GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Mémoire Socialiste...

Le dernier ouvrage de Philippe Marlière, «La mémoire socialiste 1905-2007; sociologie du souvenir politique en milieu partisan», nous offre un voyage dans l’histoire militante du Socialisme Français, écrit à l’occasion du centenaire de la naissance de l’unité socialiste, et dans une période peu propice à la célébration de celle-ci; puisque occulté par les affrontements interne dû au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen.

Il était donc intéressant de se pencher sur le rapport qu’entretiennent le Parti Socialiste et ses militants à l’égard de notre histoire sociale. L’auteur nous fait découvrir, par approche originale, les changements sociologiques et politiques survenus depuis la jeune SFIO de Jean Jaurès et de Jules Guesde (les «deux méthodes» Novembre 1900) jusqu’au PS de «gestion responsable» de François Hollande, en passant par le discours de Léon Blum établissant une distinction entre la «conquête» et «l’exercice» du pouvoir et les rapports entre réforme et révolution (1926)... Identifiant les fondements de l’identité Socialiste et de la culture de gauche, il nous rappelle qu’à chaque cycle de refondation, le Parti a réaffirmé sa vocation de parti de rupture avec le capitalisme.

Cette fidélité des socialistes Français à la lutte anti-capitaliste a occasionné des discordances continuelles entre le verbe révolutionnaire et la pratique politique résolument réformiste. Si l’on ajoute à cela les inévitables divergences d’analyse politique sur les séquences historiques du siècle écoulé. Qu’elles soient heureuses comme la fondation de la SFIO en 1905, le Front populaire de 1936, ou plus douloureuse comme la période de l’occupation fasciste et la guerre d’Algérie, ou encore la regrettable parenthèse ouverte en 83...L’impossibilité du Parti Socialiste a effectuer une synthèse historique de son passé apparaît évidente.

Cette absence de rayonnement intellectuel dû à la déficience de structure de formation (et ce malgré les travaux intéressants réalisé par la Fondation Jean Jaurès et par l’Office Universitaire de Recherche Socialiste) rend difficile la constitution d’une mémoire collective intelligible et cohérente. Expliquant ainsi que la mémoire historique pèse d’un poids relatif et variable sur les membres d’un groupe, puisque relevant davantage d’un travail d’apprentissage et d’érudition individuelle. Et pourtant le poids de ce passé socialiste est bel et bien présent dans la mémoire vive des militants. L’histoire du parti étant broyée par les souvenirs militants et comprenant ainsi de fortes variations selon la géographie des groupes socialistes et aussi selon les générations. Démontrant s’il en était besoin la disparité ente les «anciens» de la SFIO et les militants post congrès d’Epinay. Les premiers abordent naturellement les grandes conquêtes sociales du Front populaire, cultivant ainsi volontiers la mémoire de l’ancien parti et de son fonctionnement. Pour les seconds l’attachement à la structure et à ses règles semblent plus secondaire, préférant valoriser une action politique concrète et une lecture pragmatique des valeurs socialistes traditionnelles par l’expérience Mitterrandienne.

Il apparaît que le cadre historique n’étant pas homogénéisé par le parti, la mémoire socialiste se construit plus naturellement par le biais des réseaux militants et du syndicalisme. Les premiers souvenirs politiques s’inscrivent bien souvent à travers les réseaux de sociabilité liés aux postes de travail, cette politisation acquise par les conditions de travail et au sein du syndicalisme structurant ainsi l’expérience partisane. D’autre part, il convient de souligner le rôle joué par les Jeunesses Socialistes non dans la formation politique de ces adhérents, mais plutôt en aménageant un réseau de sociabilité plus dense et soutenue que celui offert au sein du Parti Socialiste. Créant ainsi une réelle homogénéisation socioculturelle du groupe Socialiste. La transmission et l’héritage de notre passé étant assuré dans bien des cas par des individualités locales considérées par les autres militants comme «gardiennes» de la mémoire du groupe.

L’ouvrage nous invite clairement à poser le principe d’oralité de la mémoire collective, avec toutes les distorsions que cela induit selon les variables générationnelles, géographiques, socioprofessionnelles...

À la lecture de ce livre, il nous faut porter la réflexion sur les moyens que l’on se donne pour faire perdurer l’idéal socialiste et ainsi le préparer aux grands défis et aux grandes conquêtes sociales qu’impose aujourd’hui plus que jamais l’état de la société. Citons ici la Nouvelle Ecole Socialiste qui stipulait lors du Congrès de Rennes (mars 1990): «Les socialistes n’ont pas le droit à l’amnésie: elle conduit tout droit au gouffre dans lequel a sombré la SFIO. Ne plus se rappeler ses impasses revient à cautionner, sous prétexte de modernisation, les compromissions habillées aujourd’hui au nom du consensus.»

Yoann Rouvière

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