GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Pau, enjeu local et enjeu national

Lors de la pré-campagne présidentielle, Ségolène Royal avait surfé sur une illusion : elle pouvait être la candidate du Parti Socialiste et elle était une nouvelle venue dans l’arène des présidentiables. Les deux meilleurs arguments pour devenir la candidate de la gauche. C’est pourquoi elle a, tout de suite, bénéficié de la sympathie d’une majorité d’électeurs de gauche ; c’est pourquoi, dans les sondages, elle était donnée gagnante contre Nicolas Sarkozy ; c’est pourquoi elle fut plébiscitée et choisie par les adhérents socialistes en novembre 2007.

Mais les mêmes adhérents et les électeurs de gauche déchantèrent peu à peu, au fur et à mesure que furent connues ses analyses de la situation et que fut diffusé son programme, d’où sa chute dans les sondages.

Cette chute fut la chance de François Bayrou. Les « grandes » candidatures étant connues, il apparaissait désormais comme étant le seul capable de battre Nicolas Sarkozy au second tour. Il eut la finesse de laisser entendre qu’il pouvait être devenu de gauche, de centre gauche ou du centre.

Et Ségolène Royal y donna crédit en lui proposant une alliance ; ce faisant, elle assurait sa défaite. Elle confortait certains électeurs de gauche tentés, selon le raisonnement qui avait prévalu en 2002 contre Le Pen, de voter Bayrou pour battre Sarkozy. Sur les 18 % que Bayrou rassembla au premier tour, la moitié lui était attachée et l’autre moitié provenait de la gauche. Ce sont les 9 points qui ont manqué à Ségolène Royal pour aborder en gagnante le second tour.

Aux législatives suivantes, le Modem de François Bayrou retomba à son niveau réel. Elévation puis chute. Pour se relever, il avait besoin d’une victoire et de la conquête d’un fief.

C’est pourquoi il s’est porté candidat à la mairie de Pau, pour lui un tremplin. Paris vaut bien une promesse… Celle de s’occuper des questions locales, promesse dont tout le monde sait qu’elle ne sera pas suivie d’effet.

La crise de la gauche à Pau

Ses concurrents ne se privent pas de désigner ce point faible pour qui prétend être maire : « Bayrou n’est jamais ici » disent-ils ; « Bayrou à Paris, c’est Josy à la mairie » : Josy Poueyto était adjointe d’André Labarrère, comme l’était aussi Yves Urieta, actuel maire dont elle est encore adjointe. Membre du bureau national du PS jusqu’en novembre 2007, date à laquelle elle a démissionné pour aller rejoindre Bayrou, elle est deuxième sur la liste de ce dernier. Cette rupture subite est la conséquence de son double refus : refus de se retrouver derrière Martine Lignières-Cassou sur la liste d’unité de la gauche et refus de suivre Yves Urieta dans son alliance avec l’UMP, prématurément révélée par la découverte, début octobre, de sa visite clandestine à Sarkozy.

Cet imbroglio mérite d’être démêlé car il est instructif sur la crise de la gauche. Maire de Pau depuis 35 années, André Labarrère avait fait barrage à la droite, peu à peu rendue minoritaire tant aux législatives qu’à la présidentielle. En 2006, après son décès, deux candidatures étaient en lice pour lui succéder : celle de Martine Lignières-Cassou, première adjointe et députée, choisie à une écrasante majorité par les adhérents socialistes, et celle d’Yves Urieta, adjoint chargé des relations avec les entreprises et soutenu par Josy Poueyto, finalement choisi par les conseillers municipaux.

Cela pouvait sembler être un choix entre la droite du PS et sa gauche. Martine Lignières est une proche de François Hollande, elle avait appelé à voter «oui» au référendum sur le TCE en 2005. Elle a d’ailleurs voté «oui» au TME, tout en ayant voté «non» à la modification constitutionnelle parce qu’elle voulait que la ratification du TME soit soumise à référendum. En revanche, Yves Urieta avait suivi Laurent Fabius lors de sa conversion au « non » au référendum de 2005. Quant à Josy Poueyto, elle était une responsable de NPS (Nouveau parti socialiste de Vincent Peillon) qui allait soutenir la candidature de Laurent Fabius contre celles de Ségolène Royal et de DSK.

L’élection municipale à Pau

Mais, la meilleure chance de la gauche pour battre François Bayrou était de présenter une liste conduite par la députée Martine Lignières-Cassou. Tous les membres de Démocratie Socialisme de l’agglomération paloise et de la fédération défendirent ce choix publiquement. Ils firent l’objet de violentes attaques des partisans de Yves Uriéta et de Josy Poueyto.

