GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Projet socialiste : «Adhérer, c'est décider », mais décider, c'est choisir!

Merci, François, de l'invitation à cette réunion.

Nombreux sont les camarades socialistes, hors de cette auguste assemblée, qui ont des inquiétudes sur ce qui transpire dans la presse, depuis des semaines, sur l'état des discussions sur notre «projet».

Nous partageons, Marc Dolez et moi, et avec beaucoup d'autres socialistes, qu'ils soient de FM D&S ou non, cette inquiétude et c'est d'ailleurs pourquoi, il y a un mois déjà, nous avons élaboré, discuté, un autre projet que nous avons communiqué en temps utile au Conseil national, au Bureau national, à la commission du «projet»

Nous avions aussi demandé qu'il soit publié à tous les militants et au moins distribué à tous ceux qui sont dans cette commission.

La lecture rapide, ce soir, de votre document, ici, sur la table, en l'état, ne fait que nous renforcer dans cette inquiétude.

Nul ne peut dire que la discussion aurait été tranchée par la synthèse de novembre dernier. Nous avons contestée celle-ci, rédigée dans une nuit du Mans, entre 3h et 3h30 du matin : elle ne prenait pas en compte des questions sociales essentielles. Pour beaucoup de raisons, mais j'en citerai une, elle ne mentionnait pas avec l'importance suffisante, en dépit de nos alertes d'alors, de la nécessité de rejeter le Cne, pourtant mis en place par Villepin dés août 2005.

Mais depuis la synthèse de toute façon, beaucoup d'eau est passée sous les ponts. Au moins quatre livres sont sortis, de la part de nos dirigeants, qui donnent chacun des interprétations différentes de ladite synthèse. Les prises de position de notre direction sur de nombreux sujets, ont été également très différentes et distinctes de cette synthèse.

Ce serait donc malheureux de prétendre imposer aux militants, dans ces conditions, un «projet unique». Les nouveaux adhérents ont été sollicités avec les mots d'ordre affichés en grand, sur les affiches et dans l'entrée de Solferino, «adhérer c'est décider», mais décider c'est choisir. Ce n'est pas être contraint de «ratifier» sans discussion un texte vieux de dix mois, dépassé, contesté, sans avoir le temps de le lire, d'en débattre, ni de l'amender, ni de peser sur son contenu.

Nous demandons donc la démocratie, la liberté de choix, la liberté de vote à propos de ce projet.

Parce que sur le fond, il y a un très gros problème fondamental d'orientation : en effet, depuis 2002, et à travers les mouvements sociaux de 2003 et 2006, les votes de 2004 et 2005, notre peuple s'est orienté à gauche, plus à gauche qu'il y a cinq ans.

Les exigences des socialistes et de toute la gauche, sont devenues plus fortes qu'il y a cinq ans, et vous nous proposez là, un texte plus modéré qu'il y a cinq ans, en retrait même par rapport au «projet» qui fut le nôtre en 2002...

C'est une énorme contradiction, une bévue qui peut déboucher sur une catastrophe: notre peuple, les Français, la gauche sont plus radicalement antilibéraux... et votre «projet» l'est moins!

Il y a là deux tendances, deux mouvements qui ne peuvent que s'opposer :

  • les exigences croissantes à gauche,
  • les modérations de plus en plus nettes, dans l'autre sens,
  • du «projet» que vous proposez!

    Prenons des exemples:

    1°) Les Français, les salariés, la gauche, les socialistes vont être stupéfaits quand ils vont découvrir que vous abandonnez la retraite à 60 ans et que vous lui substituez la «retraite à la carte».

    La «retraite à la carte», c'est la mort du droit à la retraite à 60 ans, c'est la vieille exigence du Medef, qui ne veut plus d'ordre public social, ni de «droit» à la retraite à un âge fixe, mais il veut un «gré à gré» individuel, tout comme il ne veut plus de durée légale du travail, mais une durée individualisée.

    Vous proposez une «grande négociation interprofessionnelle» sur ce sujet. Mais qui peut y croire, si, avant même qu'elle ne s'ouvre, vous en donnez déjà la conclusion, en disant que ce sera la «retraite à la carte», d'ailleurs sans rien préciser ni sur le taux de remplacement, ni sur le nombre d‘annuités, ni sur le nombre d'années qui serviront au calcul, ni sur l'indexation sur les salaires, ni sur le financement.

    Au moins, au congrès de Dijon, François Hollande s'était engagé solennellement, devant tous les Français, suite à une motion unanime, plus unanime que la synthèse, à «rétablir la retraite à 60 ans à taux plein»! Voilà cette question, essentielle pour les Français, évitée dans la synthèse du Mans, et bradée dans le nouveau «projet».

    2°) il en est de même pour les 35 h. Que personne ne s'abuse, il n'y aura pas de «grande négociation interprofessionnelle» avec le Medef pour réduire le temps de travail et «faire bénéficier tous les salariés des 35 h».

    D'ailleurs cela ne veut rien dire: tous les salariés «bénéficient» encore formellement des 35 h en tant que durée légale, mais le problème est justement de rapprocher les durées réelles, effectives, des 35 h hebdomadaires, sans perte de salaires et avec embauches correspondantes. Une fois, il y a deux ans, dans cette assemblée, alors que je défendais l'idée que Chirac n'avait pas touché aux 35 h, François Hollande m'avait dit que j'avais «juridiquement raison mais politiquement tort».

