GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Ne pas voter ce plan d’austérité, ce sera un honneur pour la gauche

Sur le marché de notre arrondissement, la distribution d’un tract de notre parti pour les élections européennes du 25 mai est un exercice assez riche d’enseignements : rien que le titre « l’austérité est une erreur en Europe » , par Martin Schulz, attire les plus vives réactions. Car nos concitoyens ne sont pas mal informés, ni sourds ni aveugles, ils ont un degré de culture politique élevé. Ils ont donc tendance à prendre pour une provocation que nous fassions, ici, voter une austérité extrême, 35 milliards pour le Medef et 50 milliards de restrictions sur la sécu, les collectivités, et le fonctionnement des services publics. Il faut faire l’exercice de distribuer ce tract, comment prétendre lutter contre l’austérité en faisant l’austérité ? On ne peut mentir à notre peuple, on ne peut le tromper à ce point. Il faut voir les effets que cela a sur le discrédit de la politique, sur le sens des mots, de la parole de la gauche.

Qu’est-ce qui nous oblige à rechercher 3 % de déficit maxima de budget ? Olli Rehn, cet intégriste finlandais non élu, qui n’a de comptes à rendre à personne, mais qui contrôle nos budgets, notre vie, notre santé, nos retraites, jusque dans nos foyers ? Pourquoi 3 % et pas 4 % ? D’où vient cette règle irrationnelle, absurde et arbitraire, inventée au doigt mouillé par des gourous libéraux ? Même les libéraux à Londres ont un déficit de 5,3 et à Washington un déficit de 6,3 ! Et nous, il faut retirer 12 ou 13 milliards de notre santé, alors que déjà 30 % de nos concitoyens hésitent à se soigner et que cela va aboutir a des reculs massifs, généralisés de la santé publique ? Dans six mois, il n’y aura pas de PQ dans les hôpitaux, les gens attendront des heures de plus et mourront dans les urgences ! Sans compter que la santé ce n’est pas seulement un prix, c’est une activité économique qui va reculer comme toute le reste.

Depuis 20 mois qu’aveuglément, on fait reculer avec acharnement les déficits, la dette augmente, les déficits sont passés de 5,3 à 4,3 et la dette de 85,9 à 94,5, presque 95, nous dit-on… Parce qu’il n’y a pas assez de recettes fiscales, parce que l’activité s’étouffe sous l’austérité, comme cela s’est passé partout, partout, partout en Europe ? Même le FMI en convient maintenant. Alors pourquoi s’obstine-t-on dans cette impasse ? Ça ne marche nulle part ! En Grèce, il y a eu 12 plans d’austérité et la dette est passée de 100 à 170. C’est un crime contre l’économie, la vie du peuple grec qui a eu lieu au nom de la stupide orthodoxie budgétaire qui règne par le fait de la troïka ? Il en va de même en Espagne, au Portugal où maintenant nos camarades socialistes appellent à une nouvelle union PCP-PSP-Bloc de gauche, de toute la gauche contre l'austérité et où Mario Soares lui-même appelle à une « révolution en Europe ».

On va donner 35 milliards au Medef en sacrifiant la branche famille. Pour qui ? Pour quoi ? Ils refusent toute contrepartie précise. Or avec 35 milliards on peut financer au moins, 1,5 million de très bons emplois publics. Le patronat n’accepte que d’en envisager à peine 150 000 dans le privé, dans ses meilleurs moments d’euphorie crispée. Le chômage augmente chaque jour, encore 11 700 en mars. On bat tous les records parce qu’on ne prend pas les mesures de salut public qui s’imposent : réduction du temps de travail, contrôle des licenciements. On s’est même fait retoquer par le Conseil constitutionnel, comme je l’avais prédit, en mettant en garde ici et auprès des ministres concernés, sur la loi de reprise, cession des entreprises.

