GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Non au putsch militaire au Honduras !

Encore moins que ses voisins, le

Honduras n’avait vocation à devenir

un nouveau foyer révolutionnaire

bolivarien. Jusqu’à peu, c’était la

multinationale « United Fruit Company »

qui tirait les ficelles et adoubait ses fantoches

à la tête du pays. Lorsque la CIA,

soutenue par « l’United Fruit », se décide

à lutter contre le régime progressiste du

président Arbenz au Guatemala, c’est

depuis le Honduras que s’organise la

guerre psychologique

amenant sa chute en

1954.

A partir de

1979, c’est à l’abri de

la frontière hondurienne

que les impérialistes

ont financé et

épaulé les « contras »,

groupes fascistes harcelant

sans relâche le

régime sandiniste qui

s’était imposé au

Nicaragua… Même si

le Honduras est un

Etat officiellement

civil et démocratique

depuis la constitution

de 1982, la militarisation

de la société s’est

intensifiée pendant

les années 1980,

menant à de nombreux

enlèvements

voire d’assassinats de

militants ouvriers, de

syndicalistes et de démocrates.

Tout

commence à changer à partir de l’arrivée

de Zelaya au pouvoir, fin 2005. Il se met

presque immédiatement les classes

dominantes à dos en créant un journal

populaire et en nationalisant le TF1 local.

Mais sa rupture définitive avec l’oligarchie

est à dater de 2008. Le rapprochement

avec le Venezuela de Chavez est

sanctionné par l’adhésion du Honduras à

“l’Alternative bolivarienne pour les

Amériques” (ALBA). Dans la foulée, en

janvier 2009, Zelaya décide d’augmenter

les salaires minimums de 60 % malgré

les cris d’horreur des multinationales. La

lutte contre la pauvreté est financée par

un accord avec Petrocaribe qui permet de

différer sur 25 ans le paiement de la moitié

de la facture pétrolière. L’ancien politicien

de centre-droit soutient microentreprises

et agriculteurs, lance des

assemblées populaires pour la gestion

des quartiers et s’oppose à la main-mise

étasunienne sur l’économie du pays...

Pour la classe dirigeante hondurienne et

les impérialistes, le fantasque Zelaya est

devenu l’homme à abattre.

L’armée est bien sûr en première ligne,

mais elle n’est que le sabre de la conjuration.

Sa tête n’est autre que “Chiquita”,

l’ex-« l’United Fruit ». Début 2009, la

compagnie fruitière a vivement critiqué

le gouvernement de Tegucigalpa à propos

des hausses des salaires. La menace

à peine voilée de faire plonger le pays

dans le chômage de masse n’a pas fait

reculer le président. La rupture était

consommée et “Chiquita” n’avait plus

qu’à se tourner vers les militaires putschistes.

Rapidement, l’Eglise, le

Congrès et les médias s’associèrent à la

conjuration. Le 28 juin dernier au matin,

l’état d’exception est décrété. L’armée

fait irruption au domicile de Zelaya, le

sort du lit et l’expulse du pays alors qu’il

était encore en pyjama... Le président

légitime est contraint de laisser la place à

un gouvernement « de fait », né du coup

d’Etat et dirigé par Roberto Micheletti. A

ses côtés se trouvent des hommes peu

recommandables, tels que Otto Reich,

trempé dans le coup d’Etat anti-Chavez

de 2002, ainsi que Billy Joya, tortionnaire

réputé qui dirigea un escadron de la

mort de 1984 à 1991…

Le coup d’Etat est brutal, mais la résistance

s’organise rapidement et des

affrontements ont lieu aux abords du

palais présidentiel. Au sein de la «communauté

internationale», l’ALBA

dénonce le putsch le lendemain de sa réalisation

et l’ONU lui emboîte le pas le

1er juillet. Même Obama se dit quelques

jours plus tard « très préoccupé » de la

tournure des événements. Malgré la

condamnation officielle du coup d’Etat

par les Etats-Unis, il est maintenant clair

que certains dirigeants américains ont

pris une part active à la conjuration,

notamment Llorens, l’ambassadeur américain

à Tegucigalpa. Malgré le doublejeu

américain, Zelaya se sentait assez fort

pour braver le pouvoir putschiste unanimement

condamné et retourner dans son

pays. Mais, le 6 juillet, sa tentative

aérienne a échoué face à la volonté

inébranlable des factieux qui ont empêché

son avion d’atterrir malgré les 30 000

partisans du président légitime qui

s’étaient massés le long de l’aéroport de

la capitale hondurienne.

