GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Actions & Campagnes politiques

Pour une politique de santé et de l'assurance maladie

Cette contribution appartient au débat sur la sécurité sociale ouvert par NPS. Gérard Filoche lui a apporté une réponse publiée elle-aussi sur notre site et accessible ici.

1/ Refuser la politique de la droite, proposer une autre voie

Le gouvernement va dans les jours qui viennent « proposer des solutions aux français »(1).

Ces mesures sont déjà décidées de longue date, voire même, pour celles d'entre elles qui figurent d'ores et déjà dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, sont d'ores et déjà mises en place depuis le début de l'année.

Elles impliquent une régression sans précédent de notre Sécurité sociale.

Ce démantèlement emprunte trois directions principales :

1.1. La remise en cause des fondements de notre sécurité sociale : le risque d'une mise en œuvre hypocrite du « rapport Chadelat ».

A travers l'interrogation pateline sur le « juste équilibre entre ce qui doit relever du pacte républicain et de la responsabilité personnelle »(2) faite naguère par Raffarin, ce sont les lignes directrices du « rapport Chadelat » dont le chef du gouvernement assure ainsi, à ceux qui pouvaient en douter, qu'elles seront reprises.

Ce rapport, qui date d'avril 2003 et dont le titre exact est « La répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoires et complémentaires en matière de dépenses de santé », est l'un de ceux qui ont été commandés par le gouvernement Raffarin sur l'avenir de l'assurance maladie ; il est aussi le plus important par la remise en cause de la Sécurité sociale que ses conclusions impliquent.

J. F. Chadelat n'en était d'ailleurs pas à ses premiers pas en la matière ; c'est, en effet, lui qui, il y a quelques années, pilotait pour le compte de l'assureur AXA le projet d'une assurance maladie privée. L'objectif était alors que celle-ci puisse intervenir, comme on dit, « dès le premier franc », c'est-à-dire vienne directement faire concurrence à la Sécu. Trouvant ce projet à son arrivée, le gouvernement Jospin y avait alors mis un terme, que l'on pouvait espérer définitif.

Le nouveau projet, celui que J.P. Raffarin reprend donc à son compte, est similaire mais hypocrite, il ne s'avoue pas ouvertement en faveur de l'ouverture à une couverture complémentaire par des assurances privées : il s'agit désormais de créer une « couverture maladie généralisée » (CMG) « somme des garanties offertes par la couverture maladie obligatoire et par une couverture maladie complémentaire de base ». Est ainsi inventé le concept de couverture « complémentaire de base » (sic !) : la couverture de « base » ne serait donc plus exclusivement du ressort de la Sécu. Dès demain, la Mutualité, reconnue -à sa plus grande satisfaction- comme l'égale des caisses, sera donc promue comme étant assureur de base et légitime à assurer sa part de responsabilité dans la gestion.

Demain, les dépenses de santé progressant plus vite que la richesse nationale et la droite et le MEDEF refusant, au-delà de la remise à niveau qui est nécessaire dans l'immédiat, toute évolution significative des ressources de la Sécu, on assistera à un désengagement progressif de celle-ci. De plus en plus d'espace sera ainsi laissé d'abord aux mutuelles, ensuite aux assurances privées.

L'ouverture de la couverture maladie aux assurances privées c'est, à terme, la sélection des assurés en fonction des risques et la modulation des cotisations en fonction de ceux-ci.

C'est la fin de l'assurance maladie, construite sur le principe inverse, celui de solidarité : cotisation en fonction du revenu, couverture universelle.

C'est le bon vieil adage capitaliste : socialisation des Risques, privatisation des profits. J ; Barrot, pour une fois prophète, voyait loin lorsqu'il s'interrogeait sur la différenciation entre le « petit risque » (aux assurances privées), et le « gros risque » (à la Sécu).

1.2. La remise en cause du rôle et de la fonction de l'hôpital public : la « tarification à l'activité ».


Au-delà des beaux discours sur « Hôpital 2007 », la LFSS pour 2004 comporte deux dispositions très techniques et apparemment anodines :

la généralisation de la « tarification à l'activité » à l'ensemble des établissements publics et privés, prévue pour 2004,

et la perspective, à terme, d'un « barème unique » pour les soins.

Derrière ces deux mesures, c'est de l'ouverture totale de l'activité hospitalière - 46% des dépenses de santé- à la concurrence qu'il s'agit.

