GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Quel était notre projet au congrès du Mans ?

Au congrès du Mans des 18-20 novembre, les militants de la gauche socialiste avaient clairement fixé leur objectif : « constituer une majorité alternative ancrée à gauche ».

Pour cela, ils s'étaient regroupés en fusionnant différentes composantes issues du dernier congres de Dijon : le Nouveau parti socialiste, Nouveau Monde, Forces militantes. Ces trois courants constitués pour « tirer le bilan du 21 avril 2202 », avaient obtenu 37,5 % des voix en mai 2003, et sans doute prés de 30 % des voix lors du référendum interne du 1er décembre 2004. Ils entendaient aussi « tirer le bilan du 29 mai 2005 »... Regroupés dans la motion 5, ils ont obtenu 25 % des voix le 9 novembre dans les fédérations.

Le « Nouveau parti socialiste » fondé aux origines par des membres du Bureau national sortant comme Vincent Peillon, Benoit Hamon, Julien Dray, Gérard Filoche et aussi Arnaud Montebourg, entre autres, en septembre-octobre 2002, avait obtenu prés de 17 % des voix lors du congrès de Dijon, mais, il faut le noter, avait perdu au moins 5 % des voix lors du referendum, toute sa base, fraîchement en rupture avec la majorité de Lionel Jospin- François Hollande n'étant pas prête à voter « non » à un réferendum concernant une constitution européenne.

Au départ, le « Nps » insistait uniquement sur la « rénovation » du Parti socialiste et tendait à se situer plus au « centre » de celui-ci que Nouveau monde. Mais chemin faisant, une certaine radicalisation a traversé ses rangs et des milliers de militants qui votaient encore pour la motion majoritaire aux congrès de Brest (1997) et de Grenoble (2000), ont évolué vers des exigences démocratiques (VI° république) et sociales (reprenant en grande partie le programme social de l'ex-Gauche socialiste) plus poussées. Nps était constitué de « sous courants » ou sensibilités existantes précédemment dans le parti comme la « C6R » (Convention pour la VI° République d'Arnaud Montebourg), « Nouvelle gauche » ( dirigée par Benoit Hamon) « Démocratie socialisme » (mensuel de l'ex-Gauche socialiste, partagé à 40 % dans Nps et à 60 % dans Nm, favorable dés l'origine à l'unité des deux courants)

Nps a obtenu 17 000 voix et a conquis un nombre d'élus important (une centaine de conseillers régionaux, davantage de conseillers généraux, deux députés européens, un sénateur, et une quinzaine de députés élus d'auparavant agissaient dans ses rangs, il avait obtenu douze membres du Bn sortant). A Fouras, lors des rencontres d'été du Nps, qui n'ont cessé de voir la participation militante grandir ( 700 présents en 2003, 8 à 900 en 2004, prés de 1100 participants en août 2005), il a finalement été adopté une orientation qui ne laissait aucun doute : « ancrer à gauche » le parti, imposer « une majorité alternative ». Pas un texte, pas une orientation collective du Nps, d'octobre 2003 à novembre 2005 ne laissait prévoir que ce courant ferait « synthèse » avec la motion de François Hollande. Au contraire, les déclarations des dirigeants étaient de plus en plus enflammées, parfois excessives, contre le Premier secrétaire : Vincent Peillon, qui n'était pas en reste pour dénoncer Hollande, fut le seul publiquement à s'exprimer en faveur « d'une synthèse générale ou pas de synthèse du tout » mais il y eut une telle réaction de la base militante qu'il ne put faire progresser cette idée à Fouras, et qu'à la veille même du congrès, le 15 novembre, en présence d'une centaine de membres de la direction nationale de Nps, il excluait lui-même officiellement cette « synthèse ».

« Forces militantes » fut le résultat d'une action opiniâtre du dirigeant d'une des principales fédérations du parti (le Nord), Marc Dolez. Celui-ci choqué profondément par les résultats du 21 avril ( 12 % des voix à Jospin, 30 % à Le Pen) n'eut de cesse d'entraîner des cadres intermédiaires du parti, responsables fédéraux dans une bataille pour le renouvellement, pour la démocratisation militante de la direction, et pour qu'elle renoue avec sa base populaire. D'abord accompagné par de nombreux « premier fédéraux », ces secteurs de l'appareil, un moment déboussolés, ne suivirent pas ses audaces et tentèrent in fine de l'isoler, le ramenant nationalement autour de 4,5 % des voix à Dijon. Marc Dolez fut ainsi amené à rejoindre Nouveau monde pour être représenté au Bureau national.

