GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Quatre objections à notre contribution "D'abord redistribuer les richesses"

Depuis sa présentation, le 2 juillet au Conseil national du Parti socialiste, nous avons eu l’occasion de « tester » les réactions à notre contribution. Naturellement, pas auprès du « grand public » car les médias aux ordres se sont bien gardés de la citer et de la commenter.

Mais comme nous prenons au sérieux le travail de discussion sur les textes et que nous nous adressons aux militants socialistes, nous avons pu constater l’intérêt qu’elle soulève. Rarement nous avons eu autant d’écho, avec nos (modestes) 548 signataires (cf. encart). Courrier nombreux, débat sur internet, encouragements vifs, invitations multiples à des réunions de présentation… que nous a t on dit, surtout du point de vue de nos contradicteurs ? En résumé, quatre grosses « critiques », sommaires, certes, mais directes : 1°) Elle rase gratis - 2°) C’est un catalogue. - 3°) le salariat est divisé, les socialistes aussi… - 4°) Elle ne se distingue pas des autres contributions de gauche.

Elle rase gratis ?

C’est un argument classique pour dire que ce qu’on propose est infaisable. On n’aurait pas les moyens, paraît-il. Un de nos amis, Vincent Assante nous soutient en soulignant au contraire que nous avançons des « arguments irréfutables et d'éléments financiers trop peu souvent mis en lumière au sein du parti socialiste ».

En effet, nous sommes les seuls à écrire que la France est riche comme elle ne l’a jamais été. Nous sommes la cinquième puissance industrielle du monde, nous sommes le deuxième pays importateur de capitaux, nous avons le plus fort taux de productivité horaire au monde. Les profits du CAC 40 ont fait la culbute en cinq ans, passant de 57 milliards à 105 milliards. Les profits ont siphonné entre 148 et 160 milliards de francs aux salaires. Les 500 premières familles ont gagné 80 milliards d’euros de plus l’an passé par rapport à l’an précédent. Il y a 378 000 millionnaires en euros, ça augmente de façon exponentielle. Les patrons se sont eux-mêmes augmentés de 58 % l’an passé. Il y a 72 milliards de niches fiscales.

Le parti socialiste ne parle que des « 15 milliards » de la loi TEPA/bouclier fiscal d’août 2007, mais il y a des caisses privées pleines, archi pleines et il faut le dire. Il y a de quoi faire pour un programme social ! Du temps de la gauche, la droite a fait campagne contre la « cagnotte publique », à nous de faire campagne contre la « cagnotte privée ». Ils ont siphonné les caisses publiques pour remplir les caisses privées ! C’est pourquoi nous pouvons et devons ré-augmenter dés le départ les recettes par l’impôt républicain direct et progressif. Dés le départ ré-augmenter les salaires. Nous écrivons qu’il faut « d’abord » redistribuer les richesses.

« Mais il y a la dette, la quasi récession, on ne peut rien faire ! »

Foutaise ! La dette, d’où vient-elle ? De ce qu’ils ont baissé les recettes en baissant les impôts. Puis ils ont emprunté aux riches à des taux élevés, et ils disent « priorité au remboursement de la dette », c’est-à-dire qu’ils demandent aux pauvres de se serrer la ceinture pour rembourser aux riches ce qu’ils leur ont emprunté… Or si on a une « dette » on a aussi le plus fort taux d’épargne au monde, logique puisque l’état a nourri ainsi cette épargne des riches…

Quand à l’augmentation des salaires, c’est la clef pour la relance, pour la croissance. Les spéculations du capitalisme financier étouffent notre économie, ils pillent et ne réinvestissent pas… Forçons-les à reconnaître la valeur du travail et à réduire leurs profits pour cela, la consommation augmentera, l’économie repartira.

C’est un catalogue ?

Justement non, nous concentrons au cœur du social. Sur cinq questions sociales clefs – qui s’interpénètrent : salaires, retraites-sécu, 35 h-plein emploi-droit du travail, services publics, fiscalité redistributive directe et progressive. Tout est là pour gagner une majorité écrasante dans le pays. C’est le social qui compte.