Venant se substituer au mécanisme de la « dotation globale », ces nouvelles modalités d'affectation des moyens constituent, en effet, une dérégulation libérale de l'hospitalisation, analogue dans son principe à celle que d'autres services publics (les transports, les télécommunications, l'énergie) ont déjà connue, ou sont en train de connaître.

Jusqu'à présent -et ceci depuis 1983-, les établissements hospitaliers recevaient une dotation annuelle couvrant l'ensemble de leur budget ; celle-ci était revalorisée chaque année en fonction d'un coefficient d'ensemble -le « taux directeur »-, lui-même régionalisé. Les régions les plus défavorisées en lits d'hospitalisation ayant une progression plus rapide de leur dotation que les autres, cela afin de permettre une certaine réduction des inégalités.

Tout ceci va désormais disparaître au profit de modalités nouvelles, visant à rechercher une « vérité des prix » de l'hospitalisation.

La mise en place d'une comptabilité analytique -qui n'est pas en soi une mauvaise chose- va, en effet, permettre d'identifier la nature, le volume et le coût de chaque acte hospitalier. La tarification à l'activité et le barème unique consiste à utiliser de cette technique pour en faire un « shadow pricing » et ainsi mécaniquement déterminer les enveloppes des établissements, en fonction du volume d'actes ainsi déterminé et d'un « prix » national (le barème unique) affecté à chacun, CHU, hôpital général ou clinique privée.

La collectivité « paiera » donc chaque établissement en fonction de son « produit » ; les établissements peu « productifs » (i.e., dont les actes unitaires seront coûteux au regard du prix national) seront perdants, et inversement.

Quant aux missions d'intérêt général (enseignement, recherche, missions sociales), qui ne peuvent pas être tributaires d'un tel mécanisme de prix, elles seront certes exclues de ce mécanisme et, si l'on ose dire, facturées en sus et forfaitairement.

Tout cela est doublement destructeur pour le service public hospitalier car, comme le dit très explicitement l'exposé des motifs de l'article 24 du PLFSS : « le financement à l'activité conduit à une régulation par les recettes. ». Aux cliniques les actes simples et rentables, à l'hôpital les restes. Restes deviendront portion congrue, comme le montre d'ores et déjà la ventilation des crédits des « plans régionaux d'investissements supplémentaires » qui figurent dans le projet de budget 2004 du ministère de la Santé : 438 M€ sont destinés à l'hôpital public, 491 M€ le sont au secteur privé. Quant aux 1,047 Mrd€ restant sur cette ligne, ils sont à destination des « coopérations » (c'est-à-dire des concentration et des fusions) entre les deux secteurs. Ce sont donc près de 80% de ces crédits d'investissement qui vont, d'une façon ou d'une autre, soutenir le développement de l'offre privée d'hospitalisation. La marchandisation des soins hospitaliers est en route à grands pas.

1.3. La poursuite d'une politique clientéliste en direction des médecins libéraux.


Avec les dispositions de la LFSS 2004, les possibilités de donner aux médecins libéraux de substantielles majorations de revenus sont désormais multiples, dès lors qu'ils voudront bien consentir à entrer dans un certain nombre de protocoles (« bon usage des soins », « bonnes pratiques », ...) ; aux honoraires reçus et aux prises en charge de cotisations par les caisses, vont donc venir s'ajouter des primes supposées incitatives.

Faut-il rappeler qu'il est, par sa nature même, dans la mission de la médecine que de s'efforcer de faire un « bon usage » du savoir et du pouvoir qu'elle représente ? Faut-il donc croire que les mauvais médecins sont la norme de la profession ?

Or, leurs actes engagent l'assurance maladie bien au-delà de leur seule rémunération. Ainsi, pour illustrer cette situation par quelques données financières, en 2002, les remboursements par les trois principales caisses d'assurance maladie(3) des honoraires de professionnels prescripteurs(4) ont représenté 14,5 Mrd€, alors que le montant de la prise en charge de leurs prescriptions d'actes(5) et de médicaments(6) était de près de 29 Mrd€.

Autrement dit, pour chaque euro d'honoraires qu'ils reçoivent, les médecins engagent deux euros de dépense prescrite.

Il est indispensable que les médecins puissent être engagés dans la voie d'une responsabilisation au regard des dépenses collectives qu'ils génèrent.

Ce qu'il faut dire, en réalité, c'est que, avec les mesures de ce gouvernement, est inversée la règle normale et juste, qui consiste à pénaliser ceux qui ne font pas bien leur métier et non à récompenser ceux qui l'exercent normalement.

