Raymond Vacheron de la CGT Textile : "La logique du profit a tué l’entreprise"
Raymond Vacheron, responsable CGT textile, démonte l’argument du coût du travail.
Au-delà de la fermeture de la dernière usine Lejaby, comment expliquez-vous le phénomène de la désindustrialisation ?
Raymond Vacheron: On est dans une logique où il faut toujours faire plus de profit au détriment de l’emploi. À Lejaby, les salariées produisent sept soutiens-gorge de l’heure, et sur un soutien-gorge qui se vend 80 euros dans le commerce, seulement 2 euros servent à rémunérer le travail ! Ils vont économiser quoi en délocalisant ? Quarante ou cinquante centimes ? C’est ridicule ! Je ne veux pas faire l’apologie du capitalisme à l’ancienne, mais à l’époque de Maurice Bugnon (PDG de Lejaby de 1966 à 1995 – NDLR), le taux de profit était de 2 à 3 % par an, et cela suffisait à construire une industrie. Maintenant, il faut 15 % de profit, et on perd de plus en plus d’activité. Derrière le consortium de repreneurs Alain Prost, Christian Bugnon et Isalys, présentés comme des entrepreneurs, c’est un fonds de pension italien – Fiduciaria San Babila – qui est en réalité acquéreur !
Xavier Bertrand explique qu’il faut baisser le coût du travail pour maintenir nos industries, que pensez-vous de cette analyse ?
Raymond Vacheron: C’est un non-sens. Quand on connaît les filles de Lejaby, on sait bien qu’elles ne pouvaient pas se payer les produits qu’elles fabriquaient. Alors, si on diminue encore le pouvoir d’achat des salariés, ils pourront encore moins acheter ce qui est produit. La question, ce n’est pas le coût du travail, mais c’est de savoir s’il y a une vraie volonté politique de garder une industrie. La fermeture de l’usine d’Yssingeaux, c’est la mort du territoire de la Haute-Loire.
Propos recueillis par L. N.