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Recomposer le front syndical en défense des retraites !

Certes, il y avait davantage de manifestants et de grévistes le 3 avril que le 1er février. Mais si la CFDT (et aussi d'ailleurs la CGC et la CFTC) avait appelé, c'est un million de personnes qui auraient manifesté, ce jour-là, en défense de nos retraites. Or, pour gagner face à Raffarin, il faudra des millions de manifestants… La CFDT doit donc reprendre toute sa place dans les prochaines mobilisations.

C'est pourquoi il nous a paru nécessaire de répondre aux arguments avancés par la Confédération pour ne pas participer au 3 avril et à la campagne de cartes postales, terriblement ambiguë, qu'elle mène aujourd'hui.

Pourquoi opposer discussion avec le gouvernement et mobilisation ?

Le gouvernement est loin d'avoir donné satisfaction aux différents points de la plate-forme intersyndicale.

Selon la Direction de la CFDT, le texte ministériel (préambule de la future loi sur la reforme des retraites) réaffirme le choix de la répartition. Certes, mais en refusant de fixer un taux de remplacement précis, une place sera faite inéluctablement aux fonds de pension qui se construiront en siphonnant les ressources des retraites par répartition.

Le même texte ministériel affirme « viser » un haut niveau de retraite. Certes, mais viser ne veut pas dire atteindre ! Et, que signifie « haut » niveau ? Comment penser qu'il serait possible de se contenter de telles approximations pour garantir nos retraites ?

Ce même texte renvoie dans chaque branche professionnelle la prise en compte de la « pénibilité » du travail. Est-il possible d'accepter une telle méthode ? N'est-ce pas sur une vision d'ensemble, précise et achevée que devrait se fonder un jugement syndical ?

La possibilité de départ avant 60 ans (avec 40 annuités de cotisation) serait reprise en compte par le texte ministériel. Certes, mais il précise « sous réserve des équilibres financiers globaux ». Ce qui ne peut que laisser planer un doute immense sur une possibilité autre qu'infinitésimal de départs en retraite avant 60 ans.

Quant à la possibilité de « valider certaines périodes d'inactivités forcées » de prendre « en compte des années d'étude »… elle ne paraît pas concerner les salariés du privé puisqu'il n'est prévu d'en discuter que dans le groupe spécifique fonction publique !

Dans sa lettre à Fillon et Delevoye, François Chérèque affirme, malgré tout cela, que « ces principes et objectifs dans le préambule de la future loi, fixent à la réforme un cadre prometteur ». Il prend cependant aussitôt la précaution de préciser « à la condition que les engagements pris par le gouvernement soient maintenant déclinés et traduits en mesures concrètes ».

Mais, justement, qui peut croire que ces engagements particulièrement flous se traduiront en mesures concrètes favorables aux salariés et à leurs retraites par répartition sans que ces salariés se mobilisent massivement ? De son propre point de vue, il est incompréhensible que la Direction de la CFDT n'ait pas appelé à participer à la mobilisation unitaire du 3 avril.

Ne pas opposer le privé et le public ?


Les manifestations du 3 avril, auraient, selon la Direction de la CFDT, opposé les salariés du public et ceux du privé.

C'est une réalité discutable. Mais, surtout, c'est en refusant de participer à la manifestation du 3 avril, en refusant d'appeler à y participer les salariés du privé comme du public, et en la stigmatisant comme manifestation des seuls salariés du public que la Direction de la CFDT se situe au premier rang de ceux qui opposent le privé et le public.

Le but du gouvernement est évident. Il veut battre les uns après les autres les fonctionnaires puis les salariés du privé et enfin les salariés des entreprises publiques.

Face à une telle menace, clairement annoncée aussi bien par Balladur que par Fillon ou Raffarin, le rôle d'une organisation syndicale ne serait-il pas de tout faire pour que les salariés ne tombent pas dans ce piège et qu'ils ripostent dans l'unité aux attaques du gouvernement ?

Mais comment mobiliser dans l'unité les salariés du public et du privé sans avancer la revendication des 37,5 annuités pour tous quand le gouvernement à l'intelligence de ne sembler s'attaquer qu'aux fonctionnaires dans un premier temps ?



