GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Où va la Gauche ? Où va le PS ?

Depuis les années 30, la situation sociale n’avait jamais été aussi catastrophique: les capitalistes

étant asphyxiés par la suraccumulation de capital qu’ils ont réalisée, ont tenté, pour

maintenir leurs profits, d’absorber la surproduction en libérant totalement le crédit.

L’échafaudage a fini par s’écrouler. Les capitalistes multiplient les faillites, le chômage s’envole

de nouveau. L’endettement croissant, d’ailleurs peut-être insuffisant pour sauver les

banquiers et les industriels…, est un pari sur l’avenir qui prolonge la crise et ses dégâts et

qui, déjà, pioche dans les poches des travailleurs. Dans un contexte d’inégalités croissantes,

le cynisme des capitalistes s’étale. Toutes les mesures prises servent à enrichir les plus riches

en pressant davantage la masse des moins riches, refoulés dans la pauvreté et, pour certains,

dans la misère. Le démantèlement des services publics se poursuit pour offrir aux capitalistes

de nouvelles frontières où transformer, en capitaux privés prometteurs, la richesse apportée

par les salariés du secteur public, sur laquelle ils ne pouvaient prélever aucun profit.

Ils cherchent à se dissimuler dans les plis du marché

mondial. En effet, la « main invisible du marché »

n’existe pas. Ce qui existe, c’est la « main cachée d’une

minorité rapace », une minorité qui s’organise comme une

contre-société, avec ses quartiers fermés, ses services

de gardiennage, ses cabinets d’avocats,

ses clubs… Face à cette

« élite », qui a conscience de son

statut et ne dépasse pas 1 % de la

population, les salariés (93 %

de la population) peuvent

s’organiser syndicalement.

Quant aux travailleurs indépendants,

ils sont jusqu’à

maintenant, à part les agriculteurs,

trop hétérogènes et

atomisés pour se reconnaître

dans une identité forte et indépendante.

Salariés,

si vous saviez la force

que vous représentez…

Toutefois, les neuf dixièmes de la population devraient

constituer une force syndicale redoutable. Leur masse et

leur communauté d’intérêt ne sont pas étrangères au poids

idéologique des valeurs constitutives de la gauche « liberté,

égalité, fraternité ». Il n’empêche que le mouvement

syndical organisé est, en France, particulièrement affaibli

: il n’y a que 7 % de syndiqués. Il y a huit centrales

syndicales. Ceci explique cela. Cette division fragilise les

mouvements sociaux. L’unité d’action est toujours sous la

menace d’un désaccord. Pourtant le tableau que présentent

les récents mouvements est radieux : depuis la

Libération, jamais la mobilisation n’avait été aussi forte

que les 29 janvier et 19 mars. La combativité des travailleurs

salariés et indépendants, en défense de leurs

droits, est en plein essor : même les producteurs de

lait s’y mettent. Les luttes sociales se durcissent

: occupations d’usines, séquestrations…

D’ailleurs, le fait que l’unité

d’action des organisations syndicales

libère une telle énergie, montre que

celles-ci ne sont pas rejetées, ce que

prouve aussi la participation aux

élections professionnelles

dans des conditions difficiles.

Mais, si l’attente à

leur égard est forte, elle

reste insatisfaite.

La clé est aux mains

des directions

de la gauche

Or, le manque de perspectives dont souffrent les

organisations syndicales, tient à la crise de la gauche. En

effet, la détermination des mobilisations sociales se développe

grâce aux perspectives qu’offre la gauche. Les

mobilisations syndicales ne peuvent aller jusqu’au bout,

c’est-à-dire ne peuvent transposer la crise sociale sur le

terrain politique, seul terrain où elle pourra être résolue

démocratiquement, qu’à condition que la gauche se

montre prête à gouverner en étant unie autour d’un programme.