    Hé bien, non, François Fillon, s'est servi de la loi, pas de la négociation, il n'a pas hésité! Il savait que c'était une question de loi, pour contourner sans y toucher, les 35 h, pour augmenter les contingents annuels, les compte-épargne temps, les heures supplémentaires à bas taux, ou à taux zéro. Il a usé de la loi, et c'est par la loi qu'il faudra imposer une nouvelle réduction du temps de travail... c'est un leurre d'essayer de faire accroire que cela se ferait par une «grande négociation interprofessionnelle» avec le Medef...

    3°) il n'y a plus un mot dans ce projet à propos du contrôle des licenciements boursiers et abusifs, c'était déjà flou dans la synthèse, c'est supprimé ici. Vous savez pourtant ce que cela nous a coûté en 2002 si vous avez le souvenir de Danone, Lu, Michelin, et si vous réfléchissez aujourd'hui à propos d'Eads, de Hewlett-Packard, Dim, Facom, etc.

    Ne rien dire sur le droit du licenciement, (et maintenir les prud'hommes en 2008 comme la droite le veut au lieu de 2007), ne rien dire d'essentiel sur le droit du travail, sur la sous-traitance, sur le fait que les lois de la République doivent l'emporter sur le marché, c'est grave.

    Ah, oui, vous proposez d'abroger le Cne, c'est le moins, mais le «Cde»? Le «contrat dernière embauche», qui instaure deux Cdd de 18 mois entre 57 et 60 ans et précarise la fin de vie professionnelle? Rien pour interdire la précarité généralisée, rien pour imposer avec menace de sanction l'égalité salariale professionnelle homme-femme...

    Les propositions ou plutôt l'absence de propositions pour renverser tout ce que les libéraux ont détruit du code du travail, est accablante...

    Oui, je viens de développer les premiers points essentiels qui justifient un autre projet. C'est pour cela que nous demandons la démocratie, le pouvoir de décider, de choisir, pour les militants le 22 juin prochain.

    4°) Et l'essentiel c'est la question de la redistribution des richesses, car c'est le cœur de tout projet social démocrate : or là, où en est-il sérieusement question ? Est-ce qu'on va reprendre au capital les 160 milliards qu'il prend aux salaires chaque année depuis presque deux décennies ? Les seules entreprises du CAC 40 ont gagné 84,5 milliards de profits l'an passé, profits qu'ils ne ré investissent pas, qu'ils distribuent en dividendes à leurs actionnaires ! Jamais la France n'a été aussi riche, mais hélas, pas les Français, ni les salariés qui ont été spoliés d'une part de plus en plus importante du fruit de leur travail. Nous avons les moyens, le financement d'une autre politique avec ces 160 milliards à reprendre : nous pouvons avoir une politique de retraite, de santé, de salaires, d'éducation, d'équipement collectifs, de logement. Mais il faut le dire et être clairs : la redistribution des richesses (par les salaires, la fiscalité) sera au cœur de notre projet.

    5° et 6°) il reste les questions, connues ici, des institutions, de la VI° République sociale, et de l'Europe. Ce sont deux autres points totalement, insuffisamment traités dans le projet, je ne développerai pas, faute de temps.

    Je veux conclure, en demandant que les militants ne soient pas réduits à «ratifier» un projet de dernière minute de ce type, sans autre possibilité de donner leur véritable avis, car un fort pourcentage, très fort pourcentage, se prononcera autrement s'il y a démocratie, choix... On ne peut se réduire ce débat à un titre de film «six jours et six nuits», entre le 15 juin et le 22 juin, pour la lecture, au forcing, du projet, et pour une réunion qui n'aura pas lieu, et pour un vote ou il n'y aurait ni choix, ni amendement. «Six jours et six nuits» pour le «projet» alors qu'il y aura six semaines pour désigner les candidats... Cela indique la place respective donnée au projet et aux désignations.

    Il faut du temps, il faut du choix, de la démocratie pour les nouveaux adhérents d'avant 1er juin, comme pour les anciens.

    Il y a toujours eu la possibilité dans notre parti de débattre, de voter librement textes et projets... Là, imposer aux forceps, ce projet-là, un tel bond en arrière en comparaison de ce que notre parti avait défendu en 1996, 1997 et même 2002, alors que la France, elle, et la gauche majoritaire, est en attente d'un bond en avant, ce serait une grande erreur...

    Merci de votre attention en dépit de la longueur de mon intervention.

    Gérard Filoche, mardi 30 mai, 19h30

    En résumé, François Hollande a catégoriquement conclu en repoussant sans vote ni consultation, l'idée d'un choix entre deux projets, aucun orateur, aucun dirigeant, sur les 100 membres présents, hormis Marc Dolez qui s'est inscrit ensuite, n'a défendu le droit à un choix et à un vote. Il a été question d'amendements, mais ceux-ci devront être soumis avant vendredi et c'est le Bureau national du 6 juin qui décidera de leur sort.

    Le projet proposé par FM-DS en téléchargement

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