GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Mauvais coup contre la médecine du travail

Un projet de décret est encore dans les tuyaux chez Raffarin et Fillon.

C'est une forme de privatisation de la médecine du travail qui ne saurait être contrebalancée par le "pouvoir" donné à des organismes de nature paritaire comme les Cram, les OPPBTP, et les Aract;

En réduisant le contrôle social à des avis ou des informations, en remplaçant les diplômes des médecins du travail par des "habilitations" (donc en faisant disparaître peu à peu la spécialisation) en permettant le recours à des compétences y compris médicales non définies par l'employeur ou le service patronal, en réduisant le regard des inspections du travail, en supprimant l'avis conforme du comité d'entreprise, ce projet de décret confirme une forme de démantélement-privatisation des services de santé au travail déjà redoutée lors de "l'accord" du 13 septembre 2000.


Bien que le préambule insiste sur l'importance de la médecine du travail (dont on sait que la pénurie de médecin et de moyens en condamne déjà le fonctionnement réel dans les conditions réglementaires actuelles) il n'y aucun mot sur les médecins du travail dans le texte du décret lui-même. Même si on est nombreux à avoir un regard très critique sur la médecine du travail quantitative et sélective qui se pratique aujourd'hui, il y a de quoi être très inquiet sur cette destruction programmée, juste au moment où une majorité de médecin cherchent à définir une autre forme d'exercice face à la dégradation physique (TMS) et psychique croissante observée dans nos entreprises.


Un des slogans qui résumerait cette situation : " est-ce qu'on peut faire pire que la médecine du travail: oui, en la détruisant davantage".


Or la médecine du travail (comme la médecine scolaire) étaient le plus beau fleuron de la médecine préventive dans notre pays : à la source, dans le lieu de travail, en "conditions", on pouvait détecter maladies professionnelles et maladies tout court, ce n'était pas un gaspillage mais une économie dans nos dépenses de santé. Si peu à peu la médecine du travail a pris une réputation moins bonne, c'est en raison de l'absence de ses moyens, des limites de son indépendance. Elle devrait être un grand service public rénové, ou l'indépendance des médecins seraient garantis et ceux qui sont à la recherche des "économies de santé" y trouveraient largement leur compte, car son efficacité se révélerait, la détection des maladies à leurs origines et leur soin dans ces conditions, permettrait de larges succès de prévention.

PROJET DE DECRET PRIS POUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE L 241-2 DU

CODE DU TRAVAIL ET RELATIF A LA MISE EN ŒUVRE DE L'OBLIGATION DE

PLURIDISCIPLINARITE DANS LES SERVICES DE SANTE AU TRAVAIL

NOTE DE PRESENTATION

La protection de la santé et de la Sécurité au travail ainsi que la prévention des risques professionnels constituent un enjeu fondamental. Les défis à relever nécessitent et favorisent une approche pluridisciplinaire de la santé et de la Sécurité au travail, associant les dimensions médicale, technique et organisationnelle.

Une réforme de structure du système de santé au travail

La pluridisciplinarité, qui constitue une offre globale de prévention mise à la disposition des entreprises, concourt à une réforme de structure du système de prévention, qui va bien au-delà de la seule réforme - en cours - de la médecine du travail, même si, compte tenu du développement - unique en Europe - de la médecine du travail française. le principe de réalité commandé de s'appuyer sur l'ossature des anciens « services médicaux du travail » - devenus « services de santé au travail » - qui couvrent la totalité des entreprises et s'adressent à tous les salariés.

Ces deux chantiers - pluridisciplinarité et réforme de la médecine du travail - évoluent parallèlement mais ne doivent en aucun cas être fondus l'un dans l'autre.

L'objectif premier de la pluridisciplinarité reste 1e décloisonnement des approches et des acteurs, la promotion du travail en réseau.

Une obligation communautaire transposée par la loi du 17 janvier 2002

L'orientation des pouvoirs publics rejoint ainsi une obligation communautaire puisque la directive-cadre du 12 juin 1989 prévoit en son article 7, l'organisation de services de prévention des risques professionnels en entreprise.

La France, qui mesure toute l'importance du concept de pluridisciplinarité, s'est totalement conformée à l'obligation communautaire européenne par 1a loi du 17 janvier 2002.

