GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Où va le PS ?

Rarement on aura eu autant de mal à répondre à cette question. Le départ annoncé de François Hollande laisse la place à toutes les combinaisons possibles. Et, en attendant, à part le besoin d’unité des militants les grandes tendances sont bien difficiles à cerner.

Ce qu’on voit et perçoit publiquement n’est pas édifiant.

A part de maigres tentatives pour tirer parti du raz-de-marée à gauche des 9 et 16 mars, le principal parti de la gauche n’est guère offensif: il demande timidement au gouvernement d’augmenter «les bas salaires et les petites retraites», il réclame le retrait des «franchises médicales» et le retrait du «paquet fiscal de 15 milliards» cadeau aux riches, fait dès son intronisation, par Nicolas Sarkozy.

Mais, on l’a vu sur les petits écrans, des soirées électorales, quand il s’agit d’attaquer la droite, le ton est encore un peu combatif, mais dès qu’il s’agit de répondre aux «Mais comment allez vous financer une autre politique?» il n’y a plus personne.

Tous les orateurs se refusent à répondre que la France n’a jamais été aussi riche, que les fortunes énormes du CAC 40, des 500 familles, et les surprofits pourraient tout à fait transformer le visage du pays, réduire les inégalités, financer nos retraites, nos salaires, nos hôpitaux, nos écoles, nos quartiers.

Or, c’est là que le peuple de gauche attend la direction du PS et c’est là qu’elle est muette, presque tous courants confondus. Faute d’audace pour formuler une alternative, on s’occupe donc à discuter calendrier et statuts.

Ne nous pressons pas

Le thème du calendrier, c’est «ne nous pressons pas», et le thème des statuts, c’est «comment on pourrait faire du centralisme et de l’autorité, là où il y a besoin de démocratie et de politique». La course de lenteur consiste pour les «écuries présidentielles» potentielles à se placer sans sortir du bois trop tôt. La presse des grands groupes industriels qui a mis notre pays en coupe réglée, annonce à grands renforts de tambour le duel Royal-Delanoé. On voit les gros titres et les milliers de petits sous titres comme si on y était déjà: cela peut occuper des semaines, des mois voire des années, sans qu’il y ait un gramme d’innovation de gauche, une once de politique alternative.

On cause mérites individuels respectifs au lieu de programme. Alors une coalition éclectique se met en place qui a ses mérites mais aussi ses limites: elle va des «strauss-khaniens» aux «fabiusiens», en passant par les aubrystes, et les montebourgeois… On balaye ainsi un large éventail, de responsables sympathiques qui se proposent de ne pas se ruer sur le présidentialisme, de ne pas tomber dans le duel «Ségo-Bertrand», de reporter la décision à 2010 ou 2011.

Ils ont le grand mérite de dire: pas de guéguerre présidentielle tout de suite, mais le défaut de ne pas donner d’orientation d’ici là. Car, entre eux, ils n’ont pas la même. Il est vrai qu’un texte Cambadélis-Weber a le mérite de tenir les écuries des querelles personnelles à distance, mais pas de les régler: l’un garde la place au chaud pour son champion le temps qu’il s’en revienne du FMI, l’autre écarte les modes médiatiques le temps qu’un vent de sérieux redonne de l’allant à Laurent Fabius. Tous exigent de vouloir «jouer collectif», ce qui est préférable à la personnalisation débridée voulue par Ségolène Royal, empressée de faire main mise, dés le prochain congrès sur la direction du parti.

D’où un congrès les 8 et 9 novembre prochains à Toulouse, ville rose. Et en guise de relais, une convention nationale sur les questions… de statut, en juin. On y infléchirait la démocratie dans un sens centraliste (comme si c’est de cela que le PS manquait!). Les propositions, d’ailleurs reprises par 50 dirigeants fédéraux sont urgentes comme vous pouvez les lire:

1°) que les fédérations se voient davantage obligées d’obéir au centre! (Là, ou dans le pays, on décentralise, dans le parti on centralise!). Comme si c’était un manque d’autorité administrative, et non pas un manque d‘autorité politique qui créait problème. Certes, ce serait progressiste d’avoir un barème de cotisation nationale et de ne pas laisser des féodaux en décider, ce serait positif d’avoir un fichier national contrôlé et de ne pas laisser de 4 ou 5 «puissantes» fédérations faire la pluie et le beau temps, souvent par des votes insincères.