Deux semaines plus tard, la tentative

d’arbitrage du président costaricien Arias

échoue. Le 19 juillet, alors que compromis

proposé par Arias, l’homme de

confiance d’Hillary Clinton, venait d’être

accepté comme base de discussion par

Zelaya, les envoyés de Micheletti rompent

les négociations. Le gouvernement

“de fait” ne peut se résoudre à rendre le

pouvoir au président légitime, conscient

qu’il est de la précarité de sa situation.

Cette fin de non-recevoir opposée à la

médiation costaricienne a relancé le

mouvement social au Honduras. Les partisans

de Zelaya se comptent maintenant

par millions et, surtout, ils s’organisent

depuis maintenant deux mois. Un « Front

de résistance au coup d’Etat » rassemblant

toutes les organisations politiques,

syndicales et associatives des salariés,

des paysans et de la jeunesse du

Honduras s’est formé et dispose d’une

autorité croissante. Il organise des

actions quotidiennes contre le gouvernement

« de fait ». Avec les trois grandes

centrales syndicales, le Front a appelé à

la grève générale les 23 et 24 juillet

contre les putschistes.

Depuis cette date, la situation sociale et

politique s’emballe tous les jours davantage.

Le 25 juillet, le président Zelaya

tente d’entrer en territoire hondurien

avec ses partisans. L’armée ne l’a pas

laissé passer, mais n’a pas cherché non

plus à se saisir de lui, ce qui prouve que

le rapport de force n’a encore basculé en

faveur d’aucun des deux camps... Les

manifestations se multiplient fin juillet et

la violence de la répression semble enfler

jour après jour. Le 31, une grande manifestation

de la fonction publique gagne le

centre-ville de la capitale hondurienne et

un syndicaliste enseignant est assassiné

d’une balle en pleine tête. L’association

des disparus du Honduras annonce plusieurs

centaines de blessés et d’arrestations,

tandis que des violences de nature

sexuelle auraient eu lieu. Le 11 août, une

grande marche d’opposants au coup

d’Etat a permis la convergence de quatre

cortèges dans le centre de Tegucigalpa.

La répression ne s’est encore une fois pas

faite attendre.

D’après la mission du Comité pour

l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde,

alors qu’ils s’avançaient vers le Congrès,

les manifestants ont « subi de plein fouet

la violence policière: gaz lacrymogènes,

coups aux manifestants pris de panique,

arrestations arbitraires, etc. ». Les arrestations

de militants ont en effet été très

nombreuses et des dizaines de disparitions

s’ajoutent aux quatre morts du mois

de juillet. Depuis les derniers jours

d’août, la situation semble moins tendue

et les putschistes ont annoncé la tenue

d’élections en novembre pour légitimer

leur pouvoir. C’est là un piège dans

lequel le peuple hondurien ne saurait

tomber. En effet, Attac France a raison

d’affirmer que le régime de facto a décidé

“de jouer la montre jusqu’à une «

élection » présidentielle sur mesure, en

spéculant sur la lassitude de l’opinion

internationale et surtout sur la complaisance,

confinant à la complicité, de

Washington”.

Tous les militants ouvriers et socialistes,

ainsi que tous les démocrates, se doivent

de soutenir le retour du président Zelaya

et d’affirmer leur entière solidarité au

peuple hondurien. En Europe, nous

devons faire pression sur nos gouvernements

pour qu’ils coupent toutes les

aides au gouvernement des factieux et

qu’ils annoncent des sanctions drastiques

si le sang du peuple coule de nouveau.

Il est par exemple intolérable que le FMI

prête 160 millions de dollars au gouvernement

putschiste alors qu’il n’avait pas

hésité à les geler à la seconde où la politique

du président légitime prenait un

cours par trop défavorable aux intérêts

des grandes multinationales.

Il est de même intolérable que les Etats-

Unis n’aient pas bloqué les comptes bancaires

des putschistes sur leur territoire.

La solidarité internationale doit être à la

hauteur des enjeux, car ce n’est pas seulement

la démocratisation du Honduras

qui est en jeu, c’est également l’avenir du

processus révolutionnaire dans toute

l’Amérique latine. Face aux masses, le

passé puant du sous-continent frappe de

nouveau à la porte. Pas question de la lui

ouvrir.

Jean-François Claudon

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