GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Economie Théorie Histoire

Mais qu'ont donc fait les députés socialistes au parlement européen ?

Sur internet, on nous bassine avec

les votes des députés socialistes

européens qui auraient trahi en

permanence en votant avec les autres

élus du PSE contre les services publics,

Edf, Poste, etc. C’est la vieille rengaine

des socialistes qui ne seraient que des

sociaux-traîtres… C’est faux bien sûr,

mais encore faudrait-il prendre la peine

de s’informer dans les détails, exemples

à l’appui, dans des domaines comme la

libéralisation des marchés européens de

l’énergie, la libéralisation de la Poste, ou

la cogestion PPE-PSE du Parlement

européen… Revenons sur chacun de ces

dossiers, afin de vous expliquer notre

position.

785 députés en majorité

de droite, hélas…

Le Parlement européen compte aujourd’hui

785 députés. Le groupe le plus

important au Parlement européen, le

PPE, compte 288 députés. Les socialistes

européens sont 216. Aucun groupe ne

peut, par conséquent, imposer son point

de vue aux autres. Le système de vote

contraint donc le rapporteur (qui est aussi

parfois issu de la GUE) et la formation

politique à laquelle il appartient à

construire des coalitions et à la négociation

de compromis lors de l’élaboration

des textes. Si l’on veut élaborer des

textes à transposer dans l’ensemble du

territoire de l’Union, il faut avoir créé au

préalable un niveau de consensus suffisamment

large. Il faut envisager l’élaboration

de textes au Parlement européen

comme une négociation collective : on

avance des amendements et l’on cherche

à infléchir le texte en fonction d’un rapport

de force, mais à la fin on parvient à

un accord, afin d’éviter toute paralysie.

Bien sûr, les français d’IND-DEM ou de

la GUE ne connaissent pas grand-chose

de ce véritable travail parlementaire :

Philippe de Villiers, Paul-Marie Couteau,

Patrick Louis ou Jacky Henin n’ont

jamais été rapporteur lors de la législature

écoulée. L’Europe, en l’état, est un

outil qui peut être de droite ou de gauche,

comme le rappelle Alain Lipietz.

Malheureusement, une majorité

d’Européens ont voté pour la droite en

Europe, à chacune des élections nationales

et lors des élections européennes.

C’est dans ce contexte que les socialistes

français et européens travaillent pour

limiter les dégâts, comme lors de la

directive Services, que nous avons colossalement

réécrite. Entre autres, nous

avons obtenu l’exclusion des Services

Sociaux d’Intérêts Généraux. Ce qui est

amusant, c’est que nos critiques glorifient

cette proposition de directive-cadre

sur les services publics, en omettant de

préciser d’où elle vient : elle a été rédigée

par les socialistes français, avec les

représentants de l’ensemble des syndicats

en Europe. Nous luttons avec force

pour qu’elle soit reprise par la

Commission européenne. Mais il faudrait

une majorité clairement à gauche permettra

de la faire avancer.

Sur le 3e paquet énergie…

La problématique énergétique recouvre à

la fois une dimension interne (accès,

prix, droit des consommateurs), externe

(sécurité et diversification de l’approvisionnement)

et globale (changement climatique).

Lors des négociations sur le 3e

paquet énergie, les Socialistes français, à

l’unisson des organisations syndicales, se

sont opposés à un modèle unique pour

l’ensemble des entreprises énergétiques

européennes, la «séparation patrimoniale

». L’accord conclu à l’issue des négociations

de deuxième lecture nous donne

raison. La troisième voie – que nous

avons arrachée - est un effort réalisé

contre la séparation totale

production/réseaux et le démantèlement

des groupes énergétiques intégrés. Ce

troisième paquet énergie n’oblige nullement

la France à baisser sa participation

dans EDF (l’Etat reste aux alentours de

85 % de participation). Ces dernières

années, les choix du gouvernement français

concernant EDF (passage d’EPIC à

SA) et GDF (mariage avec Suez) sont

antérieurs à cette directive, et ne lui sont

en rien imputables, ni à l’Europe.

Avec l’ensemble des socialistes européens,

nous avons aussi obtenu des dispositions

pour faire face à la pauvreté

énergétique et pour imposer une solidarité

européenne. Par exemple, les États

membres devront garantir le service universel

à des prix raisonnables et non discriminatoires

pour tous les foyers et les

petites entreprises ; sur ces questions, la

législation européenne va beaucoup plus

loin que la législation française, qui ne

définit pas aussi strictement les obligations

de services publics en faveur des

plus démunis. Pour assurer dans les faits

la solidarité européenne, nous avons voté

la densification des interconnections

transfrontalières pour parer aux blackout

électriques ou aux affaiblissements

provisoires de flux gaziers. Enfin, nous

avons défendu une transition vers des

énergies plus propres afin que l’Europe

tienne les promesses de Kyoto, et soit

aussi en position d’impulser les engagements

de demain (Copenhague…).

