Première riposte d'ampleur à la politique de Sarkosy
Le 29 janvier va être une journée d’action nationale interprofessionnelle d’ampleur en réponse
à la crise financière et économique. Alors que, chaque jour, de nouvelles annonces de suppressions
d’emploi sont faites, les réponses apportées par Sarkozy vont en fait dans le sens
de la poursuite et de l’aggravation des politiques qui ont conduit à la crise.
Pour la première fois depuis longtemps,c’est l’ensemble du mouvement
syndical qui s’est mis
d’accord sur une plateforme économique
et sociale alternative, refusant que les
salariés qui ont déjà payé les profits remboursent
maintenant les pertes.
Pour s’opposer à la politique de Sarkozy,
les socialistes doivent choisir d’être du
côté des salariés, des chômeurs, des
exploités. Le 29 janvier, leur place est
dans la rue !
La crise ne se résoudra pas
sur le dos des salariés
La crise financière et la crise économique
qui a suivi ne sont pas des effets indésirables
de la croissance des profits. Elles
sont le résultat de choix politiques clairs
et persistants qui ont déréglementé le
capitalisme, favorisant l’accumulation à
des niveaux inégalés du capital financier.
La recherche du profit maximal a abouti
à ce que le marché construise des « produits
» de plus en plus déconnectés de
l’économie réelle et de la création de
biens. En même temps, le règne des
actionnaires gigantesque, dont les
fameux fonds de pension ne sont qu’un
exemple, a été encouragé par des choix
de politique sociale reposant sur la précarisation
accrue des salariés, le recul du
pouvoir d’achat et le recours aux licenciements
« financiers », alors même que
la remise en cause de la protection sociale
réduisait les capacités de résistance
individuelle des salariés sur le marché du
travail.
La mobilisation interprofessionnelle du
29 janvier adresse un premier message au
pouvoir : les salariés qui ont déjà payé les
profits des actionnaires n’entendent pas
maintenant rembourser leurs pertes.
Pourtant, c’est précisément le sens de la
politique de Sarkozy, qui reste fidèle à
lui-même. Certes, il n’a pas osé allé jusqu’à
suivre la proposition du sénateur
Marini, maire de Compiègne, qui proposait
d’utiliser l’impôt pour rembourser
les rentiers qui avaient perdu en Bourse,
mais toutes les mesures qu’il a annoncées
se situent dans la droite file de la « politique
de l’offre», d’inspiration reaganienne,
qu’il promeut depuis son arrivée
à l’Elysée.
Dans la même logique, il n’entend pas
remettre en cause les mesures de régression
sociale qu’il a déjà prises. Il compte
même aller plus loin, comme avec la
retraite à 70 ans ou le travail du
dimanche, tandis qu’il réduit encore les
possibilités d’action du service public et
de l’Etat dans la lutte contre les inégalités,
notamment par le biais de la RGPP.
La plateforme commune signée par l’ensemble
des organisations syndicales pour
le 29 janvier propose une solution alternative
à ces choix politiques délétères.
Tout d’abord, il s’agit de réorienter la
politique économique en favorisant avant
tout l’emploi. Elle appelle à conditionner
les aides publiques à la préservation de
l’emploi, condamne les entreprises qui
prennent prétexte de la crise pour licencier
ou flexibiliser les salariés, et exige
une politique d’emploi public qui revienne
sur la suppression systématique des
postes de fonctionnaires. Elle propose
aussi que l’usage des aides publiques
dans le secteur bancaire soit réellement
contrôlées par l’Etat.
Ensuite, elle demande de revenir sur les
choix qui ont favorisé les revenus du
capital au détriment du travail, en revalorisant
les salaires pour garantir, au moins,
le pouvoir d’achat.
Dans le même ordre d’idées, elle demande
que les investissements de relance
soient fait dans les secteurs porteurs
d’égalité et d’avenir, comme le logement
social, la recherche, le développement,
l’éducation, la formation.
Enfin, elle s’inscrit dans une logique de
rééquilibrage entre actionnaires et salariés,
en revenant sur les mesures les plus
anti-sociales et en relançant le dialogue
social, d’une part, et en réglementant à
l’échelon international la sphère financière.
