GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Pourquoi continuer ?

Nous publions ci-dessous la chronique Palestine de notre ami Philippe Lewandowski, parus dans Démocratie&Socialisme n°226 de l'été 2015.

Bien des années ont passé depuis l’apparition de cette rubrique dans Démocratie Socialisme. Les champs qu’elle laboure s’avèrent toujours aussi, voire plus, sanglants, les injustices plus flagrantes, l’hypocrisie diplomatique plus odieuse, les voies de la solution du conflit plus inextricables que jamais. Beaucoup diraient même : « À quoi bon, on n’y peut rien changer, occupez-vous plutôt de problèmes plus proches, sur lesquels vous ayez prise. Ceux-là ne nous concernent pas, ils ne nous intéressent pas. » Ils ont tort. Ils ont tort, à la fois pour des raisons éthiques, politiques, historiques et immédiates.

Éthique

N’en déplaise aux pseudo-rêves et faux idéaux d’avenir imaginés par certains, nous continuons à sentir sur nos joues les soufflets donnés sur les joues d’autres hommes, des hommes dont le seul tort est de vouloir vivre normalement, décemment, dans la dignité ; et non dans l’humiliation, le déni d’humanité, la répression jour après jour, nuit après nuit. Ce n’est pas en tournant la tête que l’on peut se sentir propre, ce n’est pas en se concentrant sur un nombril douloureux que l’on peut s’extraire du monde. Ce monde est aussi le nôtre ; nous avons contribué à le créer ; nous devons contribuer à le transformer. Nous en sommes responsables. Ce qui se passe ailleurs n’est pas quelque chose qui ne nous concerne pas.

Politique

Pas plus qu’il ne s’agit d’importer artificiellement un conflit considéré comme étranger, il ne s’agit de s’accrocher à une politique de la canonnière, ou d’intervention militaire tous azimuts, dont les prétendus succès sont aussi peu évidents que les conséquences meurtrières et chaotiques sont garanties. Les canaux de communication contemporains ont beau présenter certaines situations comme devant rester « stabilisées », ces stabilités-là, lorsqu’elles reposent sur l’injustice, ne sont ni défendables ni durables. Elles se résolvent dans le sang ou dans une solution fondée sur le droit. Nous ne sommes pas partisans des voies du sang, qui ne sont en réalité que des engrenages sans fin, n’aboutissant qu’à des trêves immanquablement précaires. Nous sommes de fervents partisans du droit, et nul État ne peut prétendre en être dispensé.

Histoire

Le colonialisme occidental est historiquement redevable de la plus grande partie des conflits qui sévissent sur la planète. Le sionisme est une des formes prises par ce colonialisme ; son essor tardif (à l’époque des décolonisations) en fait un phénomène particulièrement anachronique. Les conquêtes et les occupations européennes des Amériques, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande relèvent d’un passé déjà lointain, dont les configurations ne sauraient se reproduire. L’immigration américano-européenne en Palestine ne peut donc pas être considérée comme étant en mesure de transformer la nature de cette terre d’Asie occidentale. Les seules alternatives qui lui restent sont par conséquent l’intégration dans des populations autochtones aussi anciennes que diverses (comme en Afrique du Sud), ou un rejet à plus ou moins long terme en tant qu’objet cherchant à demeurer délibérément étranger à son environnement humain (comme en Algérie).

Conjoncture

Il est vrai que, comme l’indiquent plusieurs anciens responsables du Shin Beth (Service du contre-espionnage et de la sécurité intérieure de l’État d’Israël), Israël gagne toutes les batailles. Il est vrai que la colonisation se poursuit inexorablement. Il est vrai que les efforts de « judaïsation » des lieux redoublent aussi bien dans les territoires occupés et les aires annexées qu’au sein des frontières d’avant 1968. Et il vrai enfin que les organisations politiques palestiniennes, désunies, semblent incapables de se doter d’une perspective stratégique : la dite Autorité Palestinienne, essentiellement composée d’anciens guérilleros reconvertis jouissant d’une rente de situation, ne semble appelée qu’à servir de supplétif aux troupes d’occupation pour empêcher tout développement de résistance populaire ; les mouvements islamiques palestiniens (Hamas, Jihad Islamique) refusent de capituler, mais n’offrent pas non plus d’objectif crédible.

Et pourtant…

Germes

Les batailles gagnées par Israël sont sans horizon à long terme. Les peuples du monde n’avalent plus les couleuvres qu’on veut leur faire ingurgiter, et ne croient plus au théâtre d’ombres que leur présentent les diplomaties officielles. En dépit de plus d’un demi-siècle d’oppression, la société palestinienne perdure, réfléchit, lutte et avance.

La campagne BDS (Boycott – Désinvestissements – Sanctions), surmontant les obstacles sans cesse renouvelés qui surgissent devant elle, continue de se développer, et s’apprête à franchir un palier qualitativement supérieur. De nouvelles générations de jeunes dirigeants palestiniens se lèvent, et s’emploient à préparer un avenir basé sur l’égalité des droits pour tous.

Ce sont ces germes-là qu’il nous échoit de soutenir et d’accompagner. Nous ne leur ferons pas faux bond.

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