Le patronat qui réclame 100 milliards, va encaisser ces 35 milliards, et ne se prive pas pour narguer notre gouvernement en bradant Alsthom, ce fleuron de notre industrie. Il nous fait un bras d’honneur, de façon typique : ils ont pillé 5 milliards de dividendes, et ils vendent. Ils jouent le défaitisme contre nos industries : va-t-on laisser faire ces liquidateurs délibérés ? On ferait mieux d’utiliser les milliards pour prendre des parts comme à Peugeot, ou pour nationaliser comme on aurait dû le faire à Mittal et Petroplus. Il y va de l’indépendance énergétique, et aussi de dizaines de milliers d’emplois ! Il faut combattre ce patronat qui n’est ni patriote, ni soucieux de l’intérêt général, mais soumis aux diktats de la finance : on l’abreuve en vain, on sait que ces milliards ne donneront rien, ils n’embaucheront pas car ça leur rapporte plus de spéculer dans l’économie casino que de produire dans l’industrie. Ça fait des décennies que ce genre de cadeaux aux entreprises où l’État paie les salaires à la place des actionnaires ne sert à rien ; la preuve c’est qu’on a 5,9 millions de chômeurs.

Comment va-t-on, par ailleurs, enlever 11 milliards aux collectivités territoriales 10 mois… avant les élections puis les fermer, les diviser, les dépecer, nos candidats étant obligés d’annoncer qu’ils partiraient en cours de mandat en fermant la lumière ? Ce n’est pas seulement une aventure indéfendable, mais une maladresse insigne, quasi provocatrice. On veut se suicider ?

Qu’on ne dise pas enfin qu’on fait des « gestes » pour les petites retraites ? Pourquoi ? Parce qu’on les épargne légèrement, temporairement, en gelant… le gel de leur hausse et en le repoussant d’un an ? S’il s’agit d’un geste de quelques centaines de millions pour faire passer la pilule amère de 35 + 50 milliards, cela n’a aucun sens. Ce qu’il faut, c’est hausser les retraites, qui ont tellement baissé depuis qu’on a allongé les annuités de cotisations obligatoires pour les obtenir à 63 et en fait à 66 ans – les gens ne peuvent d’ailleurs les atteindre et trainent au chômage, celui des seniors ne cessant d’augmenter !

Je ne défends pas le culte des déficits, mais celui des investissements, de la relance, de la hausse des salaires, de la stimulation de toute l’économie, de la santé, des services publics… Il ne faut pas voter ce « pacte de responsabilité » qui n’est d’ailleurs en aucune façon « un pacte ». Deux syndicats l’ont signé sur huit, et le texte est totalement factice, creux. Le tête-à-tête du Président et du Medef n’est pas sain. C’est le Parlement qui doit débattre, décider, diriger : il y existe une large majorité de gauche, rouge rose verte. C’est sur elle qu’il faut s’appuyer, pas sur une minorité qui, elle-même, a besoin de la droite. L’austérité est rejetée, elle est minoritaire dans notre électorat, dans le salariat, dans la gauche, dans le Parlement et même dans le Parti Socialiste. On n’a qu’à laisser les militants voter pour le vérifier.

Et si l’on veut contenir les déficits, il faut prendre l’argent là où il existe, chez les gros, pas chez les petits. Il faut des mesures exceptionnelles fiscales sur les 84 milliards de dividendes nets, sur les 80 milliards de fraude fiscale, sur les 330 milliards des 500 familles, sur les 590 milliards d’avoirs français dans les paradis fiscaux… Il faut faire contribuer les 1 % qui détiennent 25 % de nos richesses. Quatre banques françaises privées détiennent 400 % de notre Pib, et c’est à elles qu’on verse 45 à 50 milliards d’intérêts pour une dette qu’on ne remboursera jamais : on est chez Ubu. Il faut faire contribuer les 10 % qui possèdent plus de la moitié du pays, 60 % du patrimoine… Car c’est là qu’est la solution : mais, je sais, pour cela, il ne faut pas s’entourer de conseillers libéraux, riches, des grands groupes et des grandes banques, il faut les affronter ! C’est notre électorat qu’il faut écouter, ceux auxquels on tend la main avec des tracts conte l’austérité, pas les pressions et les chantages de l’oligarchie bancaire, rentière, financière, médiatique… Pourtant, nous la gauche, c’est aux aspirations de ceux « d’en bas » que nous devons répondre, pas à celles de « ceux d’en haut », qu’on fréquente sans doute trop.

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