La loi érige en effet la pluridisciplinarité en obligation. Elle fixe ainsi le cadre d'une réforme de structure de la santé au travail, engagée par la faveur des réflexions menées depuis plusieurs années par le gouvernement, et de l'accord interprofessionnel conclu par les partenaires sociaux, fin 2000.

Elle crée pour chaque employeur l'obligation de faire coïncider des compétences à la foi médicales, techniques et organisationnelles. Le choix opérationnel leur laisse de recourir à des compétences internes ou externes selon leurs besoins.

La traduction réglementaire de l'obligation de pluridisciplinarité

L'application effective de la loi

Le projet de décret a pour seul but d'assurer l'application effective (de l'article 193 de la loi du 17 janvier 2002 (codifié à l'article L 241-2 du code du travail), qui fixe un cadre précis et intangible au pouvoir réglementaire.

Une double préoccupation a donc guidé 1'action du gouvernement : garantir l'exigence de qualité posée par 1a loi tout en s'assurant. par des règles simples de la mise en œuvre concrète de l'obligation de pluridisciplinarité.

Le projet de décret définit ainsi - dans la forme - fa procédure à suivre en fonction des dispositions précises fixées - sur le fond - par la loi: il prévoit notamment la création d'un « guichet unique ». regroupant les organismes préventeurs au niveau régional, chargé de s'assurer - sur la base de critères déterminés par arrêté du ministre chargé du travail - de la qualité des personnes ou organismes appelés à exercer des compétence pluridisciplinaires.

Toujours dans ce même esprit de simplification, il est prévu que 1'habilitation ainsi délivrée ait une portée nationale.

Une mise en œuvre souple et ouverte

A partir du cadre ainsi fixé, le projet de décret organise les modalités du recours aux compétences pluridisciplinaires dans un double souci de souplesse et de simplicité: si la loi lie les entreprises quant aux résultats à atteindre, le projet de décret - conformément à la loi - leur laisse une réelle liberté quant aux moyens pour y parvenir.

Plusieurs possibilités sont offertes aux services de santé et aux entreprises pour satisfaire leurs obligations ; ils peuvent recourir à des compétences médicales par la voie de conventions, sur des objectifs précis.

Les compétences mobilisables sont - aux termes de la 1oi - de deux ordres :

  • les organismes préventeurs para-publics cités par la loi: les entreprises feront appel aux CRAM, aux ARACT et à l'OPPBTP au delà de leurs compétences de base, qui ne sont en rien affectées. Les missions actuelles des préventeurs restent inchangées: ils continueront d'apporter le concours de leur expertise - sur une base contractuelle - aux entreprises en vue d'un recensement de leurs besoins.
  • des personnes ou organismes habilités: la loi exige que les compétences de ces personnes ou organismes soient reconnues par les préventeurs précités. L'instauration d'une « habilitation » et d'un « guichet unique » répond â cette exigence,
  • recourir a des compétences internes par l'emploi permanent d'intervenants en santé au travail (IST) : ces intervenants sont recrutés au sein de l'entreprise ou du service de santé.
  • Les créations et suppressions d'emplois sont soumises, pour information, aux comités d'entreprise ou d' établissement ou aux organismes de contrôle mentionnés à l'article R 241-14 du de du travail. Les IST sont soumis à une procédure d'habilitation comparable, mais allégée.

  • combiner les deux systèmes
  • Autres dispositions du projet de décret

    Afin d'assurer la sécurité des intervenants, les organismes préventeurs ainsi que les personnes ou organismes habilités, ont un droit d'accès aux informations relatives aux risques sur la santé et la sécurité des travailleurs d'une part, et aux mesures et activités de prévention, d'autre part.

    Enfin. le projet de décret - qui entrera en vigueur un an après sa publication - prévoit que les SST organisent librement, en leur sein, la collaboration entre les compétences médicales, techniques et organisationnelles.

