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Règle d'or budgétaire en Allemagne… depuis 1949

Sarkozy, Fillon usent de l’argument : les socialistes allemands votent la « règle d’or » en Allemagne pourquoi pas les Français ? ». C’est le même genre de mensonge qu’ils utilisaient pour le bouclier fiscal, ou sur les retraites (en prétendant qu’elle était fixée à 67 ans en Allemagne alors que ce n’est qu’un projet vers 67 ans en 2029, avec 35 annuités de cotisations et une démographie moitié plus basse)

La "règle dite d'or" allemande existe depuis 1949. L'article 110 de la loi fondamentale allemande de 1949, sa Constitution, explique que "les recettes et les dépenses doivent s'équilibrer". L'article 115 précise que "le produit des emprunts (souscrits par le pays) ne doit pas dépasser le montant des crédits d’investissements inscrits au budget". Il ajoute qu'il "ne peut être dérogé à cette règle que pour lutter contre une perturbation de l’équilibre économique global".

Cela n’a rien empêché : l'Allemagne s’est endettée et a dérogé dix fois depuis 1970 à cette « règle d’or » ce qui en relativise le sens. En 2010 sa dette atteignait 83,2 % du PIB contre 81,7 % à la France. En valeur absolue, l’Allemagne est le pays qui a la dette publique la plus élevée de la zone euro : 2 079 milliards d’euros. Elle est ainsi la 3e économie la plus endettée du monde après les Etats-Unis et le Japon, suivie par l’Italie avec 1 843 milliards, puis par la France avec 1 591 milliards d’euros (1 646 milliards et 87,3 % du PIB au premier trimestre 2011). En comparaison, la dette publique de la Grèce, quant à elle, ne s’élève qu’à 340 milliards d’euros en 2010.

Hors de la zone euro, la dette publique du Royaume-Uni représente, en 2010, 80 % de son PIB. Hors de l’Europe, en 2010, la dette publique du Japon atteint, selon le FMI, 229 % de son PIB. Celle des États-Unis atteint 100 % de son PIB, avec un montant de 14 580,7 milliards de dollars (un peu plus de 10 000 milliards d’euros) en août 2010, alors que son PIB s’élève à 15 526,5 milliards de dollars.

L'Allemagne veut s'interdire de voter des budgets en déficit... à partir de 2016. Ce que le Bundesrat allemand a adopté le 12 juin 2009, c'est une loi constitutionnelle de "frein à l’endettement", qui complète l'article 115 et interdit au gouvernement de voter un budget en déficit. En pratique, l'Etat fédéral ne pourra souscrire des emprunts qu'à hauteur de 0,35 % du produit intérieur brut (PIB), soit 8 milliards d'euros. Cette loi s'appliquera... à partir de 2016.

D'ici là, l'Allemagne devra réduire son déficit de 10 milliards d'euros par an. À l'heure actuelle, l'Allemagne possède un déficit public de 2,89 % et une dette qui atteint 81,28 % de son PIB. Le pays ambitionne donc de réduire son déficit avant d'en limiter ensuite la propagation.

De plus, la loi allemande de 2009 n'est pas "gravée dans le marbre" : elle précise en effet que "en cas de catastrophe naturelle ou de situation d'urgence exceptionnelles qui échappent au contrôle de l'Etat et compromettent considérablement les finances publiques, ces limites supérieures de l'emprunt peuvent être dépassées sur décision de la majorité des membres du Bundestag. La décision doit être liée à l'établissement d'un plan d'amortissement."

La France possède aussi une loi de programmation des finances publiques. La "règle d'or" française que Sarkozy veut faire passer existe déjà en partie depuis 2008 : les dépenses de l'Etat sont fixées dans le cadre d'une loi triennale de programmation des finances publiques. L'article 34 de la Constitution, adopté le 23 juillet 2008, prévoit un "objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques". Tout cela est très opportuniste et idéologique. Sarkozy propose de transformer cette loi de programmation en "loi-cadre d'équilibre des finances publiques", qui s'imposera aux lois de finances et durera cinq ans et non plus trois. Le caractère constitutionnel du texte le rendra également plus impératif, puisque le Conseil constitutionnel aura le devoir de censurer tout texte de loi qui s'affranchirait de la règle. Mais Samuel Laurent dans Le Monde objecte que les critères de Maastricht, qui fixent des règles d'endettement communes aux pays de la zone euro (notamment un déficit inférieur à 3 % du PIB) ont déjà une valeur normative plus forte, en droit, supérieure à la Constitution. Ce qui n'a pas empêché la France de s'en affranchir à de nombreuses reprises. (Particulièrement à la demande de Sarkozy/Fillon en 2008)

La "règle d'or" française serait aussi limitée par une loi "organique" qui fixerait les modalités de la… loi cadre. En clair, les plafonds de dépenses et de recettes dépendront d'une autre loi. Si celle-ci est minimaliste, la contrainte qui pèsera sur les lois de finances sera moindre, voire nulle. De même, tout dépendra de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : que jugera-t-il contraire à cette loi dans l'ensemble des textes et articles qui lui seront soumis ? La question est d'importance pour les collectivités locales, que la Constitution dote du droit à l'autonomie de leur budget, ce qui fait rentrer en conflit avec la "règle d'or".

Gérard Filoche

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