Et notre contribution n’est pas « économiciste » ni « para-syndicale ». Les grandes phrases, les grandes envolées idéologiques, tout le monde les aime… et s’en méfie. Une fois que nous défendions la priorité à la hausse des salaires, 10 euros de l’heure pour le Smic, 200 euros pour tous, un vieux militant socialiste du Pas-de-Calais nous a dit « vous parlez bien, vous parlez à mon porte-monnaie ». Un autre socialiste de gauche a cru bon de s’en moquer en rétorquant « la classe ouvrière n’est pas qu’un ventre ». Mais il ignore sans doute que les livres coûtent plus cher que les cinq fruits et légumes que les salariés ne peuvent pas s’acheter chaque jour ! Il ignore sans doute que lorsqu’il y a des sous dans le porte-monnaie, c’est plus facile de soutenir le petit qui va à l’école ! Il y a 7 millions de travailleurs pauvres qui mangent des pâtes à partir du 10 du mois – dans les bons cas ! Et il est difficile d’accéder à la culture et aux grands idéaux le ventre vide.

C’est pourquoi tant que les socialistes ne parleront pas de l’essentiel et l’essentiel est la redistribution des richesses par la hausse des salaires, ils ne se feront pas entendre assez pour gagner ! Les actionnaires et patrons peuvent payer ! Qu’ils rendent ce qu’ils ont pris aux salaires depuis 25 ans (cf courbe). Et tout s’inversera : car les salaires abreuvent la sécu, les retraites, et la réduction du temps de travail permet de travailler moins pour travailler tous. Mais pas à profit constant évidemment !

Nous n’avons fait que des propositions réalistes ! la contribution de D&S n’est pas "para syndicale", elle concentre au contraire ce qu’il y a de plus politique comme revendications essentielles et urgentes, c’est un programme d’action, de transition, extrêmement politique. C’est un un LEVIER, un BELIER pour enfoncer les obstacles.

Les cinq revendications centrales de la contribution sont explosives, elles renversent à elles seules toute la perspective libérale

Pédagogiquement, sans préalable, sans bla-bla, elles répondent aux attentes profondes essentielles de millions de salariés, de millions d’électeurs.

Elles les touchent, les mettent en mouvement, et leur font faire, s’ils s’en emparent un bond en avant, une vraie rupture anticapitaliste avec le sarkozisme.

C’est le propre des idéologues abstraits de ne pas comprendre cela et de mépriser les revendications élémentaires dites "économistes"

Il faut frapper inlassablement sur ces clous-là, nous le faisons !

Des combats de ce type, très concentrés sont infiniment plus "révolutionnaires" que les discours abstraits pour le socialisme, l’émancipation, en général.

Le salariat est divisé, les socialistes aussi !

C’est ce que nous reproche notre ami Vincent Assante qui, a comme nous comparé sérieusement les 21 contributions cet été : si « le salariat n'a jamais été si fort qu'aujourd'hui » sur le plan numérique, ce n'est pas pour autant qu'il représente une force sociale suffisamment organisée pour affronter bille en tête tous les capitalistes du monde entier ! Sans parler du Parti socialiste et de ses diverses sensibilités dont il faut bien tenir compte dès lors que l'on inscrit son action en son sein ! »

Oui, c’est vrai. Dans notre contribution, il y a cette spécificité idéologique : le salariat est la grande classe sociale majoritaire, 93 % de la population active, même s’il n’en est pas conscient et tout est fait par TF1 pour qu’il n’en ait surtout pas conscience). Qu’est qu’un salarié ? Un productif qui n’a que sa force de travail à vendre. Il ne vit pas du travail des autres, du sien seulement, de son travail aléatoire, surexploité, mal payé. Il est subordonné, il a un statut collectif qu’il le sache ou non. Et c’est là un facteur d’unité et de force du salariat que les socialistes doivent révéler et construire.