L’entêtement de ceux-ci, à faire barrage à Martine Lignières, recélait des motivations inavouées : ils ont fait passer leur intérêt de carrière avant l’objectif de battre Bayrou. Leur carriérisme réduisait à une simple posture interne au PS leur soutien antérieur à Laurent Fabius. Pour contrer Martine Lignières, que les adhérents socialistes allaient choisir comme tête de liste, ils furent conduits à ne pas combattre la droite, puis à envisager de se rallier à Bayrou ou à Sarkozy.

C’est ainsi qu’Yves Urieta, suivi de quelques conseillers municipaux ex-PS, est passé de Fabius à Bockel et vient de prendre la tête d’une liste «Gauche Moderne» - UMP. Pour sa part, Josy Poueyto, suivie d’une poignée d’ex-PS, a rejoint la liste Modem conduite par Bayrou.

En face, Martine Lignières-Cassou conduit une liste d’union de la gauche, soutenue par le PS, le PCF, les Verts et le PRG… sans, toutefois, les représentants de la Gauche Alternative qui mènent leur propre liste.

Gauche contre droite

Un sondage BVA-Orange, publié le 16 février par Sud-Ouest, donne la photographie actuelle des rapports de forces entre les listes en créditant, pour la triangulaire probable du second tour, celle de Martine Lignières de 40 %, celle de François Bayrou de 37 % et celle d’Yves Urieta de 23 %. Dans ce résultat, Bayrou et Urieta se partagent les 5 % obtenus au premier tour par une liste « divers droite » et Martine Lignières bénéficie du report des 4 % de la liste de la Gauche Alternative, grâce à l’image que lui donne l’indépendance dont elle a pu faire preuve à l’égard d’André Labarrère, et l’animation qu’elle assure localement comme députée par l’organisation régulière de débats politiques.

Elle fait du thème de la coopération transfrontalière (avec l’Aragon) et interrégionale un axe essentiel de son programme, nécessaire pour éviter une concurrence économique destructrice, mais risquant de déporter sa campagne hors des principales compétences communales. Parti, selon un sondage, à égalité avec elle, François Bayrou semble lâcher du terrain en raison de son ignorance des questions locales, qu’il essaie de compenser par la proposition d’aménagements pharaoniques exigeant plusieurs mandats pour être réalisés.

Le résultat de cet affrontement confirmera la croissance de l’implantation de la gauche ou renversera une majorité encore fragile dans la communauté d’agglomération de Pau-Pyrénées.

La majorité des communes de la ceinture de cette agglomération sont dirigées par la droite. Deux communes peuvent basculer : la gauche y est conduite par deux de nos camarades, Jean-Yves Lalanne à Billère (13400 habitants) et Natalie Francq à Gelos (3650 habitants).

A Billère, le maire sortant appartient à l’UMP. Il est assez bien implanté mais la droite est déchirée par une crise où se conjuguent le désaccord de certains avec le projet surdimensionnée d’une piscine au coût exorbitant et la volonté du maire sortant de passer en force.

A celui-ci s’oppose donc une liste du Modem à laquelle se sont ralliés quelques conseillers sortants UMP.

Jean-Yves Lalanne conduit une liste qui cherche à rassembler toute la gauche et qui est soutenue par le PS et le PRG. Le PCF, dont les militants locaux refusaient une liste commune avec le PS dès le premier tour, soutient sa propre liste. Dans une ville qui, aux législatives et à la présidentielle, a voté majoritairement à gauche, cette division peut affaiblir la gauche.

A Gelos, le maire sortant, apolitique de droite, a effectué 36 années de mandats qui laissent le bourg et ses équipements dans un état d’abandon par manque d’entretien et d’investissement.

Pour réanimer cette petite ville, développer les services sociaux et aider une vie associative fournie mais peu soutenue par la municipalité sortante, l’association d’action communale qui rassemble toute la gauche, sans exclusive, a constitué une liste qui réunit des militants politiques, syndicaux et associatifs, notamment des parents d’élèves, des éducateurs sportifs et des animateurs culturels.

Cette liste conduite par Natalie Francq, conseillère générale qui, il y a 4 ans, a pris le canton à la droite, met le maire sortant en difficulté pour la première fois depuis 1972. Deux listes seulement étant en présence, le verdict sera connu le 9mars.

Pierre Ruscassie

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