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Réaction sur la décentralisation à l'EN

Chers amis,

Vous trouverez ci dessous et ci-joint un point de vue contre la décentralisation-liquidation du service public d'orientation au sein de l'éducation nationale, annoncée brutalement par le gouvernement Raffarin. Faites en l'usage que vous voudrez, diffusez l'information si possible, il y a urgence.

Alain Montaufray,

Conseiller d'Orientation Psychologue au CIO d'Aubervilliers, adhérent au SNES.

Ne laissons pas le gouvernement liquider

le service public d‚orientation de l‚Éducation Nationale

Le gouvernement a annoncé le transfert aux régions , dès le 1° janvier 2004, du service public d'orientation de l'Éducation Nationale, les Centres d'Information et d'Orientation (C.I.O.) et leurs personnels, les Conseillers d'Orientation Psychologues (COPsy). Il a décidé de fermer le concours de recrutement en 2004 de l'INETOP, l'institut qui forme les conseillers d'orientation psychologues, et de supprimer du budget 2004 la ligne de financement des services d‚orientation. Il met fin aux délégations régionales de l‚ONISEP, l‚organisme public qui produit les documents d'informations, pour laisser sans doute la place à d'autres organismes régionaux indéfinis. Sous couvert de « régionalisation », c'est une liquidation.

Il prétend agir au nom de la « proximité » et de la nécessité de « rapprocher les décisions du terrain », mais derrière les mots, il y a une autre réalité : après avoir mis fin aux aides éducateurs et au statut des surveillants, il voudrait réduire le nombre de fonctionnaires dans l‚éducation nationale ( transfert de 100.000 postes d'ATOS, de 2500 Assistantes sociales scolaires, de 1200 médecins scolaires), et supprimer les 4500 conseillers d'orientation.

Demain les CIO seraient regroupés avec les Missions Locales (voire les ANPE ) dans de nouvelles structures dépendantes du bon vouloir des élus régionaux et non plus du service public d‚éducation. Progressivement, nous serions placés à la sortie du système scolaire, et hors des établissements scolaires et des équipes pédagogiques. Bonjour la « proximité » !

Brutalement, sans aucune concertation, nous allons perdre notre statut de fonctionnaires d'État, et nos effectifs, déjà insuffisants vont diminuer jusqu'à la disparition de la profession ( actuellement 1 conseiller(e) pour 1400 élèves du secondaire ). Nous savons dans ces conditions quelles sont les limites actuelles de nos services et les réformes qu'il faudrait y apporter, mais leur régionalisation vise à les détruire, non à les améliorer. Ferry veut faire disparaître notre métier, tel qu'il avait été imaginé il y a 60 ans dans les espoirs généreux d'une Libération qui voulait reconstruire une école nouvelle, tel qu'il a été façonné depuis par les acteurs d'un service public d'orientation indépendant au sein de l'éducation nationale, une « spécificité » française en Europe. Avec Ferry, Darcos et Raffarin, c'est une transformation radicale de nos missions qui se profile, et ce seront avant tout les jeunes qui en subiront les conséquences.

La droite la plus libérale, au gouvernement comme dans les régions qu'elle dirige, défend une conception de l'orientation où n‚auraient plus de place l'aide à la réussite, la re-mobilisation scolaire, l'élaboration d'un parcours de formation individualisé. Elle voudrait mettre fin à la possibilité d'accès pour tous les jeunes, y compris les plus modestes, à des personnels qualifiés dont la déontologie de psychologue est un garant pour la prise en compte des intérêts de la personne. Elle voudrait faire de nous de simples « informateurs » sur de prétendus débouchés régionaux à court terme, sergents recruteurs pour les formations qui auront été agréées par les élus régionaux. Elle voudrait mettre fin à une information pluraliste et indépendante que garantit notre attachement au service public.

A notre place, ce seront d'autres « conseils » qui verront le jour, porteurs d'un discours dicté par les branches professionnelles et les clientélismes locaux qui voudront imposer leurs choix aux jeunes. Ce sera la porte ouverte aux colporteurs des formations privées et de l'apprentissage, aux « foires » aux formations sous l'égide des régions. C'est là la vraie raison de cette réforme : Réduire les dépenses et l'engagement de l'Etat tout en satisfaisant les organismes privés qui rêvent d'une mise sur le marché de l'offre de formation de l'éducation nationale. Les régions pourront ainsi contractualiser, voire même « orienter » vers eux les fonds européens et ceux de la formation professionnelle.