Nous affirmons que le salariat est la force sociale la plus puissante, celle sur laquelle nous devons nous appuyer, avec laquelle nous devons et pouvons gagner. Sans le salariat rien n’est possible pour les socialistes, avec le salariat tout devient possible. Et le salariat, il se bat pour vendre sa force de travail le mieux possible, à nous d’épouser ce juste combat.

Défendre le « pouvoir d’achat » ou « lutter contre la vie chère » par exemple, c’est ambigu : Sarkozy oriente cela vers la consommation contrôlée, class action, la suppression des marges arrières, les hyper grandes surfaces, les « économies » dans les achats mûris, les compléments de salaires (primes pour le revenu, RSA, participation, intéressement…) et autres usines à gaz, tout pour ne pas augmenter les salaires et la protection sociale qui va avec.

Mais nous, nous voulons unifier le salariat : hausser le Smic à 10 euros de l’heure tout de suite, 200 euros pour tous, pas de minima conventionnels en dessous du Smic, hausse des grilles conventionnelles, par niveau, coefficient, qualifications…

Les socialistes sont divisés, comme le salariat, certes, mais c’est pareil, pour les unifier il faut partir de ce qui est important, matériel, réaliste, immédiat, des revendications élémentaires, légitimes et populaires. Un seul salariat, une seule gauche !

Notre contribution ne se distingue pas des autres de gauche ?

Certains camarades ont signé plusieurs contributions dont la nôtre, en disant qu’elles étaient « pareilles ». Ils manifestaient ainsi leur volonté légitime, partagée d’unité de la gauche socialiste.

Mais attention, ce n’est pas tout à fait vrai. Les contributions de gauche sont similaires et compatibles mais pas « pareilles ». Seule la nôtre, traite du social en concret. Pas de discours évasif sans chiffre. Pas de proclamation sans solution. Pas de promesse sans précision.

Le diable est dans les détails : Martine Aubry défend que « les socialistes » n’ont assez défendu les 35 h, tant mieux, mais elle même non plus et un certain nombre des carences des 35 h, insuffisamment fermes, insuffisamment contrôlées, nous, D&S, les avions souligné en 1998 et 2000. Les questions restent d’actualité ; baisser la durée maxima hebdo de 48 à 44 h, instaurer et restaurer les deux jours de repos consécutifs pour tous, heures supplémentaires majorées à 50 % dés la première heure et à 100 % au-delà d’un contingent annuel de 130 h, de façon à les rendre plus coûteuses que l’embauche, respect du code du travail avec des moyens de contrôle accrus des horaires réels par les syndicats, les IRP, l’inspection du travail. Nous proposons de réglementer la sous-traitance, des quotas pour les CDD et interims, des contrats en CDI pour tous en donnant des moyens précis de faire reculer la précarité.

Nous chiffrons le droit à la retraite à 60 ans à taux plein, nous proposons le financement, nous démentons le rapport Charpin vieux de dix ans et caduque dans tous ses pronostics. Pareil pour défendre et financer le droit à la santé pour tous. Pareil pour la fiscalité républicaine directe et progressive.

Tant qu’on n’est pas concrets, on ne gagne pas la confiance des salariés, des électeurs, de ceux qui produisent les richesses de ce pays et n’en reçoivent pas la part qu’ils méritent.

Tout est là : notre contribution est unique, concentrée et mérite d’être signée et soutenue en tant que telle. Il ne faut pas tout mettre sur le même plan. Il y a des désaccords surmontables, mais en étant lucides, en regardant bien les enjeux. Y compris quand il s’agira d’écrire une motion commune de la gauche du parti, comme nous l’espérons. Il ne faudra pas fermer les yeux mais bien discuter pour réaliser la meilleure unité possible sur le fond. C’est pourquoi nous sommes fiers des 550 signataires qui nous ont soutenu, nous appelons encore d‘autres à le faire, à peser ainsi pour l’unité de la gauche et la base « sociale » qui sera son socle.

D&S

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