Au congrès de Brest, il n'y avait qu'une seule opposition : la Gauche socialiste ! Au congrès de Grenoble, il y avait deux minorités : la « Gauche socialiste » avec 13,5 % voix et la motion de Henri Emmanuelli et Alain Vidalies avec 13 % des voix... Mais en août 2002, après avoir, pourtant appelé à un courant uni, commun avec Arnaud Montebourg et Henri Emmanuelli, la gauche socialiste éclata, sous la pression double de Julien Dray et de Jean-Luc Mélenchon. « Nouveau Monde » fut constitué en septembre 2003 à Argeles à l'appel, entre autres, d'Henri Emmanuelli, de Jean-Luc Mélenchon, d'Alain Vidalies, le courant fut autoproclamé avec une telle tonalité ( « feu sur le quartier général » s'écria Jean Luc Mélenchon, toujours plein d'ardeur) qu'il limita d'emblée sa propre influence : les militants de la majorité qui étaient fraîchement choqués par le 21 avril, choisirent plutôt Nps... Nouveau monde, bien que composé de militants plus anciens dans l'opposition au sein du parti, arriva derrière Nps, avec 16 % des voix environ. Nm aussi perdit des voix ( 2 à 3 % ?) lors du referendum interne du 1er décembre, tellement la pression et la tradition de voter inconditionnellement « oui » à l'Europe était forte dans le parti, inclus sa gauche (Jean-Luc Mélenchon avait bataillé en 1992 pour que la gauche socialiste de l'époque appelle à voter « oui »).

Ce résultat induisit des désaccords dans sa direction : fallait-il ou non s'allier avec Nps ? Quelle politique et quelles alliances « dedans et dehors » du parti socialiste ? Respecter le vote interne ou faire campagne publique pour le « non » ? Le « bloc » constitué des anciens « poperenistes » (Alain Vidalies, avec Emmanuel Morel qui publia un journal « Parti pris »), d'une partie de l'ex-Gauche socialiste (Jean-Luc Mélenchon, Pascale Le Néouannic, Isabelle Thomas, Pascal Cherki ainsi que des animateurs de D&S, Jean-Jacques Chavigné, Gérard Berthiot, Eric Thouzeau...) et des « emmanuellistes » se sépara de facto début 2005.

Dans la bataille interne longue et prolongée (juin 2003, décembre 2004) autour du « oui » et du « non » au référendum, Nps, Nm, Fm avaient été amenés à s'unir à plusieurs reprises. Texte commun, réunions de direction communes, et un grand meeting commun le 10 avril 2004 : des tiraillements, davantage pour des raisons de « personne » que pour des raisons politiques (une feuille de papier à cigarettes séparait les deux « motions ») freinèrent la fusion de ces trois courants, retardèrent leur accord, mais ne purent l'empêcher finalement puisqu'il se fit, tardivement, à marche forcée en octobre 2005 à la veille du Mans. La principale divergence expliquant ce retard, surgit lorsqu'il fallut prendre une position sur le referendum du 29 mai : respecter le vote interne (pourtant notoirement insincère) du 1er décembre, ou faire campagne publiquement pour faire basculer l'électorat socialiste ? Il y eut un dégradé de positionnements : la direction de Nps majoritairement refusa de mener campagne publique et se réfugia dans une « neutralité » assez peu tenable, à l'exception de Gérard Filoche. Nm s'éclata, Jean-Luc Mélenchon choisissant de dire « pour moi, c'est non ! », Henri Emmanuelli, avec un peu de retard choisit un « non socialiste » et pris le biais d'un tour de France des « délocalisations » pour s'exprimer. Un « trio » socialiste se fonda (Jacques Généreux, de Nm, Marc Dolez de Fm, Gérard Filoche de Nps) qui fit sans doute le plus grand nombre de meetings sous toutes les formes : socialistes, unitaires de gauche, appel des 200, Attac, Copernic, unitaires avec toute la gauche inclus l'extrême gauche. Là ou Jean-Luc Melenchon, très largement unitaire, prenait soin de se limiter avec « Prs » (« pour la République sociale ») à « pour moi c'est non », et ou Henri Emmanuelli précisait qu'il s'agissait d'un « non-socialiste » mais se refusait à des meetings unitaires, le « trio » agissait explicitement en direction de l'électorat socialiste en le reliant à tout ce qui était unitaire...