A n’en pas douter, ce sont des mesures
«de gauche» que les organisations syndicales
qui ont initié le 29 janvier, proposent.
Une riposte unitaire inédite
Et cette plateforme, il ne faut pas en
minimiser l’importance. C’est la première
fois que l’ensemble du mouvement
syndical (CGT, CFDT, FO, UNSA, FSU,
CFTC, CGC, Solidaires) se met d’accord
sur des orientations économiques et
sociales aussi clairement en opposition
avec les choix actuels.
C’est aussi la première fois qu’elles
appellent ensemble à une journée d’action
qui ne sera pas que symbolique.
Le 7 octobre dernier, à l’appel de la
Confédération syndicale internationale
(CSI), dont sont membres la plupart des
organisations syndicales françaises, une
journée mondiale d’action était prévue.
De fait, elle s’est limitée à des rassemblements
symboliques, locaux, sans
appel à la grève.
Cette fois-ci, la donne a changé. Les
fédérations de fonctionnaires ont clairement
appelé à la grève et le secteur phare
de l’éducation, déjà en conflit avec le
gouvernement depuis la rentrée, sera
sans doute largement au rendez-vous.
Mais il semble aussi que, localement, la
mobilisation soit en train de s’organiser
dans le privé.
Il faut sans doute y voir le résultat de
l’évolution du paysage syndical et des
dernières élections qui ont confirmé
l’orientation des organisations syndicales
les plus revendicatives. Ce fut évidemment
le cas pour les prud’homales, mais
aussi dans la fonction publique territoriale (1,8 million de salariés des mairies,
départements, régions), qui ont eu pour
résultat une progression nette de la CGT
et un recul encore plus net de la CFDT.
Mais aussi de l’éducation nationale, où la
FSU a encore progressé.
Alors qu’il y a peu encore, des organisations
dites « réformistes», comme la
CFDT ou l’UNSA, voire carrément
«libérales» comme la CGC, prônaient le
«compromis» et soutenaient que la
recherche du profit par les actionnaires
pouvait servir à l’emploi et donc aux
salariés, c’est un réalignement général du
mouvement syndical sur la base d’un
changement radical d’orientation politique
qui est en train de se faire.
Face à cela, il serait suicidaire pour les
socialistes de rester les bras ballants, sans
comprendre que l’alternative politique
est en train de se construire dans la rue, à
côté, pour ne pas dire loin d’eux.
La place des socialistes, c’est avec ceux
qui exigent une autre politique économique
et sociale, sur la base de revendications
qui sont largement partagées par
les salariés.
La place des socialistes,
c’est dans la rue,
avec les salariés
Le congrès de Reims a marqué l’aspiration
d’une grande partie des militants à
rompre avec les logiques d’accompagnement,
d’aménagement, de résignation,
devant la puissance du capitalisme. Mais
on est encore loin de la construction politique
d’une alternative, parce que le parti
reste trop fondamentalement coupé du
mouvement social qui, lui, s’organise et
se mobilise.
D’ores et déjà, certaines fédérations du
parti ont appelé à se joindre aux cortèges.
C’est le cas en Haute-Loire ou dans
l’Oise. Il faut évidemment que les socialistes
en soient, partout, que le parti
appelle nationalement à participer aux
cortèges du 29 janvier.
Mais il faudra, ensuite, aussi changer
l’attitude du parti vis-à-vis du mouvement
social, et entamer, rapidement, un
dialogue constructif avec l’ensemble des
organisations qui expriment, aujourd’hui,
leur exigence d’une autre politique.
Faute de quoi, on en reviendra dans le
meilleur des cas à ce qui a fait l’échec de
la dernière expérience de la gauche au
gouvernement de 1997 à 2002 : accéder
au pouvoir en s’appuyant sur la mobilisation
sociale de 1995, et le perdre pour ne
l’avoir pas entendu pendant les cinq
années qui ont suivi.
Hervé Le Fiblec
C’EST LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS LONGTEMPS QUE L’ENSEMBLE
DU MOUVEMENT SYNDICAL SE MET D’ACCORD
SUR DES ORIENTATIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES