GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Où va la majorité d'idées à gauche ?

Le directeur d'études de l'Ehess, Michel Wievorka, sociologue, se pose en contempteur du PS après son université de La Rochelle. Il fait comme s'il n'y avait pas de congrès de Dijon, pas d'acquis des débats, pas d'orientation du Parti socialiste et se plaint que « les intellectuels » (lui, sans doute) ne s'y retrouvent pas à cause du basisme actuel qui régnerait dans le parti…

On ne sait pourquoi, il se plaint de l'existence d'orientations proches du « syndicat Sud » (sic) « corporatiste et lutte des classes » dans le PS, il dénonce « la tentation gauchiste » et le « dérapage vers l'extrême », vers un « gauchisme culturel altermondialiste », « mélange de mouvement social et de radicalisme politique ». Il se plaint aussi de la seule présence de Bernard Thibault à Dijon et de « la distance » entre la direction du Ps et celle de la Cfdt. Il souhaite que dans le débat sur la Sécu, le PS ne « refasse pas l'erreur qu'il a fait sur les retraites » où il aurait eu tort de « ne se poser qu'en s'opposant ».


Et puis tout se découvre lorsqu'il s'en prend aux opposants au sein de ce parti en des termes plus qu'injurieux : « Evidemment, et c'est une des leçons que confirme La Rochelle. Arnaud Montebourg et Henri Emmanuelli font peser sur l'avenir du parti l'hypothèque d'un cocktail, à mon avis très dangereux, de jacobinisme soft et de «basisme». Mais le côté caricatural de leurs positions ne doit pas masquer leur succès, sous une forme atténuée, dans l'ensemble du parti. Au PS, le basisme a progressé depuis le 21 avril 2002. Mais n'en exagérons pas, là non plus, l'importance. »

Une offensive concertée ?

En voilà donc un de plus, qui s'attaque à ce qu'a fait de mieux le Parti socialiste à Dijon en appuyant le mouvement social, les grévistes, et en exigeant le retrait du plan Fillon, des mesures Ferry-Darcos, de la décentralisation-Raffarin.

C'est comme si, en ce moment, il y avait une « sortie » concertée d'un certain nombre de gens qui prétendent qu'il sont de gauche mais que « l'avenir du socialisme est dans le libéralisme » (cf. les amis de Monique Canto-Sperber dans Libération). Pour ceux-là, il ne faut pas céder à la rue ni aux grévistes. Il faut serrer la vis aux salariés et faciliter l'épuration de notre protection sociale. Il ne faut pas considérer la gauche dans son ensemble mais en exclure a priori l'extrême gauche.

Cette catégorie d'intellectuels bien-pensants, se donne visiblement le mot pour essayer, à contre courant, de faire masse et de pressionner le PS afin de le « re droitiser ». Ils essaient d'endiguer le cours des choses, d'empêcher l'évolution de la majorité du peuple de gauche… vers la gauche. Ils laissent entendre que les « bons » socialistes sont, comme Kouchner, favorables à l'agression américaine en Irak, que la pseudo constitution européenne de Giscard est le fin du fin, que toute opposition conséquente aux attaques sur les retraites, l'école ou la Sécu, du gouvernement ultra-libéral de Raffarin… relève du gauchisme. Comme Rocard, ils soutiennent de facto la réforme Fillon.

On nous dit aussi (Bernard Poignant dans le Nouvel Observateur en août) qu'il ne « faut pas que le PS prive » de Rocard, Kouchner et Delors, d'Attali, de Charasse, de tous ces gens qui ont littéralement tiré dans le dos des millions de grévistes et de manifestants du printemps 2003.

C'est tout juste s'ils ne nous vantent pas Tony Blair, craignant sans doute que leur idole empêtrée sur le terrain à Bagdad et dans ses mensonges à Londres, ne chute avant qu'ils n'aient réussi à valoriser son image en France.

Conseils de mauvais augure :

Disons-le nettement, si le Ps suivait par malheur ce genre de mauvais conseil, il s'enfoncerait définitivement loin de ses électeurs et ne se remettrait jamais du 21 avril. Ce n'est sûrement pas le genre de discours qu'il faut écouter pour regagner une base populaire parmi les salariés, c'est-à-dire parmi ceux qui créent les richesses de ce pays, parmi les 88 % de la population active.

Le gouvernement Raffarin suscite une haine, une hargne que ces « conseillers de mauvais augure » ne ressentent pas : l'immense majorité de notre peuple se sent spolié dans sa vie quotidienne, dans son porte-monnaie, par toutes les attaques anti-sociales qui s'exacerbent, contre les 35 h, contre le droit du travail, contre toutes les mesures qui développent le chômage, contiennent les salaires, font la part belle au capital et aux actionnaires, au détriment de la redistribution des richesses.

