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Marseille : un drame évitable à plus d’un titre

À Marseille, le 5 novembre, deux immeubles de la rue d’Aubagne – les numéros 63 et 65 – s’effondrent. Le lendemain, les secours abattront un troisième immeuble pour sécuriser les recherches. Des décombres les marins pompiers extrairont huit corps sans vie. Dans tout le centre-ville, c’est la stupeur.

La rue d’Aubagne structure le quartier Noailles, un quartier populaire historique du centre-ville. Établi en 2015 à la demande du ministre du Logement, le rapport de l’inspecteur général de l’administration du développement durable, Christian Nicol, avait défini un quartier, Noailles et cinq îlots, d’habitat indigne, menaçant ruine ou insalubre. Il chiffrait à 41 000 le nombre de logements indignes (13 % des résidences principales de la Métropole) pour une population de 100 000 habitants.

Dans ce rapport, une grande partie des immeubles de la rue d’Aubagne sont qualifiés d’« anciens qui rencontrent de graves difficultés structurelles ». Ce rapport ne tirait pas seulement la sonnette d’alarme, il formulait de nombreuses préconisations pour résorber ce parc de logements indignes. La municipalité et les services de l’État n’en ont guère tenu compte.

Entre incompétence et inertie

Au lendemain du drame, le maire LR de Marseille, Jean-Claude Gaudin, déclarait ne rien regretter. Quelques jours plus tard, devant le tollé suscité par ses propos, il corrigeait : « On n’a sans doute pas assez fait contre l’habitat insalubre ». Bel euphémisme !

Dans une note confidentielle de septembre 2018 rendue publique par Le Monde le 9 novembre, l’Agence Régionale de Santé (ARS) écrivait : « Les propriétaires se sentent intouchables car intouchés par la ville. Quant au Service communal d’hygiène et de santé (SCHS), ses effectifs étaient jugés insuffisants et incompétents, voire inactifs ». En 2016, au lendemain de la publication du rapport Nicol, son « activité » n’avait donné lieu à aucun arrêté préfectoral d’insalubrité.

Ces logements indignes pallient tout simplement le déficit de logements sociaux. Ils sont loués, souvent sans bail, à des populations qui ne peuvent accéder au parc privé classique faute de revenus suffisants, de garanties etc. Le faible taux de logements sociaux dans le centre-ville (14,72 %) pour l’arrondissement concerné est bien en deçà des 25 % attendus. Seulement 7 % de ces logements sont, en outre, accessibles aux familles les plus démunies. Une goutte d’eau !

Promesses non-tenues

Dès 2002, Marie-Noëlle Lienemann, alors secrétaire d’État au logement du gouvernement Jospin, avait signé avec la ville de Marseille un protocole visant cette résorption. Elle note, dans son blog, ne pas savoir exactement les effets produits.

En 2008 et 2017, de nouveaux protocoles ont été signés par les mêmes institutions. Trois protocoles pour bien peu de résultats si l’on en croit le rapport Nicol et la note de l’ARS. Pourtant dans d’autres villes (Paris, Saint-Denis notamment), ces documents ont donné lieu à des actions financées par l’ensemble des acteurs du logement et les résultats sont probants.

Mobilisation citoyenne d’ampleur

Le lendemain du drame, un collectif de citoyens s’est constitué avec deux objectifs principaux. En premier lieu, apporter aux sinistrés ou aux habitants évacués par mesure de précaution (1 100 personnes à ce jour) un réconfort tant moral que matériel. Ensuite organiser une riposte politique à l’inaction chronique des autorités municipales en organisant deux manifestations qui ont rassemblé près de 10 000 personnes chacune.

Le collectif a élaboré une plateforme revendicative articulée autour d’exigences en termes d’aide d’urgence aux sinistrés comme en termes de politique du logement et de résorption de l’habitat indigne à Marseille.

Un logement digne pour chacun !

Les solutions sont bien connues. Elles étaient d’ailleurs fort bien détaillées dans le rapport Nicol.

- Réorganiser le SCHS avec des agents formés et systématiser la mise en demeure des bailleurs et l’application de la procédure de « travaux d’office ».

- Rénover le parc privé en incluant la lutte contre les passoires thermiques (dans le cadre de la « Programmation pluriannuelle de l’énergie »). D’importants moyens financiers peuvent être dégagés. Pour mémoire, la Région, à majorité LR depuis 2016, a réduit de moitié ses participations et supprimé les subventions directes aux bailleurs sociaux en 2018.

- Construire des logements sociaux dans les arrondissements du centre ville en mettant en œuvre une politique systématique de rachat par la ville et les organismes publics qui lui sont associés. Un objectif chiffré à moyen terme comprenant un fort taux de PLAI à destination des populations à revenus très modestes serait un premier pas.

À n’en pas douter, la lutte contre l’habitat insalubre sera un des thèmes essentiels de la prochaine campagne municipale à Marseille.

Cet article de notre camarde Philippe Batoux est à retrouver dans le numéro de décembre de la revue de de la GDS : Démocratie&Socialisme de décembre 2018.

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