Sur la Poste…

Le Parti Socialiste lutte avec l’ensemble

des socialistes européens pour garantir

un ensemble uniforme de conditions de

fonctionnement et de critères qualitatifs

des services publics lors du parachèvement

du marché intérieur. Lors du vote

du Rapport Ferber, le 11 juillet 2007, sur

la libéralisation du marché postal, le

Parlement Européen a aboli le domaine

réservé (monopole du courrier de 0 à 50

grammes). En première lecture, les

socialistes européens étaient parvenus à

préserver ce domaine réservé (le monopole).

Une majorité du groupe PSE a

finalement voté en faveur de la suppression

du « domaine réservé » et, effectivement,

le PS, avec d’autres socialistes

comme ceux des deux délégations

belges, ont préféré marquer leur opposition.

Pour autant, le PSE dans son

ensemble s’accorde à dire que le service

postal est un outil aux services de la

cohésion sociale et territoriale, et il est

évident que le marché seul ne saurait

assurer un service quotidien sur l’ensemble

du territoire européen. C’est

pourquoi, bien que libéralisé, le marché

postal sera soumis, grâce aux députés

européens socialistes, à une obligation de

service universel financé par les Etats

Membres. Les socialistes européens veulent

protéger un service garantissant la

cohésion économique et sociale à un prix

abordable, sur l’ensemble du territoire.

Nous avons aussi arraché des avancées

pour l’accès gratuit au service en faveur

des aveugles et l’introduction de dispositions

non discriminatoires dans l’établissement

du service universel.

La «cogestion»

au Parlement européen…

Pour dénoncer la prétendue connivence

entre PPE et PSE, nos critiques se servent

d’une étude largement erronée, et à

dessein, des villiéristes…

Nous conseillons vivement d’utiliser le

site votewatch.eu, qui a été réalisé par

l’Université Libre de Bruxelles (libre car

laïque, et non pas parce qu’elle serait

soumise aux mains du privé) et la

London School of Economics. Ce site

rassemble les données sur les 6149

appels nominaux - parmi les 3061 rapports

et les 57 795 amendements votés -

dans la législature qui s’achève. Plus

sérieux que les 535 votes étudiés par les

villiéristes…

Cette étude apporte des réponses très

intéressantes à plusieurs questions.

Quelle est la coalition qui « cogère » le

plus fréquemment le Parlement européen?

c’est celle qui rassemble le PPE,

l’UEN (Pour l’Europe des Nations),

l’ALDE (les libéraux), le PSE, les Verts et

la GUE (les communistes), dans 13,22%

des votes de l’ancienne législature !

La deuxième coalition la plus fréquente

reprend les mêmes, et voit se joindre le

groupe Indépendance et Démocratie

(Villiéristes), dans 12,47 % des votes.

On peut étudier les votes dans tous les

sens : c’est bien simple, il n’y a jamais de

« coalition » qui regroupe uniquement

PSE et PPE ! Sauf à vouloir défendre un

« Tous pourris » nauséabond qui intègre

les Verts ou la GUE, il faut s’intéresser

aux détails des votes et du fonctionnement

du Parlement européen…

Pourquoi de telles coalitions, droite,

socialiste, libéraux, communiste et

verts ? Nombre de textes votés au

Parlement européen sont des harmonisations

de normes techniques (inscriptions

et marquage sur le flanc des pneus, taille

des bus). Il faut bien voir que l’essentiel

de l’activité normative (législative) du

Parlement européen et du Conseil des

ministres relèverait, en France, du pouvoir

réglementaire, c’est-à-dire du gouvernement.

Pas de sujets clivant à l’horizon…

D’autres textes, comme les résolutions

et les rapports d’initiative, visent à

faire entendre la voix du Parlement européen

  • celle des citoyens - face aux deux
  • autres Institutions, la Commission et le

    Conseil. Le principe de responsabilité

    amène tous les partis – la GUE aussi dans

    plus de 50 % des votes ! – à voter avec la

    majorité, même quand un texte ne reflète

    pas son unique point de vue (785 députés,

    27 Etats membres, de très nombreux

    partis : il faut faire avec).

    Quand on pioche dans les 57 795 amendements

    de la dernière législature, on

    tombe effectivement sur des drôles de

    connivence : le 22 mai 2005, nous avons

    déposé et voté l’amendement 6 au rapport

    sur les Grandes orientations des

    politiques économiques. Cet amendement

    clé appelait à une réforme du Pacte

    de Stabilité pour qu’il intègre l’objectif

    de croissance, et pas seulement de stabilité.