La gauche ne se reconstruira qu'en combattant frontalement de façon nette et entraînante l'offensive ultra libérale, idéologiquement sectaire des tenants actuels du pouvoir. Ce sont des thatchériens et nous devons faire barrage à leurs méfaits par tous les moyens.

La gauche doit prendre la mesure des enjeux : si elle ne parvient pas à mettre en échec la politique antisociale de ce gouvernement, le pays se droitisera, la misère augmentera, toujours propice à la prolifération de l'extrême droite.

La gauche soit s'unir et non pas se diviser, assez de bataille de clans, de chamailleries, de préjugés, de positionnements, il faut rassembler toutes les forces, toutes, pour gagner. Pas d'exclusive, pas de préalable à l'unité : gauche, « extrême gauche ».

Les enseignants les salariés du public comme du privé, les intermittents, les manifestants du Larzac, les altermondialistes, les syndicats, les verts, les socialistes, les communistes, tous, tous, ont intérêt à l'unité, ont un devoir d'unité. Il faut s'unir sur les points communs, là où il y a une majorité d'idées, en défense des retraites, de la Sécu, de l'école, des salaires, du partage des richesses.

Alors que cherchent toutes ces sirènes ?

Que veulent-ils, ces intellectuels pro-libéraux ? Tuer le mouvement social ? Écraser les syndicats majoritaires ? Isoler la Confédération paysanne et réactiver la Fnsea ? Faire le lit des dirigeants de la Cfdt (minoritaires dans leur propre syndicat qu'ils n'ont pas consulté) qui rompent l'unité, créent la division, approuvent les libéraux sur presque sur tout, depuis le plan Juppé, le plan Fillon, les projets Mattéi, les accords avec le Medef, la liquidation des intermittents ? Si leur idéal est une direction syndicale minoritaire qui signe tout le temps avec la droite et met tout son poids pour briser le front des salariés qu'ils le disent !

Ils ont le droit d'être minoritaires, de ne pas écouter la majorité du peuple : 66 % de la population est et reste opposée au plan Fillon. Il y a eu 30 millions de jours de grève, 11 journées nationales enseignantes, 9 journées interprofessionnelles, des millions de manifestants et de grévistes, un des mouvements sociaux les plus forts depuis 70 ans, dans la foulée de 36, 45, 68, 95. Le Ps est dans ce camp et tant mieux !

Michel Wievorka est comme d'autres de ses confrères qui se sont relayés pour expliquer en juin qu'il « était illusoire de vouloir taxer le capital ». Il a le droit de ne pas tenir compte du vote unanime des 4000 militants présents au Congrès de Dijon sur une motion claire : retrait du plan Fillon, engagement solennel à l'abroger, soutien au mouvement social que venait de déserter Chéréque.

Mais à gauche, la démocratie, ça compte, il importe d'écouter les militants, le peuple, pas seulement les tenants de la pensée unique qui tiennent le haut du pavé des médias Raffarin.

La majorité écrasante de la gauche, Michel Wievorka ne l'incarne pas dans ses propos et il devrait être un tantinet plus humble avant d'attaquer bassement les minorités du PS, Nouveau parti socialiste et Nouveau monde, car elles représentent 4 militants sur 10 dans le Parti socialiste au cœur de la gauche (et encore 1 ou 2 militants sur 10 qui ont voté François Hollande par légitimisme mais qui partagent leurs positions).

C'est un peu vulgaire de la part de quelqu'un qui se voudrait « mieux accueilli » comme intellectuel d'insulter les courants d'idées sans un mot sur le fond en les traitant de « jacobinistes soft », de « basisme », de « caricature ». Ça ne vole pas haut dans la bataille d'idées.

Ne peut-il mieux lire, mieux écouter et mieux débattre, pour commencer ? Mais peut-être n'est-ce pas le propre de l'avenir de la gauche qu'il voudrait nous tracer ?

Nous, nous voulons la réduction des inégalités, de vraies 35 h, le retour à la retraite à 60 ans, de meilleurs droits du travail, et oui, nous voulons renverser le fait que dans les 20 dernières années, les profits du capital ont pris 11 points au travail, aux salaires, nous voulons une redistribution des richesses, de véritables services publics, une Europe sociale et pas une Europe libérale. Nous ne savons pas si c'est du jacobinisme soft ou du basisme, mais nous pensons que c'est ça, la majorité d'idées du peuple de gauche, et que si nous voulons effacer le 21 avril 2002, il faut aller dans cette voie.

Le 3 septembre, Gérard Filoche, membre du BN du PS, (nps)

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