GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Modem : la baudruche rend son dernier souffle

C’est en martelant qu’il était le seul capable de battre Sarkozy au 2e tour que les médias avaient, en 2007, gonflé le score de Bayrou pour lui permettre d’atteindre 18,57 % au 1er tour de la présidentielle.

Une baudruche gonflée

par les médias

L’importance du Modem dans les débats médiatiques entre les deux tours des municipales était inversement proportionnelle à ses résultats électoraux: 3,22% de voix au 1er tour.

Dans aucune municipalité, le Modem n’a été l’arbitre annoncé par les médias. Loin de se gagner au centre, les municipales comme les cantonales se sont gagnées à droite et (surtout) à gauche.

L’autonomie du Modem était, elle aussi, un mythe médiatique. Toutes les villes où la tête de liste Modem l’a emporté sont des listes Modem-UMP, Modem-majorité présidentielle ou Modem-Nouveau Centre.

Seule, la mise sous perfusion opérée par les droitiers du PS (Ségolène Royal, Vincent Peillon, François Rebsamen…) avait, jusque-là, empêché le Modem de sombrer dans un coma dépassé.

Une baudruche

petit à petit dégonflée

18,57% au 1er tour de la Présidentielle; 7,71% aux législatives; 3,22% au 1er tour des Municipales; la fuite de la majorité des 118 députés de l’UDF pour n’en laisser que trois au Modem; le maintien au sénat d’un groupe parlementaire commun au Modem et au Nouveau Centre, le lâchage de Jean-Marie Cavada : le chemin de croix de ces dignes représentants de la Démocratie Chrétienne aura été particulièrement amer.

Jusqu’à la passion finale: la défaite de Bayrou à Pau, battu par la liste d’union de la gauche. Une défaite qui ne laisse plus le moindre espace politique à Bayrou et à son parti.

Le député européen du Modem, Thierry Cornillet n’y croit d’ailleurs plus: “La stratégie de François Bayrou est suicidaire : il sacrifie ses élus pour une chimère présidentielle”. Le sénateur Jean Arthuis estime que les municipales ont montré “l’échec de la stratégie d’autonomie” du Modem, et vend la mèche en soulignant que “les seules élections de membres du Modem sont le fruit d’alliances avec des formations de droite”.

Toujours près

de l’assiette au beurre

Les Radicaux, avant la seconde guerre mondiale, étaient réputés «rouges à l’extérieur, blancs à l’intérieur et toujours près de l’assiette au beurre». Pour le Modem, il serait difficile de lui trouver la plus petite affinité avec le rouge mais impossible de nier sa proximité avec l’assiette au beurre.

Partout où il espérait glaner quelques places, le Modem s’est vendu au plus offrant, à gauche et surtout à droite. Ainsi, à Colombes, le candidat du Modem expliquait-il, sans la moindre gêne les principes qui l’avaient guidé à fusionner avec la droite: «Côté socialiste, il n’y avait pas d’offre sur la table» (Libération du 12/03/2008)

Le soi-disant «centre» a montré sa totale inconsistance. Il s’est aligné soit sur la droite (le plus fréquent), soit sur la gauche. A l’unique exception de Pau, il n’a jamais existé de façon autonome au cours des dernières élections municipales. La vie politique, en France, est polarisée entre la droite et la gauche, le «centre» n’existe pas. La preuve vient, une nouvelle fois, d’en être apportée.

Ce n’est pas au «centre»

que se sont gagnées

les élections municipales

et cantonales

Contrairement à ce que serinaient les médias, ce n’est pas au «centre» mais à droite et surtout à gauche que les municipales comme les cantonales se sont gagnées.

La gauche a gagné sans le «centre» et bien souvent contre lui: à Rouen, Alençon, Laval, Rodez.

A Paris, à Lyon, à Toulouse, la gauche n’a pas eu besoin du Modem.