Les assurés seront donc « responsabilisés » par un moindre remboursement, à l'inverse des médecins qui le seront, eux, par des « contreparties financières » supplémentaires ! Admirable et significative asymétrie ...

Là où il aurait été à tout le moins nécessaire de rechercher l'engagement préalable des organisations professionnelle de santé dans des contreparties collectives, le Gouvernement renvoie à la bonne volonté individuelle des médecins, dont on ne sait que trop combien il a fait défaut.

Les directions prises par la droite sur l'assurance maladie et l'organisation du système de santé sont donc parfaitement claires. Cette politique, n'a d'autre objectif que de démanteler la solidarité collective, afin d'ouvrir à la marchandisation et à la logique du profit le champ de la santé et de l'assurance maladie.

C'est pourquoi nous devons proposer d'autres voies pour, d'une part, conforter l'assurance maladie, comme, d'autre part, reconstruire un système de santé, qui est aujourd'hui en crise profonde.

2/ Deux choix politiques essentiels : assurer les moyens financiers nécessaires, conforter l'assurance maladie.

Sur les retraites, nous avons refusé d'accepter que les questions de financement servent de prétexte à un démantèlement de notre protection sociale, c'est encore plus vrai -s'il est possible- sur la santé. Les financements nécessaires doivent être assurés et l'être dans la durée ; c'est parfaitement possible.

2.1. La situation financière de l'assurance maladie.


La trésorerie de la Sécu est en permanence dans le rouge depuis la mi-mai dernier, -ce qui est sans précédent. Au total, elle aura connu 311 jours de solde négatif en 2003 (114 en 2002) et les frais financiers ainsi générés par les avances consenties par la Caisse des Dépôts et Consignations,- ils sont estimés à 600 M€ pour 2004 par la commission des comptes de la Sécurité Sociale-, viennent, en retour, gravement alourdir les comptes.

Les déficits, on le sait, sont « abyssaux », pour reprendre les termes du Ministre de la Santé : 11 Mrd€ en 2003, 14 Mrd€ prévus pour 2004. Ils battent, malheureusement -et de très loin-, le précédent record historique : celui de Juppé en 1995, qui était « seulement » de 6 Mrd€.

La situation financière est bel et bien dramatique, et il ne sert à rien de le nier.

Mais cette situation n'a rien d'une fatalité : elle est construite.

Elle est d'abord, très directement le résultat de la politique conduite : l'absence de toute volonté positive concernant l'emploi et les salaires, la politique clientéliste menée en direction des médecins libéraux.

Le Gouvernement Jospin avait réussi à rétablir la situation très compromise qu'il avait trouvée en arrivant. Le déficit du régime général (toutes branches confondues : vieillesse, famille, maladie) était de 10 Mrd€ en 1996, il est devenu un excédent, de l'ordre de 1,5 Mrd€ en moyenne sur chacune des trois années 1999, 2000 et 2001 ! Avec le retour de la droite, il est immédiatement repassé au rouge !

La Sécu est d'abord malade du chômage.

L'absence de toute politique d'emploi, plus encore : le démantèlement des mesures prises par la Gauche -« assouplissement » des 35 heures, suppression des emplois jeunes- coûte cher à la Sécu.

Un point de croissance en plus, c'est un peu plus de 2 Mrd€ de ressources supplémentaires pour le seul Régime général(7).

Un bon indicateur de cela est l'évolution de la masse salariale, principale assiette des recettes : quand elle progresse rapidement, il en va de même des ressources de la Sécu, quand elle se languit, la Sécu ne va pas bien.

Alors que son taux de croissance n'avait cessé de s'élever sous la Gauche, jusqu'à culminer -et ceci est un record historique aussi, mais positif, lui- à près de 6,5% sur chacune des deux années 2000 et 2001, sous la droite, il n'a cessé de s'effondrer. Ainsi, il devrait, selon les dernières estimations, être à peine supérieur à 2% en 2003.

Quant on ne mène pas le combat de l'emploi ce sont pas seulement le chômage et l'exclusion qui progressent, c'est aussi la Sécurité sociale qu'on assassine.

La politique démagogique conduite par la droite à l'égard des médecins vient aggraver cette situation.

S'il est normal que les médecins -et avec eux l'ensemble des professionnels libéraux de santé- soient justement rémunérés pour leur activité, encore faut-il que, en retour, ils acceptent de reconnaître la responsabilité sociale qui est la leur. La collectivité qui, en définitive, assure leurs revenus et les revalorise n'est pas un tiroir caisse : elle doit se voir reconnaître un droit de regard sur une activité libérale, qui ne peut plus être résumée au seul « colloque singulier » entre le médecin et son patient (cf. 3/ ci-après).