    Le Premier ministre,

    Sur rapport du ministre des affaires sociales. du travail el de la solidarité, el du Ministre de l'agriculture, de 1'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

    Vu la directive n° 89/391/CEE du Conseil des communautés européennes du 1 juin 1989

    Vu le code du travail, el notamment son article L 241-2

    Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. et notamment son article 193

    Vu l'avis du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels en date du

    Vu l'avis de la Commission nationale d'hygiène et de sécurité du travail en agriculture en date

    Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,

    Décrète

    Article 1 :

    Il est ajouté après l'article R 241-1 du code du travail les articles R 241 .1 à R 241-1-1 ainsi rédigés :

    Les services de santé au travail font appel aux compétences médicales, techniques et organisationnelles nécéssaires à la prévention des risques professionnels et à l'amélioration des conditions de travail par voie de convention ou par l'emploi d'intervenants en santé au travail.

    « II. Les conventions prévues au paragraphe précédent sont conclues par l'employeur qui administre le service de santé au travail ou le président du service de santé au travail inter-entreprises, soit avec les caisses régionales d'assurance-maladie, l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou les associations régionales du réseau de l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, soit avec des personnes ou organismes dont les compétences en la matière de prévention des risques professionnels, de sécurité ou de conditions de travail sont reconnues selon les modalités

    prévues à l'article R 241-1-4.

    " Elles déterminent notamment les conditions d'intervention en entreprise et les modalités de consultation des entreprises. »

    « .R 241-1-2 - Les conventions pré\vues à l'article R 241-1-1 sont conclues après avis, selon les cas, du comité d'entreprise ou d'établissement ou des organismes de contrôle mentionnés à l'article R 241-14.

    « Dans les services interentreprises administrées paritairement, elles sont conclues après avis du conseil d'administration.

    « art R 141-1.3 - Le comité d'entreprise de l'établissement ou les organismes de contrôle mentionnés à l'article R 241-14, sont informés des créations et suppressions d'emplois d'intervenants en santé au travail. » .

    « art. R 241-1-4 - I Les compétences des personnes ou organismes auxquels il est fait appel sont reconnues par un jury régional regroupant des représentants de la caisse régionale d'assurance maladie, de l'association régionale pour l'amélioration des conditions de travail et du comité régional de l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics.

    « II. Le jury prévu au paragraphe précédent délivre une habilitation aux personnes ou organismes désirant exercer des compétences techniques ou organisationnelles au sein des services de santé au travail. L'habilitation délivrée à une personne physique n'est pas soumise à renouvellement. L'habilitation délivrée à une personne morale a une durée de cinq ans renouvelable.

    « Le retrait de l'habilitation peut être sollicité auprès du jury compétent sur demande motivée de l'employeur qui administre le service de santé au travail, du président du service de santé au travail interentreprises, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou du directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

    « Le jury délivre l'habilitation sur la base de critères établis par un arrêté du ministre chargé du travail. Cet arrêté détermine le niveau des diplômes requis, l'expérience professionnelle nécessaire, les modalités de la reconnaissance des acquis professionnels ainsi que l'organisation et le fonctionnement des jurys.

    Art. R 241-1-5 - La demande d'habilitation est adressée soit à la caisse régionale d'assurance maladie, soit à l'association régionale pour l'amélioration des conditions de travail, soit au comité régional de l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics du lieu où le candidat a son siège et exerce son activité principale. Nul ne peut déposer plus d'une demande par an.

    « L'habilitation est valable sur l'ensemble du territoire national. »

    Art. R 241-1-6 - Pour l'exercice des missions des intervenants en santé au travail et pour l'application des conventions prévues à l'article R 241-1-1, les caisses régionales d'assurance maladie, les associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail les comités régionaux de l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, ainsi que les personnes ou organismes appelés à exercer des compétences techniques ou organisationnelles au sein des services de santé au travail, ont accès aux informations concernant les risques sur la santé et la sécurité des travailleurs d'une part et les mesures d' activités de protection et de prévention, d'autre part.

    Art- R 241-1-7 - les services de santé au travail organisent les modalités de la collaboration entre les compétences médicales, techniques et organisationnelles

    Article 2 : Les dispositions du présent décret entrent en vigueur un an après la publication du décret.

    Article 3 : Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pèche et des affaires rurales sont chargés. Chacun en ce qui le concerne de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française.

    Fait à Paris, le

    Par le Premier ministre

    Jean-Pierre RAFFARIN

    Le ministre des affaires sociales du travail

    el de la solidarité

    François FILLON

    Le Ministre de l'agriculture, de l'alimentation

    de la peche et des affaires rurales

    Hervé GAYMARD

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