C’est l’union de la gauche qui a entraîné la dynamique la plus efficace pour battre la droite: à Caen (56,26%), Strasbourg (58,33 %), Amiens (56,21%), Colombes (53,6 %), Reims (56,07 %). C’est, comme le soulignait Martine Lignères-Cassou après sa victoire à Pau, «la clarté et la transparence» qui ont été nos armes les plus efficaces.

L’utilité (autre qu’idéologique) pour le PS de s’allier au Modem à Dijon, à Lille ou à Montpellier n’a toujours rien d’évidente. La victoire était déjà largement acquise dans ces trois villes, sans cette compromission avec ce morceau de la droite qu’est le Modem. A Roubaix, d’ailleurs, un taux d’abstention record (60,5% d’abstention au 1er tour et 59,82 % au second tour) a marqué le mécontentement des électeurs de gauche confronté à cette alliance.

A Marseille, l’alliance avec le Modem et ses 5,54 % a découragé la mobilisation des quartiers les plus populaires. Elle a aussi porté préjudice au report des voix des électeurs de la LCR, notamment dans l’arrondissement décisif (le 3e) où le modem avait obtenu 6,3% des voix mais la LCR, 5,77 %.

La droite du PS voulait utiliser le Modem comme levier

pour transformer

le Parti Socialiste

Le but de la droite du PS était d’éviter le débat de fond sur le programme et de focaliser le débat sur l’alliance avec le Modem. Les conditions mises par le Modem à une telle alliance, auraient, ensuite, permis de justifier l’alignement du programme du PS sur celui du Modem.

La droite du PS aura maintenant plus de difficulté à refuser d’assumer le débat sur le programme et sur son objectif de « blairisation » du Parti Socialiste. Il lui sera plus difficile de refuser de discuter, à visage découvert, du partage des richesses, du pouvoir d’achat, des heures supplémentaires, des retraites, de l’assurance-maladie, de l’Europe libérale, de la libre circulation des capitaux…

La droite du PS aura d’autant plus de difficulté à éviter le débat de fond que la raison essentielle de la défaite de la gauche à l’élection présidentielle ne peut plus être niée : l’incapacité de Ségolène Royal à apporter une réponse convaincante à la question du pouvoir d’achat. Cette question est, en effet, au cœur des préoccupations des électeurs et c’est l’échec de Sarkozy, le président «du pouvoir d’achat», à tenir ses engagements qui lui a valu la double gifle retentissante des municipales et des cantonales.

Il lui faudra, également, discuter sérieusement des alliances et essayer de démontrer en quoi l’union de la gauche qui vient encore de faire ses preuves aux municipales et aux cantonales serait dépassée. Alors même que les résultats de la LCR (plus de 5 % dans 100 villes et plus de 10 % dans 30 villes) laisse peu de doute sur la radicalisation à gauche actuellement à l’œuvre.

La personnalisation du débat

Avec l’aide des médias, il reste à la droite du Parti Socialiste une dernière carte pour se protéger d’un débat de fond : réduire le débat à un affrontement de personnes et faire du prochain congrès du PS un nouveau congrès de Rennes où s’affronteraient les écuries présidentielles aux dépens des projets politiques.

Ségolène Royal a commencé à jouer cette carte. Elle ne sera pas la seule, les grandes manœuvres de personnalisation du prochain congrès vont s’amplifier.

La droite du Parti Socialiste fera tout pour ramener le débat d’idées à un débat de personnes tout en jurant, la main sur le cœur, qu’il faut un nouveau projet socialiste «cohérent, moderne, attractif». Elle sait pertinemment que dans un véritable débat d’idées, elle serait rapidement complètement à contre-courant de la grande majorité des adhérents.

La gauche du Parti Socialiste n’a pas d’autre choix que de s’unir pour imposer un véritable débat d’idées, un véritable débat sur le programme qui permettrait au Parti Socialiste de répondre aux exigences du salariat qui se sont manifestées avec force aux élections municipales et cantonales mais auxquelles la direction actuelle du PS n’apporte pas le plus petit début de réponse.

Jean-Jacques Chavigné

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