Dans ses relations contractuelles avec les médecins (les « conventions médicales »), la collectivité ne peut plus se borner à négocier les seuls barèmes de rémunération et laisser les médecins refuser toute discipline et se désintéresser des conditions de la prescription ; celle-ci ne peut plus être totalement laissée au libre arbitre individuel de chaque médecin.

C'est la difficile négociation que le gouvernement de Lionel Jospin cherchait à conduire. Elle ne fut pas sans succès auprès de certaines professions de santé -celles « prescrites » qui se montrent relativement ouvertes à de telles préoccupations : pharmaciens, infirmières, kinés, par exemple -, il n'en alla pas de même avec les médecins.

Les revalorisations unilatéralement accordées sans véritable contrepartie par la droite aux médecins ont rompu avec cette volonté. Elles ne peuvent que conforter le corps médical dans ses refus et fragiliser la position de tous ceux qui en son sein savent qu'il faut bouger ; elles n'ont conduit qu'à aggraver les problèmes financiers.

Ainsi, la commission des comptes de la sécurité sociale constate- t'elle qu'en 2002 l'augmentation des honoraires « s'explique autant par la croissance en volume que par les revalorisations tarifaires » ; en d'autres termes, la modération du volume des actes, qui devait être le résultat volontaire des revalorisations octroyées, n'a évidemment pas été au rendez-vous.

Au total, on peut estimer à environ 1,5 Mrd€(8) le coût en 2003 pour la Sécu des revalorisations accordées aux médecins par la droite...

C'est un euphémisme que de dire que l'évolution du montant des honoraires remboursés n'est pas la même sous la droite et sous la gauche (cf. tableau ci-après) ; et chacun peut comparer l'évolution du revenu des médecins à celle de ses propres revenus...

|Taux annuels |2000/1999 |2001/2000 |2002/2001 |Évolution 2003

à fin avril* |Taux de croissance

annuel moyen 1995-2002 |

|Généralistes |+ 4,0 % |+ 1,9 % |+ 7,2 % |+ 9,2 % |+ 3,2 % |

|Spécialistes |+ 3,2 % |+ 2,7 % |+ 5,0 % |+ 4,7 % |+ 3,6 % |

* en équivalent taux annuel

2.2. Les fondements d'un financement accepté : la lutte contre les gaspillages et les rentes abusives.

Si nous n'avons aucun tabou en ce qui concerne le niveau des prélèvements obligatoires, nous ne faisons pas non plus de leur hausse un objectif en soi : le rythme de croissance des dépenses de santé fera qu'elles seront désormais bientôt d'un montant supérieur à celui des retraites.

Tout n'est donc pas possible et des réformes profondes sont nécessaires faute de quoi le caractère collectif du financement de l'accès aux soins sera un jour ou l'autre remis en cause.

C'est pourquoi des choix clairs sont indispensables ; nous devons, quant à nous, faire celui d'une régulation des dépenses par la justice et la solidarité.

Cela signifie combattre les situations de gaspillage avéré et de rente abusive qui se sont créées au détriment des assurés sociaux, tout autant que consentir une hausse des prélèvements obligatoires.

Cela concerne en priorité les dépenses de médicaments et la politique en matière de maladies professionnelles et d'accidents du travail.

A terme, la redéfinition des modalités d'organisation des « soins de ville » et des barèmes de rémunération des médecins (les « nomenclatures ») doivent permettre de compléter ce dispositif.

a / La politique du médicament.

La France est le pays qui a la dépense de médicament par tête la plus importante au monde : 2579 € par habitant, soit une dépense très légèrement supérieure à celle des USA, qui n'est certes pas un modèle en la matière.

En volume et par tête, cette consommation est 2,5 fois supérieure à celle du Danemark, 2 fois supérieure à celle des Pays Bas et de la Suède, de 80% supérieure à celle du Royaume-Uni, et de 50% à celle de l'Allemagne.

Même si l'on peut trouver bien des explications à cette surconsommation (cf. 3/, ci-après), elle n'en est pas moins un problème, aussi bien financier que de santé. Une rationalisation s'impose, source -sans aucun doute, la principale- de moindres dépenses.

Les économies envisageables (cf. ci-après en 3/, les mesures proposées) sont, pour le moins, très loin d'être négligeables.