A l'heure du bilan, après la belle victoire du 29 mai, ce qui restait de Nm autour d'Henri Emmanuelli tendit la main à ceux qui avaient campagne pour le « non » : Gérard Filoche, Marc Dolez, et Jean-Pierre Masseret (président de la région Lorraine, ex-jospinien). Ainsi se constitua « Alternative socialiste » (600 participants aux assises du « non socialiste » le 18 juin, 800 participants aux journées de Périgueux, le 11 septembre).

En dépit de ces nuances, la possibilité d'un courant commun Nps, As coulait de source. D&S est sans doute la sensibilité qui a le plus milité en ce sens. Ce courant commun constitué n'a pu, hélas, rassembler Jean-Luc Mélenchon et Alain Vidalies, Marie-Noëlle Lienemann, partis rejoindre la motion de Laurent Fabius.

La « motion 5 » ou « Nps-As » fut (cf. supplément à D&S n°127) un « effet différé » de la victoire du « non » du 29 mai. S'il n'y eut pas d'alliance préalable, immédiate, avec la motion de Laurent Fabius, c'était pour des raisons politiques de fond : l'évolution de celui-ci même si elle était favorable à la victoire du « non », n'était pas encore évidente sur les autres questions institutionnelles et sociales, en tous cas pas assez pour convaincre des milliers de militants de gauche de ce parti. Ce que nous voulions, c'était une alliance claire et négociée au Mans, additionnant nos voix pour une « majorité alternative ancrée à gauche » : c'était la seule « synthèse » partielle que nous envisagions, compréhensible après le « choc » du 29 mai. S'allier au préalable dans une motion commune divisait les rangs de la « gauche » du parti, par contre la perspective de s'allier au congrès, après débat et rapports de force établis, était acceptée à Fouras comme à Périgueux : ce qui aurait placé Laurent Fabius comme meilleur présidentiable, évidemment.

La perspective de D&S, c'était, dans ce processus, de constituer, assurer une « gauche » de ce parti dans l'objectif de le transformer. Avec les 25 % obtenus par la motion 5, c'était possible : il fallait, selon nous, consolider, former, fusionner mieux et davantage, de façon durable, les forces rassemblées. Si des personnalités aussi riches et diverses que Henri Emmanuelli, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Benoit Hamon, Marc Dolez, Gérard Filoche, Jacques Généreux, parvenaient à travailler ensemble sur une même base, les 25 % des voix qui les suivaient ne pouvaient que peser de plus en plus sur le devenir du parti tout entier. François Hollande ramené de 82 % des voix à Brest, puis à 74 % à Grenoble, 62,5 % à Dijon, et enfin à 53 % au Mans, ne pouvait gouverner seul. A condition d'être forts et fermes, unis et militants, nous tenions la clef de l'avenir !

Voilà quel était notre raisonnement, notre perspective, ce pourquoi nous travaillions à l'entrée du congrès du Mans. D&S a toujours pensé, depuis plus d'une décennie qu'il fallait un « courant de gauche » une force militante, active, syndicaliste, associative, jeune, capable d'influencer, d'irriguer ce parti, de contrebalancer les pesanteurs sociales-libérales qu'il comporte. C'est un choix expérimenté, loyal, logique : nous ne croyons pas que l'immersion d'individus, aussi brillants, talentueux qu'ils soient, suffise à rénover et changer le Ps. « Conseillers du prince » ou « rabatteur pour influencer un présidentiable », ce n'est pas comme cela qu'on peut changer les choses. Il faut, selon nous, un collectif militant convaincu, durable, divers mais idéologiquement le plus soudé possible, lié au mouvement social pour « une majorité alternative ancrée à gauche ».

La motion 5 avec ses 25 000 voix et tous ses dirigeants, en était, selon nous le cadre essentiel...

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