GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

« Mama coca »

Un documentaire de François Badaire, passé sur France 0 permet de mieux comprendre ce qu'est la « coca », cette feuille qu'on mâche dans les Andes, qui fait des médicaments et des tisanes dans le monde entier, et que Coca-Cola achète en secret pour confectionner sa célèbre boisson... (dans le documentaire, diffusé trois fois au cours du week-end des 7 et 8 janvier sur les chaînes Tnt et satellite, et qui devrait trouver sa place sur des grandes chaînes, on trouve la trace de 175 tonnes achetées par Coca Cola à une société dans le Chapare).

Des millions d'indiens ont mâché depuis des siècles la feuille de coca, utile en altitude et nutritive : riches en vitamines et en minéraux, elle sert traditionnellement à guérir des maux comme la dysenterie et le mal des montagnes. L'université Harvard a établi que 100 grammes de coca bolivienne suffisaient largement à satisfaire les besoins journaliers en calcium, fer, phosphore, vitamines A et B2. Contrairement à la croyance populaire, le coup de fouet que procure cette plante ne vient pas de son 0,5 % de cocaïne - qui est en fait détruit par la salive dans le tube digestif - mais de la transformation de ses hydrates de carbone en glucose et de son effet stimulant sur l'appareil respiratoire. C'est l'homme blanc qui a réussi à extraire les 0,5 % de cocaïne, l'alcaloïde que contient la coca, à la fin du XIXe siècle.

En France, le « vin Mariani » à base de coca eut un grand succès à partir de 1863 et a inspiré John Pemberton, puis Asa Candler, inventeurs du Coca-cola...

Depuis 1986, Ronald Reagan a déclaré la guerre à la drogue, en particulier à la cocaïne. Produire la feuille de coca est alors un délit. Entre 1986 et 1991, 2,2 milliards de dollars ont été dépensés par les États-Unis pour éradiquer cette culture dans les trois principaux pays producteurs (Équateur, Colombie et Bolivie). Des trois objectifs du plan initial, promouvoir la démocratie, favoriser un développement économique local et mener la guerre militaire contre la drogue, seul le dernier a véritablement été poursuivi. En Bolivie, la production de coca n'est actuellement autorisée que sur une surface réduite de 13 000 hectares, suffisante selon les « experts », pour fournir le marché local (tisane et consommation traditionnelle de feuilles) et... la firme Coca-cola. Tous les hectares supplémentaires doivent être détruits, des commandos entraînés par les Usa, à coups de violations des droits de l'homme, ont poussé les populations à bout, Evo Morales a vu son immunité parlementaire levée en 2002 pour avoir osé y résister. (lire « Campagnes solidaires » n° 161, mars 2002, mensuel de la Confédération paysanne).

Bush et le département d'état américain présentent la « coca » sous l'angle unique du combat contre la drogue : sans créer des conditions saines d'exploitation de cette plante, ils nuisent aux combats des syndicats de paysans, eux-mêmes anciens mineurs, déjà chassés des mines d'étain, et qui n'ont plus que cette ressource pour survivre (35 000 familles concernées). Les plans d'éradication forcée, militaires de la culture de la coca ont ruiné sans alternative des milliers de paysans.

« Zéro cocaïne » ne veut pas dire « Zéro coca » explique pédagogiquement Evo Morales. L'usage de la coca ce n'est pas la drogue. Evo Morales, d'abord président du syndicat des producteurs de coca, est ainsi contraint de se défendre de la désinformation massive à ce sujet, (cf. Le Monde qui dés 2002 rapporte que l'ambassadeur des Usa à La Paz traite Evo Morales de « Ben Laden andin ») et demande un statut de la culture du coca, négocié au niveau international et sous contrôle de l'Onu.

Evidemment les déforestations, les pollutions chimiques multiples créées par le développement et la transformation sauvage (70 000 hectares, 60 000 tonnes en Bolivie, davantage au Pérou et en Colombie) de la coca sous l'impact de la demande de drogue illégale venue surtout des Usa, demandent des reconversions agricoles, et pas seulement des éradications militaires. Alors que les Usa représentent 5 % de la population mondiale ils appellent et consomment 50 % de la cocaïne produite Selon l'UNODC, (agence de l'Onu contre la drogue et le crime) ce n'est pas un problème d'abord bolivien, ni péruvien, ni colombien : "la demande oriente la production" et "le problème mondial que pose la cocaïne ne sera pas réglé à moins que les pays consommateurs ne réduisent la dépendance."

Gérard Filoche

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