    L’UMP, le Modem et le PCF ont voté

    contre, avec l’ensemble de la droite européenne.

    Seuls les Verts nous ont soutenus…

    Des votes de la GUE avec le PPE, il y en

    a beaucoup ! Relèvent-ils pour autant de

    la connivence ? Il y a des fois où cela

    crée scandale comme lorsque quand l’extrême

    gauche a anéantit par « purisme »

    l’espoir d’une Taxe Tobin... c’était dans

    la législature 1999-2004 ! Mais l’extrême

    gauche ne veut pas jouer le jeu en

    tentant d’exerçer une influence au

    Parlement européen par sa présence et

    son travail. Non, elle est là pour dénoncer

    en bloc ce qui existe et appeler à une

    autre Europe. Avec qui, comment, avec

    quels objectifs, quel programme, quelle

    majorité, quels regards sur les élus qui ne

    partagent pas leur opinion, avec quelle

    partie de la population, et quel sort pour

    les autres ? Pas de réponse, malheureusement.

    Mais il ne faut pas nous donner de

    leçons alors !

    Par contre, il y a des dizaines de votes

    clivant entre le PPE et le PSE, sur des

    sujets importants, qu’on ne peut pas

    omettre ; en voici quelques uns :

    1) Confrontation sur le congé de

    maternité :

    lors de la dernière session

    plénière du Parlement européen à

    Strasbourg, la droite a demandé et voté

    en faveur du renvoi en commission parlementaire

    du rapport de la socialiste portugaise

    Edite Estrela sur la proposition de

    directive concernant la mise en œuvre de

    mesures visant à promouvoir l’amélioration

    de la sécurité et de la santé des travailleuses

    enceintes, accouchées ou

    allaitantes au travail. A cause des droites

    européennes, le Parlement a approuvé le

    report du projet, pour mieux l’enterrer

    après les élections…

    Les modifications qu’introduisaient la

    présente proposition portaient, notamment,

    sur l’extension de la durée minimale

    du congé de maternité, de 14 à 18

    semaines ; sur le principe d’une rémunération

    équivalente à un salaire complet ;

    sur l’établissement de conditions de

    sécurité et de santé sur le lieu du travail

    et sur l’interdiction de licenciement.

    2) Opposition à la politique d’immigration

    de la droite :

    le cas de la

    « directive retour ». Lors du vote final,

    le PPE a très largement voté pour le texte

    (mis à part la délégation britannique qui

    s’est abstenue et deux membres isolés

    qui ont voté contre), alors que le PSE a

    dans sa majorité voté contre ce texte.

    Rappelons que ce texte vise à encourager

    le «retour volontaire» des immigrants

    illégaux et établit une durée de rétention

    pouvant aller jusqu’à 18 mois et introduit

    une interdiction de retour dans l’UE de

    5 ans pour les personnes expulsées, voire

    davantage si la personne représente une

    menace «sérieuse» pour la sécurité

    publique. En ce qui concerne les

    mineurs, ils ne seraient détenus « qu’en

    dernier recours ».

    Que ce soit sur des sujets comme le

    temps de travail (Rapport Cercas, socialiste

    européen, sur les question de l’opt

    out, le choix entre l’europe des 65 h maxi

    ou des 48 h maxi), le temps de travail

    pour les conducteurs routiers, la directive

    cadre contre toutes les formes de discrimination,

    l’exclusion des services

    sociaux de la Directive service, les

    Comités d’entreprises européens, les

    objectifs de la politique de développement

    ou la politique monétaire de la

    BCE, nous nous sommes systématiquement

    opposés aux propositions du PPE.

    Le 7 juin prochain, il y a un seul enjeu :

    donner les moyens à un groupe politique

    et son parti responsable et organisé au

    niveau européen d’être un contrepoids

    plus efficace face à la droite, qui restera,

    hélas, au pouvoir dans une majorité

    d’Etats membres ainsi qu’à la

    Commission européenne après ces élections.

    L’enjeu, c’est programme contre

    programme : celui du PSE est totalement

    différent de celui du PPE et de l’UMP.

    L’enjeu suivant, c’est que toutes les

    forces de gauche se retrouvent dans l’ensemble

    des Etats membres pour renverser

    la droite.

    Pour cela, il faut que les attaques stériles

    sur le mode « les socialistes sont des libéraux

    déguisés » cessent au sein même de

    la famille de gauche qui aspire à gouverner

    pour changer la société.

    Document PDF à télécharger
    L’article en PDF

    Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




    La revue papier

    Les Vidéos

    En voir plus…