Pour prendre les deux références extrêmes, la dépense de médicament et de dispositifs médicaux liée aux soins de ville représentant 20 Mrd€ en 2002 (131 Mrd F), l'économie serait de :

Au mieux de 12 Mrd €, si notre consommation par tête était alignée sur celle des danois,

Au pire de 6,7 Mrd €, si elle l'était sur celle des allemands.

b / Les modalités de prise en charge des maladies professionnelles.

A l'heure où le gouvernement s'attaque -à juste titre(9)- aux charges indues que constituent pour la Sécu les accidents de la route ou ceux liés à des pratiques de loisir, il est surréaliste et scandaleux de constater que les dépenses du régime accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui est censé les couvrir, sont de 9 Mrd€ seulement en 2003, lorsque l'on sait, au quotidien, l'importance des pathologies et des maladies professionnelles dans la morbidité,

.

Encore ce montant inclue- t'il les pensions d'invalidité, les rentes d'incapacité permanente et les dotations aux fonds destinés aux victimes de l'amiante. On peut ainsi estimer que les dépenses de soins stricto sensu, -une fois défalquées les sommes qui ne relèvent pas du soin mais de l'indemnisation-, pris en charge au titre des maladies professionnelles et accidents du travail sont d'environ 3,5 Mrd€ seulement, soit moins de 3% des dépenses de santé, dont 330 M€ seulement sont reversés au régime maladie.

Il y a là une sous estimation manifeste du coût réel des maladies professionnelles, dont une partie est ainsi indûment mise à la charge des assurés sociaux, alors qu'elle devrait être intégralement financée par les seuls employeurs.

Sur des pathologies aussi spécifiques et donc facilement attribuables(10), aussi connues de longue date et avérées que celles liées à l'amiante, il a fallu attendre les toutes dernières années pour qu'elles puissent, enfin, être reconnues comme étant des maladies professionnelles. C'est le Gouvernement de L. Jospin qui a, de haute lutte, créé les deux fonds (FCAATA -cessation anticipée d'activité spécifique aux travailleurs de l'amiante- en 1999 ; FIVA -indemnisation des victimes- en 2001) qui permettent une indemnisation ; les montants en cause sont aujourd'hui de l'ordre de 2,5 Mrd€.

Et d'autres substances, on le sait sont spécifiquement en cause dans d'autres pathologies (éthers de glycol, par exemple).

Nous voulons qu'un groupe de travail soit mis en place au plus vite avec les professionnels concernés et les partenaires sociaux, afin de dresser un exact état des lieux en la matière.

Cela doit permettre, dans un premier temps, de faire rembourser par le régime AT-MP les charges indues que la Sécurité sociale est ainsi amenée à supporter, c'est-à-dire de les faire financer par les seuls employeurs.

Puis, dans un second temps, dès lors que la médecine du travail aura été dotée des moyens qui lui sont nécessaires ( cf. 3/ ci-après ), d'en faire assurer la prise en charge directe par le régime AT-MP.

On ne peut accepter plus longtemps que des montants dérisoires soient reversés à la Sécu (330 M€ en 2003), alors que les sommes concernées représentent vraisemblablement plusieurs milliards.

Au total, il est très loin d'être évident que des hausses de prélèvements soient à court terme nécessaires, dès lors que les deux grandes mesures que l'on vient d'indiquer seraient mises en place.

Une estimation modérée de leurs effets permet, en effet, de penser qu'elles suffiraient largement à combler le déficit actuel.

Pour peu qu'une véritable politique d'emploi, d'une ambition et d'une ampleur identiques à celle mise en œuvre de 1997 à 2002, soit simultanément mise en place, on peut être assuré qu'il ne serait nul besoin de hausses des prélèvements avant longtemps.

2.3. Notre objectif : une prise en charge 100% Sécu.

Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage dit la sagesse populaire, il en va de même de la droite avec la Sécu. En partie par incurie, en partie sciemment, ce Gouvernement met la Sécu dans de graves difficultés aujourd'hui, pour mieux la « sauver » demain.

Les socialistes que nous sommes doivent dénoncer le subterfuge de la droite et refuser radicalement les conclusions du « rapport Chadelat », qui fait de la privatisation de l'assurance maladie sa réponse aux questions de financement.

La privatisation a, aux yeux de la droite, une vertu essentielle : elle permet d'éviter le débat sur le financement qui, faute de la volonté de réformes véritables, passe aujourd'hui par la hausse des prélèvements obligatoires. En le reportant sur une hausse des cotisations mutualistes ou d'assurance personnelle maladie, elle n'est qu'une fausse réponse, un jeu de « patate chaude », qui, au passage, ne fait rien moins que démanteler notre système de solidarité !...