2°) il serait créé un «conseil des territoires» pour mieux coordonner nos puissants relais communaux, départementaux, régionaux. Il est vrai que nous en avons besoin mais là encore, la solution n’est pas administrative en créant une nouvelle structure: il vaudrait mieux se mettre d’accord sur une politique fiscale qui défende des impôts justes et combatte les impôts injustes, qui organise une péréquation territoriale, et empêche l’état de reporter ses carences sur les instances intermédiaires…

3°) La proportionnelle serait maintenue autour des motions, mais rognée, et la barre serait placée à 10 % des voix du parti pour la représentation au niveau national dans les instances comme le CN et le BN. Cela va évidemment contre les intérêts du débat et le reflet fidèle des sensibilités du parti dans sa direction. Difficile de s’opposer à la droite si elle fixe à 10% la barre pour la représentativité syndicale, si on élève la barre anti-démocratiquement dans nos rangs.

4°) Plus important, les congrès du parti seraient fixés en fonction du quinquennat: pas en fonction des besoins et de la vie politique réelle, mais en fonction des institutions! Il y aurait deux congrès par quinquennat, un au début et un vers la fin, le second servant à désigner le ou la candidate à la présidentielle. Quid s’il y a des élections anticipées, s’il y a crise, s’il y a inversion des calendriers? Car on peut encore se souvenir de certains qui créèrent un mouvement présidentiel appelés «Objectif 72» puis «Objectif 76»: ils n’avaient pas prévu, l’un en 1965, mai 68, l’autre en 1969, le décès de Georges Pompidou. Et ne faudrait-il pas prévoir que l’agité Bling-Bling nous mène à la crise?

Aucune de ces quatre propositions n’apporte quoi que ce soit aux besoins du moment.

Le congrès

en novembre

Plus urgent serait de rédiger un programme d’action immédiat. Ce que nous exigeons sans attendre cinq ans pour notre peuple:

1° ) une hausse massive des salaires, un Smic à 1500 euros net, 200 euros immédiatement. Une re-discussion tripartite (syndicats, patronat, état) fortement encadrée de toutes les grilles salariales, dans tous les métiers et dans toutes les branches. Un alignement automatique par la loi des minima conventionnels sur le Smic. Une hausse immédiate de 10 % des petites retraites, des minima sociaux.

2°) une ré-orientation fiscale immédiate: baisse des impôts injustes indirects et proportionnels (TIP, TVA, Taxes locales), hausse des impôts justes, directs, progressifs (ISF, IS).

3°) une reconstruction immédiate des droits du travail, du droit syndical, des droits des élus du personnel, de la démocratie sociale (allant dans le sens inverse des destructions de droits sociaux massivement mis en œuvre). Rapprocher les durées effectives du travail des 35 h légales: 44 h maxima, des heures supplémentaires limitées en nombre et majorées à 50% dés la première heure. Des durées du travail limitées et contrôlées. Un droit à la retraite à 60ans pour tous à taux plein (non aux 41 et 42 annuités de cotisations!).

4°) un renforcement immédiat de tous nos services publics, avec des effectifs et des moyens massifs en fonctionnaires, dans nos hôpitaux, nos écoles, nos équipements collectifs, nos banlieues. Suppression des franchises et de toutes les taxes complémentaires pénalisant le droit à la santé pour tous.

Voilà en quatre points, un programme alternatif d’urgence à celui de Sarkozy. Plus de solidarité sociale moins d’encouragement à l’enrichissement personnel. Plus de sécurité sociale, moins d’état pénal. Plus d’ordre public social moins de déréglementation.

C’est plus important, selon nous, que de savoir si c’est «Ségo ou Bertrand» ou si la barre est à 10% au lieu de 5% pour intégrer la direction du PS.

