GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Pour lire le jubilant « Traité d'Athéologie » de Michel Onfray

On aurait moins de barbaries au nom de la religion... Nous voudrions vous inviter à lire, toutes et tous, le Traité d'Athéologie de Michel Onfray (Ed. Grasset).

Dès la préface, il affirme : “La création d'arrières mondes ne serait pas bien grave si elle ne se payait du prix fort : l'oubli du réel, donc la coupable négligence du seul monde qui soit. Quand la croyance fâche avec l'immanence, donc soi, l'athéisme réconcilie avec la terre, l'autre nom de la vie.”

Malgré la référence à la culpabilité, dire que la religion engendre la peur de la vie et de la mort et que la non-croyance l'apaise, donne le ton de l'offensive de Michel Onfray. C'est une lecture éclairante et enrichissante qui démonte impeccablement le processus de prise de pouvoir du monothéiste, bien que l'auteur enfourche parfois les idées de l'air du temps et traite parfois l'histoire à la louche.

Sur les idées générales, Michel Onfray affecte de confondre communisme et stalinisme, poussant jusqu'à mettre dans le même sac idéologique, communisme versant stalinien et libéralisme à la mode états-unienne. “L'État et la Révolution” de Lénine est mis en parallèle avec “Mon Combat” d'Hitler, vieille rengaine éculée de Lénine précurseur du nazisme. Trotsky dans “Leur morale et la nôtre”, (souvent si mal lu et si mal interprété alors qu'il s'agit d'une charge contre l'hypocrisie bourgeoise et de ses épigones) est brocardé pour avoir voulu tracer une éthique censée remplacer le manque de repères moraux chez les masses. Dans la partie “Religions des Laïcs” il affirme que les révolutionnaires de 1789 ont tenté de tisser une nouvelle morale, celle de l'Être Suprême, aussi grossière et étriquée que la religion chrétienne. Alors que c'est la peur des revendications des plus démunis qui a poussé ceux qui balançaient entre « les indulgents » et « les bras nus » à vouloir remplacer l'idéologie de la religion pour mieux faire taire et obéir ces derniers. Dans la Grande Révolution française, il y avait une droite, un centre et une gauche, pas un bloc uni. Robespierre était au centre et il a été éliminé classiquement par la droite après avoir cru nécessaire de faire guillotiner une partie de la gauche. De la même façon, les victoires de l'athéisme citées par Michel Onfray, en particulier la Séparation de l'Église et de l'État, se sont faites sous la pression de luttes contre des moralistes réactionnaires qui ont tour à tour condamné et calomnié le printemps des révolutions de 1848, la Commune de Paris, le Manifeste du Communiste et le marxisme dans la foulée, dans la droite ligne de ceux qui avaient dévoyés les espoirs de 89.

Ce sont là les limites de la philosophie quand elle est sourde à la lutte des classes. Mais sur le sujet c'est là une chicanerie de second ordre, arrêtons pour ne céder qu'au plaisir de la démonstration de Michel Onfray : elle ne se limite pas à un anticléricalisme de bon aloi, mais elle attaque frontalement la notion du dieu unique au travers de ses “œuvres”.

Le début de 20° siècle ne prête guère à se gausser et pire à récuser dieu et de ses représentants tant on tue, on exclue, on condamne en leurs noms. Dans son livre, Michel Onfray fait les deux avec une jubilation, une aisance ravageuse. C'est un ouvrage complet, cultivé et indispensable à ce combat à la fois nouveau et ancien. Le « retour du religieux » dans les soutes du libéralisme mondialisé s'affiche en maître de la liberté d'opinion et ce maître est sévère, il ne tolère aucune contestation et tire sur tout ce qui bouge.

La clémente laïcité est accusée d'opprimer les croyants sectaires ; la justice est mise en demeure de trancher dans les états d'âme des anti-avortements et autres partisans du laisser-faire-dieu, la nature ou la tradition ; les enseignants se battent pied à pied avec ceux qui contestent l'évolutionnisme, l'astronomie, la médecine ; les soignants font face aux exigences de patients qui veulent se voir appliquer des pratiques de pudeur religieuse incompatibles avec les soins ; les media, après nous avoir fait vivre interminablement la mort du précédent, font une retape d'enfer à chaque déclaration du nouveau « panzer-pape ».