Pour notre part, nous nous fixons pour objectif d'aller jusqu'au bout de la reconquête entamée avec la CMU, qui a non seulement permis de faire de l'accès aux soins un droit universel (la CMU « de base ») mais aussi donné aux caisses d'assurance maladie la possibilité d'assurer une couverture complémentaire (la CMU « complémentaire »), c'est-à-dire de reprendre pied sur l'espace qui, au fil du temps, lui avait été repris et pour être donné à d'autres.

, ce qui signifie trois choses.

Nous voulons que la Sécurité Sociale retrouve le champ d'intervention qui était le sien en 1945, ce qui signifie deux choses :

aller vers une prise en charge complète des remboursements par l'assurance maladie, et donc vers la disparition progressive des complémentaires,

que cette prise en charge soit améliorée (lunettes, soins dentaires, par exemple).

C'est pourquoi, nous faisons un double choix : celui de moyens qui sont durablement assurés, et qui le sont dans le cadre d'une sécurité sociale confortée.


3/ Des propositions pour reconstruire notre système de santé.

Pour autant, le débat sur l'assurance maladie et son financement n'épuise pas le sujet : notre système de santé, -« le meilleur du monde »- ne peut rester en l'état. Il est profondément malade et l'est dans toutes ses composantes :

L'hôpital subit un très profond malaise,

La médecine de ville est en crise ouverte,

Et les français sont les plus gros consommateurs de médicament au monde.

Il doit être reconstruit.

Il faut :

Donner vraiment au secteur hospitalier public les moyens de son action.

Pour cela, il faut :

Revoir les textes fondateurs de 1958, aujourd'hui totalement dépassés, pour cela il faudra aller vers une loi-cadre pour l'hôpital, défini à partir d'un vaste débat : nous voulons des États Généraux de l'hôpital qui permettront enfin de définir les conditions de fonctionnement de l'hôpital d'aujourd'hui.

Redéfinir les conditions d'affectation des moyens ; en particulier, le rôle des ARH, qui devra être mieux revu et élargi dans son champ d'intervention, et totalement revu dans ses modalités d'exercice ( cf. la note sur la gouvernance ). Il faut que la « démocratie sanitaire » puisse pleinement s'exercer, en permettant à chacun des acteurs concernés de faire entendre sa voix. Il faudra, en particulier, définir les places respectives de l'hôpital public et des cliniques privées.

Les SROSS sont nécessaires, mais leur définition doit être le résultat non de décisions technocratiques, mais d'un véritable débat démocratique.

Les modalités de calcul des dotations, qui devront permettre une meilleure égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, doivent être revues ; on ne peut accepter que, sous couvert de « tarification à l'activité », la marchandisation s'installe et que les missions d'intérêt général (formation, recherche, accueil des publics en difficulté) soient réduites. Une comptabilité analytique est un moyen de connaissance utile pour discuter des conditions d'évolution de l'enveloppe de chaque hôpital, elle ne peut être l'instrument d'un « shadow pricing » définissant la « rémunération » de l'activité.

Enfin, il est indispensable de lancer un grand programme de rénovation des bâtiments et d'installation des équipements lourds qui font gravement défaut.

Définir une politique du médicament (et des dispositifs médicaux).

Cette politique doit être globale et donc intervenir sur l'ensemble des trois composantes qui la constituent : production par l'industrie et mise sur le marché, prescription par les médecins, et, enfin, délivrance par les officines.

L'industrie du médicament : politique de conventionnement strict des laboratoires, procédure d'AMM plus stricte, révision régulière des AMM, déremboursement des SMR nuls ou insuffisants ; prix alignés sur le plus bas de la classe thérapeutique, développement des génériques. Interdiction de publicité (presse médicale !!!), interdiction de « formations » offertes (la FMC doit être obligatoire et organisée par l'ordre et par les pouvoirs publics) ou colloques ; disparition des visiteurs médicaux.

La prescription des médicaments : la prescription doit obligatoirement être faite en DCI (il faut évidemment que son enseignement soit obligatoire en fac !!!) et non plus en spécialité ; pour le reste, le « tact et la mesure » doivent être conformes aux protocoles médicaux qui devront demain s'imposer (cf. ci-après).