Après les CIO, les régions visent déjà l'enseignement professionnel public, les lycées professionnels, les bac technologiques, les BTS. A l'horizon se profile la remise en cause du caractère national des diplômes qui accompagnera l' " autonomie " des établissements. Si des partenariats sont indispensables pour tenir compte du tissu économique régional, les formations initiales, du lycée à l'université, doivent conserver les règles nationales permettant d‚aider les régions les moins favorisées à combler leur retard. On voit bien le danger qui guette les jeunes s'ils ne peuvent faire valoir leurs diplômes sur tout le territoire.

Le gouvernement veut aussi mettre fin à l'organisation de notre travail à partir des Centres d‚Information et d'Orientation publics ,et gratuits, de l'Education Nationale, ce qui nous a toujours donné une certaine indépendance, indispensable pour mettre l'intérêt personnel des jeunes au centre de notre métier.

Il veut mettre fin à un service qui a accompagné la massification du second degré, au moment où il abandonne la priorité à l'éducation, et affirme en même temps sa volonté d' « orienter dès la cinquième », d'inciter à l'apprentissage, et de remettre en cause l'objectif d‚amener 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac, qu'il soit général, technologique ou professionnel. Toutes les études en confirment pourtant la nécessité. Même celles du MEDEF ! Dans une enquête d'octobre 2002 de l‚ « Association Jeunesse Entreprise », présidée par Yvon Gattaz, les 400 chefs d'entreprises interrogés estiment que l'essentiel de leurs besoins de recrutements dans les années à venir exigent ou dépassent le niveau bac (24 % bac ou bac pro, 44 % bac plus deux, 21 % bac plus quatre). À ces besoins des entreprises, il faut ajouter les centaines de milliers d'emplois d'infirmières, d'enseignants, de fonctionnaires venant compenser les départs à la retraite des « baby-boomers ». Aujourd‚hui, 68 % d'une classe d'âge arrive au niveau bac, 61 % l'obtient, et c'est insuffisant. Trop de jeunes sans qualification ou sous qualifiés viennent grossir les rangs des chômeurs.

Nous n‚acceptons pas le diktat de Raffarin, ni les méthodes de Ferry et Darcos, qui ont déjà envoyé leur lettre de « remerciement » aux personnels des CIO avant même le vote des lois ! Ils ont entrepris de démanteler le service public d'éducation, par le biais de la « régionalisation », en commençant par nos services. Les jeunes, les enseignants doivent avoir à cœur de conserver un service public d'orientation en lien avec le processus éducatif et pédagogique. Ce qui est en jeu n'est pas seulement notre statut de fonctionnaires d‚État et nos conditions de travail, gravement menacées, mais l'acceptation ou non d'une logique de dérégulation du système éducatif, qui s'étendra demain aux personnels enseignants et à toutes les formations.

La méthode pour liquider notre service est brutale, elle préfigure ce qui attend la fonction publique (et la « réforme » des retraites) sous le règne de cette droite libérale arrogante. Une violence ressentie comme telle par toute la profession, qui s'insurge. Partout les COPsy se mobilisent adoptant différentes formes de résistances, se coordonnent avec les autres « décentralisés » (A.S., ATOSS), cherchent à mobiliser enseignants, élèves, parents.. . La partie n'est pas encore jouée, ce n'est qu‚un début. En février, nous étions déjà un millier à manifester à Paris (sur 4500) à l'appel du Snes, le 18 mars presque toute la profession, gréviste à 90 %, était présente dans les manifestations à l'appel de tous les syndicats. Le 27 mars, ce sera une nouvelle grève avec manif nationale à Paris des COPsy (dans l'unité syndicale SNES-SGEN-FO-SUD), des assistantes sociales et médecins scolaires.

Il y a urgence, le Parlement doit décider, en juin ou en juillet, des compétences qui seront transférées aux régions et redéfinir nos missions. Les COPsy ont besoin du soutien de tous, de toute la communauté éducative, et surtout d'une convergence des résistances en défense d'un meilleur service public national d'éducation. C'est tous ensemble que nous gagnerons, ou que nous perdrons, face à l'offensive libérale contre l'école

Alain Montaufray

Conseiller d‚Orientation Psychologue au CIO d'Aubervilliers, syndiqué au SNES.

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