GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Le peuple palestinien : un peuple adulte

Si l’on en croyait les déclarations invariables du gouvernement israélien, les milliers de Palestiniens qui, depuis 6 mois, chaque vendredi, manifestent sans armes devant la clôture qui les enferme, ne seraient que des marionnettes manipulées par le Hamas. Ce qui est non seulement une entorse à la vérité, mais aussi prendre les opinions publiques pour des imbéciles, et déshumaniser un peu plus le peuple palestinien.

Les stéréotypes, même s’ils ont la vie dure, s’avèrent quelquefois difficiles à entretenir. Leur nature reste inchangée : il s’agit d’idées préconçues qu’on peut avoir pour des raisons apparemment crédibles, mais qui empêchent de voir la réalité d’un problème. Cette dernière finit toujours par percer.

Rappel factuel 2018

Que l’on nous permette de citer ici Asma Alghoul, une journaliste palestinienne de Gaza, qui en mai dernier précisait déjà : « Les zones frontalières de Gaza qui jusqu’à récemment étaient presque entièrement abandonnées font les gros titres de la presse internationale depuis la Journée de la terre le 30 mars, date de la première Marche du retour. Une initiative populaire, indépendante et sans armes, indépendante des partis politiques de Gaza. Si certains individus ou partis ont essayé de s’y rattacher en fournissant de la nourriture ou des tentes, ces tentatives ont été minimes et se sont rapidement révélées importunes. […]Les gens s’expriment pour la première fois en onze ans, depuis que la décision a été prise au niveau international d’imposer un siège à Gaza. Et ce qu’ils disent surprend tout le monde, pas seulement le Hamas. Les appels à protester circulant sur les réseaux sociaux se sont certes révélés trop faibles pour rassembler tous les vendredis des dizaines de milliers de personnes (ainsi qu’un plus petit nombre les autres jours de la semaine), mais nous ne devrions plus être surpris par ce que font les masses. Tout le monde a appris une leçon importante au cours du Printemps arabe : quand les gens semblent avoir perdu tout espoir, leur énergie refoulée peut soudainement se libérer »1.

Autres rappels

Ce n’est pas la première fois que la résistance palestinienne passe en dehors des partis qui, soyons généreux, ne l’incarnent plus que très partiellement (l’Autorité palestinienne, engluée dans la corruption, flirte avec la collaboration répressive, et les discours partisans d’Haniyeh, dirigeant du Hamas, n’ont jamais réussi à réunir la totalité de l’opinion populaire). Contentons-nous de trois exemples.

  1. La première Intifada (1987-1991) a ainsi éclaté de manière spontanée et s’est d’abord développée de manière autonome : « Les actions sont dirigées contre les militaires israéliens, par des jeunes palestiniens qui lancent des pierres, puis des bouteilles incendiaires artisanales. Cette population palestinienne, née sous l’occupation, exprime ainsi sa volonté de changement, dans un contexte de chômage et de misère quotidienne. C’est également l’une des premières fois où s’exprime la volonté de résistance des Palestiniens de l’intérieur. Ces actions sont suivies par des initiatives passives contre les intérêts israéliens, notamment le refus d’acheter des produits israéliens, le boycott des impôts, les grèves des travailleurs palestiniens journaliers, les grèves des commerçants »2.
  2. Les manifestations hebdomadaires non violentes de Bil’in constituent le second exemple cité : « Bil’in est un village typique palestinien qui vit de ses oliveraies et de son agriculture. Rien ne le prédestinait à devenir l’emblème de la lutte du peuple palestinien. En janvier2005, de manière spontanée, un « Comité populaire » décide d’organiser toutes les semaines des manifestations pacifiques contre la construction du Mur de séparation dont le tracé déborde largement sur les terres des villageois. Rapidement, la lutte de Bil’in s’articulera d’abord sur les moyens classiques de la lutte non violente que sont les manifestations pacifiques et les recours devant les juridictions israéliennes. Mais très vite le Comité de résistance s’appuiera notamment sur la société civile internationale portée par des moyens de communications fortement interconnectés et sur la judiciarisation internationale. En cela Bi’lin inaugurera ainsi peut-être un changement de paradigme dans la lutte pour la reconnaissance des droits des Palestiniens »3.
  3. Enfin, comment ne pas rappeler la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), lancée en juillet 2005 à l’initiative de 106 organisations de la société civile palestinienne4? Une campagne encore appelée à se développer.

Un peuple adulte, un peuple debout

Nous sommes loin des stéréotypes véhiculés par la propagande israélienne et les toutous médiatiques occidentaux serviles. Aux yeux des hypocrites, le fanatique enturbanné a remplacé le bolchevique au couteau entre les dents. Il suffit pourtant d’ouvrir les yeux pour se rendre compte que le peuple palestinien, malgré tout, est un peuple adulte, qu’il tient debout et poursuit sa lutte. Il nous revient de lui rendre hommage et de nous ranger à ses côtés.

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski est à retrouver dans la revue Démocratie&Socialisme n°248 d'octobre 2018

  1. Asma Alghoul, « Loin du Hamas, un printemps palestinien à Gaza », https://orientxxi.info/magazine/loin-du-hamas-un-printemps-palestinien-a-gaza,2455, consulté le 01/10/2018.
  2. Anne-Lucie Chaigne-Oudin, « Intifada (1987-1991) » ,  https://www.lesclesdumoyenorient.com/Intifada-1987-1991.html, consulté le 01/10/2018.
  3. Hassina Mechaï, « De la résistance pacifique palestinienne, l’exemple de Bil’in », https://blogs.mediapart.fr/hassina-mechai/blog/240314/de-la-resistance-pacifique-palestinienne-l-exemple-de-bil, consulté le 01/10/2018.
  4. Omar Barghouti, Boycott – Désinvestissement – Sanctions, Paris, La Fabrique, 2010.

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