La délivrance des médicaments : le droit de « grande substitution » qui a été donné par la gauche aux pharmaciens doit être consolidé ; les médicaments doivent être délivrés en stricte fonction de l'ordonnance, il faut désormais sérieusement envisager une délivrance au plus près de la posologie prescrite (aller donc jusqu'à une délivrance non plus en boites mais en fonction de la prise du médicament comme cela se fait dans bon nombre de pays). Le rôle des pharmaciens s'en trouvera renforcé.

Donner au secteur de ville un cadre clair totalement renouvelé, qui définisse ses droits mais aussi ses obligations

Les professionnels libéraux doivent être conscients qu'ils ne peuvent exercer leur art et en vivre que grâce à une formation qui leur a été donnée et qui a été financée par l'etat et par la solvabilisation des besoins que permet l'assurance maladie. Il est juste qu'en regard, cela fasse naître des devoirs et des obligations de leur part à l'égard de la collectivité.

On ne peut ainsi considérer comme satisfaisant que notre pays soit l'un des plus grands consommateurs de médicaments au monde, ou que l'installation des professionnels sur le territoire soit aussi peu en adéquation avec les besoins qui s'y font sentir.

Le cadre libéral est un mythe, à la fois commode pour les professionnels qui se réfugient derrière le « colloque singulier » pour continuer de justifier le paiement à l'acte, mais aussi dangereux s'il débouche sur une libéralisation qui ne pourra que limiter leur liberté (cf. l'évolution des HMO). On ne peut aujourd'hui se satisfaire du cadre libéral tel qu'il a été défini en 1927.

Après des décennies de « régulation par la demande » (hausses successives du ticket modérateur ; non revalorisation de nomenclatures, cf. le dentaire ; déremboursement ; forfait hospitalier ...) qui pesait exclusivement sur l'assuré, c'est cette politique de une « régulation par l'offre » la Gauche s'est efforcée de mettre en oeuvre à partir de 1990, en tentant de responsabiliser les prescripteurs à travers une contractualisation de droits et de devoirs réciproques entre telle ou telle profession et l'assurance maladie. Le coup d'envoi en a été la possibilité ouverte de conventions séparées entre généralistes et spécialistes et le premier acte, la convention infirmières de 1991.

Si au cours de cette décennie nous avons parfois été en mesure de contracter de manière équilibrée avec certaines professions, et en particulier avec toutes celles qui se trouvent en aval de la prescription médicale (les infirmières souvent, les kinés parfois, et, plus récemment, les pharmaciens), cela n'a jamais véritablement été le cas avec les médecins ; leur refus a entraîné un échec d'ensemble de cette politique.

Dans cette histoire, les principales organisations de médecins, qui sont aux mains des spécialistes et des laboratoires pharmaceutiques se sont livrées à une guerre d'usure avec les pouvoirs publics ; ils viennent d'en sortir vainqueurs grâce à Mattéi ; et cela s'est, par ailleurs, soldé dans les élections professionnelles par la défaite de ceux (MG France) qui cherchaient une issue responsable.

Est-il encore, possible, dans ces conditions possible de nouer dans l'avenir les fils d'un dialogue à la fois nécessaire et pourtant refusé par la profession ? Sans doute pas.

Son malaise est d'ailleurs évident (cf. les coordinations de généralistes et les comportements de dépassement systématique des spécialistes), et elle est politiquement parlant largement tentée par la droite la plus extrême (cf. les sondages préélectoraux du Quotidien du Médecin ; cf. les dentistes dont l'ordre a été pris par l'extrême droite) ; la profession est en cours de poujadisation accélérée.

Si le contractuel n'est plus -provisoirement on veut le croire- c'est à la collectivité tout entière de débattre, de se mobiliser, de faire des choix. Le retour du politique est ici particulièrement nécessaire : les choix sont difficiles, ils seront très controversés et les lobbies s'y opposant seront puissants et financièrement à l'aise. La légitimité des choix doit être incontestable ; c'est pourquoi plus que dans d'autres domaines, le détail des mesures doit figurer dans le programme qui sera soumis à l'approbation des électeurs.

Quelques lignes directrices possibles à discuter :

Le numerus clausus, plus que sur un nombre global, doit porter sur des spécialités qui font défaut : on a besoin de pédiatres et de gynécos, pas de radiologues.

Les choix collectifs doivent s'imposer aux médecins : toute contravention à ces choix doit se traduire par un déconventionnement, la perte des exonérations de cotisations et le passage au tarif opposable. Parmi ces choix on citera en particulier :

l'installation en fonction de la densité médicale (à terme ne faudrait-il pas envisager un conventionnement limité à un certain nombre de médecins ?)

l'obligation d'une FMC

la nécessité d'une évaluation régulière des pratiques professionnelles

Le respect des protocoles médicalisés opposables aux médecins (les RMO).