Alors il est rafraîchissant qu'un livre pareil existe et qu'il traite la foi comme une infantilisation de l'esprit, les croyants comme des abusés, les prophètes ou les saints comme des frustrés, des malades mentaux hallucinés et enragés contre le plaisir que la vie procure. Il souligne que les femmes sont les premières victimes du monothéisme des trois religions. Que dans chacune des trois, elles ne peuvent qu'être soumises, vierges ou mères. Que la sexualité c'est la connaissance qui libère, donc l'ennemie principale de dieu et de ses prophètes. Il établit que la circoncision affaiblit la jouissance chez l'homme, comme l'excision la fait disparaître chez la femme, pour que la religion soit la seule consolation, que la crainte et la douleur accompagnent l'obéissance absolue au prêtre, au maître, au seigneur. Il démontre que l'on trouve tout et son contraire dans la bible et le coran, le talmud, l'indulgence et l'intolérance, le respect de la vie et la nécessité absolue de tuer tous ceux qui ne prient pas le même dieu, une religion de paix et d'amour qui entraîne à la guerre, pour que chacun s'y retrouve dans des brouets de contradictions. Il explique, illustre avec une prodigieuse culture sans s'embarrasser de vaines précautions que le religieux est une gigantesque entreprise d'asservissement et de manipulation destinée à faire accepter les pires conditions de vie et de travail pour le plus grand profit de quelques uns, qui ne respectent jamais eux les principes qu'ils prêchent.

Jouissive aussi la démonstration de la religion chrétienne se réclamant prétendument de l'amour mais qui se donne pour représentation un cadavre torturé, ode à la mort, à la souffrance, incitation par la mortification du corps à celle de l'esprit. Décapantes les parties où il énumère les symptômes des saints à commencer par la conversion au christianisme de Paul de Tarse que Michel Onfray décrit fort bien ainsi :

”À l'origine ce juif hystérique et intégriste jouit de persécuter les chrétiens et d'assister à leur tabassage (...) La conversion sur le chemin de Damas - en 34 - relève de la pure pathologie hystérique : il tombe de sa hauteur (pas d'un cheval comme le montre Caravage et la tradition picturale...), est aveuglé par une lumière intense, entend la voix de Jésus, ne voit pas pendant trois jours, ne mange ni ne boit pendant tout ce temps. Il recouvre la vue après imposition des mains d'Ananie - un chrétien envoyé par Dieu en missi dominici... Dès lors, il se met à table, se restaure et prend la route pour des années d'évangélisation forcenée dans tout le bassin méditerranéen. Le diagnostic médical paraît facile à faire : la crise survient toujours en présence d'autres personnes - c'est le cas...- la chute, la cécité dite hystérique - ou amaurose transitoire - donc passagère, la suspension sensorielle - surdité, anosmie, agueusie - pendant trois jours, la tendance mythomaniaque - Jésus lui parle en personne...-, l'histrionisme, ou exhibitionnisme moral - une trentaine d'années de théâtralisation d'un personnage imaginaire, élu par Dieu, choisi par lui pour métamorphoser la planète -, toute cette crise ressemble à s'y méprendre à l'illustration d'un manuel de psychiatrie, chapitre des névroses, section des hystéries ... Voilà une véritable hystérie ... de conversion !”

L'ouvrage se teinte au fur et à mesure d'humour et de remarques cocasses qui renforcent la démonstration. Il y a une réelle allégresse dans le ton. À propos de la position de l'Église sur la bombe atomique qui permet de lutter contre - c'est le Vatican qui parle - “le caractère dominateur et agressif de l'idéologie marxiste-léniniste”, il lance “Tudieu” .

Dommage, bien qu'il évoque à plusieurs reprises Freud, il ne parle pas de son ensemble de trois textes “L'homme Moïse et la religion monothéiste”. Pourtant Freud applique sa méthode psychanalytique aux textes sur Moïse et à l'histoire du peuple juif. S'appuyant sur la Bible, des textes religieux et les découvertes historiques de l'époque (ces textes dates de 1938/39) Freud décrivait qu'entraînés par Moïse (maître sévère lui aussi mais surtout colérique) qui leur a révélé la religion, ces anciens esclaves égyptiens arrivent sur la terre promise, il y trouvent une population qu'ils entreprennent de chasser. Au bas mot : cent ans de guerre. Ça rappelle quelque chose.

Soazig LETOULLEC

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