C’est tout à fait exceptionnellement que, en l’absence de

solution politique, en l’absence de perspective gouvernementale

pour la gauche, la mobilisation sociale ouvre

néanmoins une crise politique, en débouchant sur une

grève générale surprise comme en Mai 68. Mais, en 1965,

François Mitterrand avait créé une agréable surprise en

atteignant 45% au second tour face à de Gaulle : l’espoir

renaissait.

En revanche, en 2007, Ségolène Royal décevait en perdant

avec 47% face à Sarkozy. Or, le mouvement social

attend qu’un signal encourageant soit envoyé par les partis

de gauche.

Il faut que les partis

de gauche ouvrent

une perspective majoritaire

C’est nécessaire pour que les directions syndicales sentent

l’exigence qui monte d’en finir avec la droite et sachent

que la crise politique qui est au bout de la mobilisation ne

débouchera pas sur une impasse ! Une perspective majoritaire,

ce n’est ni un « front de la gauche de la gauche »

excluant le PS, ni une alliance du PS avec le Modem.

Une alliance PS-Modem n’aurait pas les voix de la

gauche de la gauche, elle perdrait une partie des voix du

PS et des Verts. Et ce n’est pas son programme libéral,

opposé aux 35h, aux 60 ans, aux 1600 €, à un salaire

maximal de 20 Smic… qui lui permettrait de les rattraper.

En outre, si elle ne se faisait pas autour de Bayrou, cette

alliance perdrait même une partie des voix du Modem…

et Bayrou lui-même. Elle perdrait l’élection.

Il y a deux camps,

la gauche et la droite

« Oui, mais ne soyons pas sectaires », disent certains partisans

de cette alliance «Le Modem est en train de

rejoindre la gauche… Pourquoi le rejeter ? ». Mais comment

savoir s’il tend la main pour que nous l’aidions à

s’intégrer à la gauche ou pour nous tirer à droite et que

nous servions de tremplin à Bayrou?

Pour savoir, il faut d’abord que la gauche soit organisée :

que ses partis déjà reconnus soient unis autour d’un programme

commun.

Qui signera alors ce programme s’intègrera dans l’Unité

de la gauche. Le Modem n’aura qu’à choisir.

En 1972, le programme commun de la gauche a été élaboré

et adopté par le PS et le PCF seuls. Et, c’est trois

mois après, au vu de ce programme, qu’une sensibilité du

Parti Radical a quitté ce parti et est devenu le troisième

signataire sous le nom de MRG (Mouvement des

Radicaux de Gauche, devenu aujourd’hui PRG).

Commencer, au contraire, par un compromis avec le

Modem serait tenter de faire exister le mythique « centre »

et faire obstacle à l’Unité de la gauche. Ce serait renouer

avec la stratégie de troisième force de Guy Mollet.

La crise de la gauche

est d’abord une crise

du parti dominant de la gauche

La déception créée chez les électeurs du PS, par l’incapacité

actuelle de sa direction à ouvrir un débat public sur le

programme que les socialistes devraient proposer au

peuple de gauche, conduit ces électeurs à se réfugier dans

l’abstention, pas à se rallier à la gauche de la gauche.

En revanche, ces électeurs socialistes abstentionnistes

pourraient soutenir un front qui se révèlerait aussi pluraliste

que le PS paraît l’être (la cacophonie est le signe de

crise d’une organisation pluraliste) : c’est pourquoi, en

juin, la moitié des voix d’Europe Ecologie provenait

d’électeurs socialistes abstentionnistes qui avaient ainsi

trouvé comment accomplir leur devoir civique tout en

sanctionnant leur parti.

Ce défoulement individuel ne résout rien collectivement,

car il encourage la division de la gauche, mais il indique

les tendances qui pèsent sur la conscience des électeurs de

gauche.