Des dispositions générales de nature législative définissant un cadre rénové à la pratique médicale et encadrant les conditions de prestation et de rémunération des actes doivent être prises. Elles seront totalement orientées vers le développement de la capitation chez les généralistes -qui doit être rendue attractive- et des filières ; le généraliste étant seul à pouvoir orienter vers un spécialiste.

Le paiement à l'acte du généraliste (idem pour gynécos et pédiatres) doit rester possible, mais être moins bien pris en charge et rendu dissuasif (moindre remboursement de l'assuré, non prise en charge des cotisations sociales du médecin, par ex.).

Pour ce qui est de l'accès aux spécialistes, seul le passage par la filière de soins doit conduire à une prise en charge conventionnelle complète, le passage devant un spécialiste doit en somme relever d'une prescription du généraliste ; toute autre pratique (et en particulier le nomadisme médical) doit renvoyer au tarif d'autorité. Tout accès direct au spécialiste (hors gynécos et pédiatres, qu'il faut traiter, à cet égard, comme des généralistes) doit aussi relever du même traitement dissuasif.

Sur tous ces points, il y aurait sans doute beaucoup à tirer des « médecine de caisse » qui existent d'ores et déjà et depuis très longtemps en France : SNCF, RATP, Mines, ...

La contractualisation des conditions d'exercice des médecins doit se faire non à travers deux (généralistes/ spécialistes) conventions, ni, a fortiori, une seule, mais à travers au moins quatre conventions distinctes afin de mieux tenir compte de la diversité des conditions d‘exercice ;

omnipraticiens,

généralistes spécialisés (gynécos, pédiatres),

spécialistes techniques (radiologues, voire labo. d'analyses, pour lesquels il faut pouvoir distinguer l'acte médical de l'acte technique),

et autres spécialistes.

Les actes considérés comme nécessaires dans des programmes de prévention ciblés (dépistage cancer du sein, du col de l'utérus chez les femmes, ou du cancer colorectal chez les hommes, par exemple ; consultations d'alcoologie, ...) seront pris en charge à 100%.

Enfin, mais ceci ne sera pas développé dans ce papier, il est absolument nécessaire, de mettre en place une vraie politique de prévention, dont il faut bien reconnaître qu'elle reste à définir. Elle (médecine scolaire, médecine du travail, PMI, campagnes de prévention) est aujourd'hui la parente pauvre (2.3%des dépenses de santé), alors que selon le Haut Conseil de la santé, les progrès de la prévention (alimentation, hygiène, ...) représentent 80% des gains en espérance de vie des cinquante dernières années.

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(1):  J.F. Mattéi présentant le PLFSS 2004 devant la Commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale, le 8 octobre. (retour)

(2): J.P. Raffarin, le 13 octobre, dans son discours à l'occasion de l'installation du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (retour)

(3): Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, pour les salariés ; Caisse nationale d'assurance maladie, pour les artisans ; Mutualité sociale agricole, pour les agriculteurs. (retour)

(4): Médecins généralistes, spécialistes et dentistes qui, par leurs prescriptions -les ordonnances- sont seuls à pouvoir engager des actes paramédicaux ou l'acquisition de médicaments. (retour)

(5): Actes infirmiers, de kiné, d'analyse et de transport. (retour)

(6): Médicaments et « dispositifs médicaux », c'est-à-dire les appareillages, béquilles, fauteuils, appareils dentaires, lunettes ... (retour)

(7): Pris dans son ensemble : vieillesse, famille, maladie. Seule la branche maladie étant en déficit, ces ressources supplémentaires viendraient donc contribuer à le réduire. (retour)

(8): La commission des comptes de la SS estime à 1.106,4 M€ le coût année pleine des mesures 2002 et à 418,9 M€ le coût 2003 des mesures prises cette même année, les deux s'additionnent. (retour)

(9): A juste titre, en effet, puisque pour ces activités des assurances doivent obligatoirement être prises. Si les assurances empochent les primes d'assurance mais ... ne remboursent pas les soins liés aux accidents consécutifs à ces activités à la Sécu, c'est autant de bénéfices pour elles. Symétriquement, c'est autant de charges indues pour la Sécu et ... les assurés sociaux. (retour)

(10): Le cancer de la plèvre est en effet une pathologie spécifique de l'amiante. (retour)

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