GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Mouvement d'ampleur contre l'Université libérale

Depuis plusieurs semaines, la tension

montait dans les universités. Depuis

l'engagement des enseignants-chercheurs

dans la journée interprofessionnelles

du 29 janvier, les conditions

semblaient remplies pour un mouvement

d'ampleur dans les universités.

Celui-ci a débuté dès le 2 février, par

un appel à cesser les cours dans toutes

les facs. Depuis, la mobilisation ne fait

que croître.

L'origine du mouvement est à chercher

dans la réforme des Universités adoptée

l'année dernière par le Parlement,

appelée loi « LRU » (Libertés et responsabilités

des Universités). Cette loi

transforme très profondément le fonctionnement

des établissements d'enseignement

supérieur et de recherche,

dans un sens pour le moins libéral.

Ainsi, d'établissement public ayant une

part d'autonomie on est passé à des

établissements totalement autonomes

dans leurs financements, leur gestion

et leur fonctionnement.

Cela signifie très clairement, par

exemple, que si les enseignants-chercheurs

titulaires restent sous statuts de

fonctionnaire, leur recrutement passe

désormais totalement sous la responsabilité

des présidents d'université, qui

auront par ailleurs la totale liberté de

gestion de leur « masse salariale »,

action sociale comprise.

Dans un milieu déjà trop marqué, malgré

des garde-fous nationaux, par des

pratiques de favoritisme et de clans,

une telle réforme transforme les présidents

d'université, qui sont des

Professeurs élus à cette tâche, en véritable

« patron » d'entreprises

publiques, avec l'accentuation des

effets de côteries et d'affrontement au

sein de la communauté universitaire

pour accéder à une fonction donnant

autant de pouvoir.

Par ailleurs, le financement des universités

devient progressivement autonome.

Si l'Etat verse une part du budget,

les établissements devront créer des «

fondations » pour recueillir des fonds

privés, qui, à terme, seront les seuls à

réellement contribuer au financement

des travaux de recherche. Autant dire

que les « présidents-patrons » auront

vite fait de trier entre les recherches «

utiles » et les recherches « inutiles »,

entre ce qui peut servir aux industriels

financeurs et les rêveries des philosophes,

chercheurs en sciences

sociales ou en littérature et linguistique,

qui ont la fâcheuse manie d'être

souvent peu tendres avec la droite !

Le statut des enseignants-chercheurs

L'an dernier, cette réforme n'avait pas

suscité grande mobilisation chez les

enseignants-chercheurs, mais avait largement

contribué à celle des étudiants.

La stratégie qui avait été la leur, celle

du « blocage », avait cependant

conduit à l'impasse et à l'échec du

mouvement, puisque bloquer les université,

c'était d'une part avouer le

caractère minoritaire de l'action, et

ensuite se couper de toute perspective

d'élargissement. Sans compter, bien

sûr, que, dans les AG, la question en

débat n'était plus tellement la Loi LRU

elle-même que le blocage.

Ce qui a changé la donne à cette rentrée,

c'est que la plupart des enseignants-

chercheurs ont enfin compris,

par le biais d'un projet de réforme de

leur statut, ce que pouvaient être les

applications concrètes de cette « libéralisation

» de l'Université.

Ce projet de décret « module » les activités

des enseignants-chercheurs.

Chaque président d'université pourra

ainsi modifier, pour chaque maitre de

conférence ou professeur, la part de

temps qu'il consacrera à la recherche

et la part de temps qu'il devra consacrer

à l'enseignement. Evidemment,

l'augmentation de la part d'enseignement

sera considérée comme une «

sanction » pour ceux dont l'activité de

recherche aura été jugée insuffisante,

quantitativement ou qualitativement.

Ce qui, au regard du changement de

financement, revient à dire que les

chercheurs « utiles » pourront faire de

la recherche, les autres devant prendre

sur leur temps libre pour continuer à

travailler et publier.

L'épineuse question de la formation

des enseignants

A cette mise en œuvre claire de la loi

LRU s'ajoute un troisième point de

contestation de la politique gouvernementale,

celle de la réforme de la formation

et du recrutement des

enseignants des premier et second

degrés.

Après l'intégration des IUFM aux

Université, qui n'a pas suscité grand

intérêt si ce n'est de chapelle chez les

universitaires, Xavier Darcos a présenté

un projet nettement plus large sur la

formation des enseignants. Ce projet

comprend deux volets : l'élévation du

niveau de qualification, et la suppression

de l'année de stage.

Actuellement, les enseignants des

écoles, des lycées et des collèges sont

recrutés au niveau de la licence

(bac+3). Ils effectuent ensuite au sein

de l'IUFM une année de préparation

au concours de recrutement et, s'ils

l'obtiennent, ils ont une année de formation

en alternance sous statut de

fonctionnaire stagiaire, avec un salaire

lié à une part d'exercice et une part de

formation pédagogique.

La réforme prévoit le recrutement au

niveau du master (bac+5). Après une

première année de formation après la

licence, le concours serait passé pendant

la deuxième année de master, et

les lauréats affectés directement à

temps plein dans les classes.

Ce projet, mené à la hâte, suscite de

fortes divisions dans le monde syndical.

Il y a d'une part ceux qui y sont

opposés sur le fond, contestant la

nécessité d'une élévation du niveau de

qualification des enseignants. Mais la

principale fédération de l'éducation

nationale, la FSU, s'est elle prononcé

en faveur d'une telle élévation, dont

elle conteste cependant les modalités

pratiques (notamment la suppression

de l'année de formation) et le calendrier.

Pour les universitaires, cette réforme a

créé un front disparate. D'une part,

certains s'opposent sur le fond, c'est

notamment le cas de beaucoup de formateurs

issus des IUFM et des écoles

normales. D'autres s'inquiètent de

l'avenir de la recherche dans leur discipline,

les masters d'enseignement

étant des masters spécialisés, distinct

des masters de recherche, qui risquent

dans de nombreux cas, de péricliter,

faute d'étudiants. Cette question est

donc à la fois explosive et peut faire

obstacle à tout élargissement du mouvement,

et notamment aux convergences

avec les mobilisations dans

l'enseignement scolaire. 50 000

Manifestants à Paris le 10 février en

témoignent.

Daniel Marceau

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