L’état des forces

Nous avons le sentiment que la gauche du parti pourrait, si elle s’unissait atteindre un score de 25 à 30% des voix à coup sûr: c’est le fait de tourner en province, dans les fédérations, auprès des militants de tous les départements qui nous fait le dire. Il existe dans ce parti un trésor de patience, d’opiniâtreté, d’attente à gauche: ils sont là, on les rencontre, ils se manifestent, les militants, l’arme au pied, se désespérant du silence de leurs dirigeants, de leur absence de ton offensif et alternatif.

Certes, il y a des courants droitiers cristallisés qui ne croient plus au socialisme mais seulement à une bonne gestion du capitalisme respectant ses lois, ses fonds de pension, ses concurrences prétendues «libres et non faussées», ses TCE, traités de Lisbonne et cie… Mais cela ne fait pas plus de 20 à 25% des voix, ils sont là, mais souvent se taisent, se masquent, n’osent pas franchement défendre leur absence de vrai cœur à gauche…

Et au milieu, qu’ils ne nous en veuillent pas, car ce sont des très braves gens souvent, il y a un «marais» d’hésitants, prêts à se donner à n’importe qui pourvu qu’il se présente comme réalisant l’unité du parti et capable de battre la droite. Ils voteraient Ségolène ou Bertrand, ou Dominique sans sourciller s’ils ont l’impression, sans réfléchir davantage au programme, que l’une ou l’autre, peut permettre de sortir de la paralysie de la gauche qu’ils sentent et reconnaissent.

Il y a une course de vitesse ou de lenteur, selon, pour s’emparer de ce centre… Vont vite ceux qui veulent se mettre sur les rangs par défaut de notoriété. Vont lentement, ceux qui espèrent sortir du bois au dernier moment de façon consensuelle entre quelques grands barons. De tous les candidats au poste de Premier secrétaire, ce sera celui qui fera opinion moyenne, sage, protectrice, rassurante qui l’emportera. Même si c’est provisoire en laissant ouverte la question du choix… de 2012.

Le devoir de la gauche

Il existe une gauche du parti socialiste, hélas morcelée, comme la gauche non socialiste, l’est au dehors: on peut citer des noms, parmi ceux qui ont accepté la tragique synthèse au Mans en novembre 2005 comme ceux qui l’ont refusé à l’époque. Henri Emmanuelli, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Marie-Noëlle Lienemann, Alain Vidalies avaient accepté la synthèse mais s’en mordent plus ou moins les doigts au vu du bilan (notamment du vote du 4 février 2008 à Versailles). Marc Dolez et Gérard Filoche l’avaient refusé et s’en félicitent car ce fut un acte nécessaire. Mais cette gauche peut retravailler ensemble, elle le doit, sur un programme social, sur une orientation alternative. Tous sont contre l’alliance avec le secteur de la droite appelée «Modem», tous sont pour un programme social assez proche de ce que nous avons résumé ci-dessus.

À eux tous, ils feraient s’ils se rassemblaient les 25 à 30% des voix sans lesquelles la direction du parti, ensuite, quelle qu’elle soit, ne pourrait pas gouverner seule. L’ensemble pourrait avoir vocation majoritaire. Nous, D&S, c’est notre espoir, que tous ceux-là se mettent autour d’une table et rediscutent, travaillent loyalement ensemble et bâtissent une motion commune de qualité, une gauche durable sans fausse manœuvre, sans synthèse, mais avec conviction, volonté, ardeur.

Cette alliance est possible, s’il le veut, le souhaite, avec Laurent Fabius et tous ceux qui furent consciemment pour le «non» en 2005 et 2008.

On pourrait aller au-delà si on peut discerner dans ce que certains semblent dire, ce qui peut être un programme social de gauche, de redistribution des richesses. Mais notre expérience nous enseigne qu’il faut exister et être forts à gauche , ne pas diluer lex axes essentiels du programme. Nous sommes sur une ligne d’unité de toute la gauche, mais au cœur de celle-ci, il faut avoir les moyens de défendre un programme de réelle transformation sociale.

Nous voudrions dire à Henri, Jean-Luc, Marie-Noëlle, Alain, Benoît, Marc, Laurent, mettons nous autour d’une table, unissons nos efforts pour ce congrès, rassemblons nos forces sans céder aux sirènes présidentielles. S’il y a une certaine unité de la gauche de ce parti, il y aura davantage de chances pour l’unité de la gauche toute entière.

Gérard Filoche

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