Front National et affirme, sur un ton péremptoire, que la politique du gouvernement grec illustre parfaitement ce qui ne peut manquer d’arriver quand on applique la politique du FN. Un de ses conseillers à l’UMP résume l’argumentation : « Vous voulez renverser la table ? Allez-y, elle va vous retomber dessus !(1)»

Nicolas Sarkozy, ce n’est peut-être pas vraiment une nouveauté, ment effrontément. Syriza n’a rien à voir avec le Front National. Sa politique diffère de celle que préconise la FN sur à peu prés tout et, notamment, sur trois points essentiels.

D’abord, Syriza a une politique d’immigration à l’opposé de celle prônée par le FN. Le gouvernement grec vient de décider la fermeture progressive des centres de rétention où sont internés des milliers d’étrangers en situation irrégulière, et la libération immédiate des demandeurs d’asile et des personnes vulnérables (« les familles, les enfants, les mineurs non accompagnés, les femmes enceintes, les victimes de violence, les malades et les personnes âgées »)(2). Une politique qui traite tous les êtres humains avec humanité.

Ensuite, Syriza ne veut pas sortir de l’euro, à la différence du Front National qui a pour objectif « le retour au franc ».

Si la Grèce se trouve dans l’obligation de quitter l’euro, ce sera entièrement de la faute de l’Union européenne qui cherche à l’étouffer financièrement (petit à petit pour que cela ne soit pas trop voyant) afin de l’empêcher d’appliquer sa politique d’urgence humanitaire, d’augmentation des salaires et des retraites, de reconstruction des services publics et de la sécurité sociale, de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales. La Grèce ne sortira de l’euro que si la Banque Centrale européenne cesse d’alimenter les banques grecques en euros, comme elle le fait pour toutes les banques des États de la zone euro. C’est donc la BCE, et avec elle les dirigeants de la zone euro, qui décideront du maintien ou non de la Grèce dans la zone euro.

Enfin, Syriza veut restructurer la dette publique grecque alors que le Front National se soumet à la Finance.

Le gouvernement grec demande que sa dette soit restructurée et que son déficit public diminue en fonction de la croissance de son économie. Il a décidé de réaliser un « audit » de sa dette publique pour déterminer la part de cette dette qui est illégitime et ne devrait faire l’objet d’aucun remboursement, d’aucun versement d’intérêt.

À l’opposé de cette politique, le Front National, malgré ses rodomontades, cède, sans aucune résistance, devant ce « système » qu’il passe pourtant son temps à dénoncer. Il serait tout prêt à payer, rubis sur l’ongle, à la Finance, les intérêts et le capital de la dette française et, même, à effectuer ce paiement en francs, ce qui en augmenterait considérablement le coût.

Le Front National fait de la politique avec des arguments plus grossiers les uns que les autres et s’appuie, avant tout, sur les effets sociaux désastreux des politiques libérales menées par la droite, entre 2002 et 2012, et par la gauche au pouvoir, depuis juin 2012. Nicolas Sarkozy a décidé d’affronter le FN sur son propre terrain en utilisant des arguments encore plus grossiers. Il faut lui rendre cette justice : le disciple, dans ce domaine, est en passe d’égaler le maître.

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L’article en PDF

(1): -Charles Jaigu « Pourquoi Sarkozy déclare la guerre au FN » - Le Figaro - 27/01/2015. (retour)

(2): -Amélie Poinsot et Corine Fouteau « La Grèce réoriente sa politique migratoire » - Mediapart - 22 mars 2015. (retour)

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