Le PS est en crise parce qu’une majorité de ses dirigeants

refusent d’ouvrir la discussion sur le programme. En

effet, celui que cette majorité voudrait défendre est le programme social-libéral issu du tournant de 1983. Mais, en

France, le présenter c’est le rendre explicitement minoritaire:

Tony Blair l’avait emporté parce qu’il disposait

d’une autre situation sociale… C’est pourquoi le PS n’a

pas de programme : des propositions très générales sont

faites puis disparaissent, d’autres font un passage, mais il

n’a pas de programme à proposer à ses partenaires de la

gauche.

Une crise qui touche tout le mouvement

socialiste européen

En Grande-Bretagne, l’incompréhension par l’aile gauche

du Parti Travailliste de la profondeur du recul de la combativité

sociale et de la conscience politique qui résultait

de la défaite des mineurs (mars 1984 - mars 1985), a laissé

le champ libre aux propositions « réalistes » de Tony

Blair et a permis à l’aile libérale de s’emparer du Labour.

Mais le parti n’a pas éclaté et l’échec patent de la politique

de Tony Blair et de Gordon Brown ouvre à l’aile

gauche la perspective d’y regagner la majorité.

La situation de la gauche est plus préoccupante en

Allemagne parce qu’elle y est divisée.

Le démantèlement des acquis sociaux y est aussi profond

qu’en Grande-Bretagne et la responsabilité de la direction

du SPD y est engagée. Alors que la gauche sortait majoritaire

des dernières élections au Bundestag, aucun de ses

trois partis ne voulait d’Unité de la gauche.

La coalition CDU-SPD qui fut installée conduit le SPD à

s’affaiblir sans que la gauche de la gauche (Die Linke) ne

bénéficie d’un quelconque effet de « vases communicants

», sauf lors des récentes élections régionales de

Sarre où Oskar Lafontaine, bénéficiant de son statut d’ancien

président socialiste du Land, atteint 21,3% alors

qu’il avait obtenu 30,8% comme candidat du SPD en

2004. Mais la moitié de ses voix de 2009 provient d’abstentionnistes

de gauche et un tiers seulement provient de

ses voix de 2004 et de celles des Verts, le SPD recueillant

encore 24,5%.

Pire est la situation de la gauche italienne. Les socialistes

ont fusionné avec une aile de la démocratie chrétienne,

sans que la gauche de la gauche, trop monolithique, n’ait

pu bénéficier d’un effet « vases communicants ».

Berlusconi dispose d’une place nette. La gauche italienne

ne serait pas confrontée à une telle impasse si la gauche

de la gauche s’était maintenue dans DS pour y disputer la

majorité aux sociaux-libéraux.Il n’y a donc pas de solution

«extrémiste» à la crise de la gauche. Ni en découpant

la gauche de la gauche, ni en découpant la droite de la

gauche. La guerre des extrêmes divise en deux les forces

de la gauche, les déçus sont rejetés dans l’abstention et la

droite recueille une majorité électorale : la majorité politique

dont dispose la gauche accouche alors de deux

minorités électorales et d’un marais. Ou comment épuiser

un potentiel prometteur…

Résoudre la crise de la gauche, c’est substituer le débat à

la guerre. C’est donner la priorité à la discussion du programme

par rapport aux candidatures.

C’est ainsi que les besoins sociaux, 35 h, 60 ans, 1600 €…

prendront le dessus sur les écuries présidentielles. C’est

ainsi que la démocratie se développera dans les partis de

gauche et dans toute la gauche. C’est ainsi que se

construira l’unité de la gauche.

C’est ce que Marie-George Buffet vient de proposer à la

fête de L’Humanité devant les représentants des partis de

gauche. Elle propose d’organiser le débat en plusieurs ateliers.

C’est la voie de la « maison commune de la

gauche » que Martine Aubry a appelé de ses voeux à La

Rochelle.

Les ateliers proposés (l’argent et sa maîtrise, modes de

développement, démocratie, droit à la culture) couvrent

toutes les questions, mais il faudra entrer dans les détails

d’un programme complet à soumettre à des assises de la

gauche dans tous les départements et à l’échelle nationale.

Pierre Ruscassie

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