L'autruche, les retraités et les actifs

Le recto de la carte postale que la Direction de la CFDT demande aux salariés d'envoyer au Premier Ministre est - c'est le moins que l'on puisse dire - surprenant !

Que montre, en effet, le graphique que l'une des autruches se refuse absolument à voir ? Il indique que dans un certain nombre d'années, le nombre d'actifs et de retraités se croiseront et qu'un certain nombre d'années plus tard, il y aura non seulement autant de retraités qu'il y a d'actifs aujourd'hui mais encore, qu'à la même date, il y aura autant d'actifs qu'il y a de retraités aujourd'hui !

Raffarin ne pouvait rêver mieux : des salariés qui lui renvoient sous forme de cartes postales la caricature de la réalité démographique que la droite et le patronat s'efforce de faire passer pour une vérité depuis des années !

Regardons d'un peu plus prés ce graphique censé représenter l'évolution démographique au cours des prochaines années. Il est bien évident que si dans 20 ou 40 ans il y avait 11 millions d'actifs et 27 millions de retraités, comme le suggère avec insistance le graphique de la CFDT, il y aurait peu d'espoir de sauvegarder les retraites par répartition ! Mais ce graphique n'a, heureusement, rien à voir avec la réalité.

Certes, on ne peut demander à un dessin qui se voudrait humoristique, d'avoir la précision d'un tableau de l'INSEE. Malgré tout, ce qui est important, c'est de comprendre ce que suggère ce graphique : la situation démographique est telle qu'il ne sera possible de sauver les retraites que si les salariés acceptent des sacrifices.

Or, c'est faux ! En effet ce graphique est une caricature de la présentation de la situation démographique en France faite par le rapport Charpin lorsqu'il titre « En 2040, il y aura sept retraités pour dix actifs » et précise un peu plus loin qu'aujourd'hui, il y a 4 retraités pour 10 actifs.

Et cette présentation de la réalité est, déjà, elle -même une caricature car elle oublie de préciser deux aspects importants. Tout d'abord que le terme « actif » ne signifie pas personne occupée mais « personne en age d'être actif (20 à 59 ans) » Ce qui veut dire que ce terme « actifs » intègre les chômeurs ! Elle ne précise pas non plus que les personnes « inoccupées » ne sont pas seulement les retraités mais aussi les chômeurs et les personnes de moins de 20 ans. Or, le chômage, en 40 ans, devrait diminuer et toutes les prospectives indiquent une diminution des jeunes de moins de 20 ans.

A la page suivante, le rapport Charpin précise d'ailleurs qu'en 1995 il y avait 100 personnes occupées pour 129 personnes inoccupées et qu'en 2040 il y aurait, toujours pour 100 personnes occupées 144 personnes inoccupées, soit une augmentation de 11,63 % en 40 ans !. Ce qui nous mène bien loin du quasi-doublement annoncé en titre par le rapport Charpin et de la vision apocalyptique véhiculée par la carte postale de la CFDT.

L'autruche et le partage des richesses

En plaçant la question des retraites sur le seul plan de la démographique, l'autruche qui n'a pas la tête dans le sable et qui invective sa congénère se trompe radicalement. Et, en fait, c'est elle qui a la tête dans le sable quand elle se refuse à voir que la question des retraites n'est au total qu'une question de partage des richesses.

Depuis vingt ans, en effet, les profits ont gagné plus de 400 milliards de francs (annuels) aux dépens des salaires. Ne faut-il pas, comme la Direction de la CFDT, avoir la tête dans le sable et se refuser à voir que la solution de la question des retraites par répartition passe par un autre partage des richesses entre salaire et profits ?

Un tout autre graphique que celui proposé par la carte postale de la CFDT aurait pu montrer l'évolution comparée de la masse des salaires et de celle des profits ? Il n'aurait pas été difficile d'en déduire la solution pour nos retraites : l'augmentation des cotisations retraites patronales.

Jean-Jacques Chavigné

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