GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

M. Fillon a entrepris sous la pression du Medef de déréglementer le droit du travail

On croit qu'en proposant le principe des « accords majoritaires » dans les négociations sociales, M. Fillon fait un geste « progressiste » : pas du tout ! Cela lui sert à masquer le problème de fond de la représentation syndicale, à remettre en cause la hiérarchie des sources de droit du travail, à en finir avec le « principe de faveur ».

Pouvait-on attendre autre chose de M. Fillon ?

Non, car c'est l'homme politique qui, depuis qu'il est ministre du travail s'appuie sur des « accords minoritaires » (Edf, retraites, intermittents…) qui a cassé délibérément et honteusement des accords majoritaires (exemple : le choix dramatique de casser l'accord majoritaire des hôtels commerces restaurants en décembre 2002), (cf. texte joint sur les lourdes conséquences de cette abrogation de l'accord dans la restauration) qui a refusé de négocier et d'entendre les syndicats minoritaires (Unsa, Groupe des dix, Fsu…), qui prône le recul social (retraites, Sécu…) moins de loi, moins d'ordre public social, moins de droit du travail, (suspension sine die de la loi de modernisation sociale afin de faciliter les plans sociaux, commission de Virville pour « nettoyer » le Code du travail) et qui cherche à flatter d'abord le Medef.

Le nouveau projet de loi Fillon sur une « prétendue démocratie sociale » fait l'unanimité contre lui :

  • La CGC par la bouche de son président, Jean-Luc Cazette a claqué la porte à François Fillon en l'accusant de "faire voler en éclats tout un mode de fonctionnement et de régulation sociale qui concerne plus de 15 millions de salariés français". (cf, texte joint de la déclaration incendiaire de la Cfe-Cgc)
  • Maryse Dumas, de la Cgt a dénoncé les méthodes du ministre en quittant la réunion : "Le plus dangereux dans ce texte repose dans le fait de permettre aux entreprises de déroger aux accords de branches, ce qui risque de donner aux employeurs le droit de faire un peu ce qu'ils veulent",
  • Même la Cfdt a dénoncé un risque de contournement "d'accords de branches que nous avions précédemment négociés", selon Michel Jalmain.
  • Fo, de son coté, a accusé le gouvernement de vouloir "tout casser pour faire l'inverse de ce qui existe". Concernant la possibilité de déroger à certains textes, FO estime que "l'ordre public social se transforme en une notion négociable".
  • Le patronat feint de contester lui aussi le texte de François Fillon, mais par tactique : il trouve que le projet ne va pas assez loin. "Le gouvernement picore. Il prend ce qui l'intéresse. Il écarte ce qui ne lui convient pas", a déclaré le porte-parole du Medef Denis Gautier-Sauvagnac en quittant la réunion. "Ce qu'il faut, c'est qu'on puisse négocier à tous les niveaux", a-t-il ajouté. (Pardi…)

    Déroger au code du travail ? Ne plus avoir d'ordre public social ?

    Le patronat veut que les entreprises puissent négocier des textes, non seulement en ne tenant pas compte des accords de branche, mais ayant la possibilité de déroger au Code du travail, c'est-à-dire aux lois de la République.

    Le projet de loi Fillon prévoit notamment, d'instaurer la règle de l'accord majoritaire dans les branches, c'est à dire qu'un accord ne pourra être validé que s'il est approuvé par une ou des organisations représentant plus de la moitié des salariés.

    (Mais François Fillon a piétiné le 7 janvier dernier le vote majoritaire des salariés Edf qui refusaient l'accord d'entreprise qu'on voulait leur imposer !)

    En cas d'absence de délégué syndical dans une entreprise, le projet de loi prévoit la possibilité d'autoriser des représentants du personnel ou un salarié mandaté par une organisation syndicale à négocier et conclure des accords.

    (Ce qui revient, sous couvert de démocratie sociale, à contourner le syndicat, nombre de mandatés, l'étant… par l'employeur. Les « mandatés » n'ayant pas les mêmes droits que les Délégués syndicaux sont plus vulnérables, moins formés.)

    François Fillon souhaite également que le gouvernement s'engage solennellement à renvoyer tout texte susceptible de modifier les règles sociales à la négociation interprofessionnelle avant la rédaction d'un projet de loi.

    (Quel hypocrite ! Car il s'est bien gardé, il a même refusé explicitement de négocier son projet de loi sur les retraites !)

    Face à la réaction des partenaires sociaux, M. Fillon a reconnu mardi après-midi à l'Assemblée nationale que son texte "est un compromis qui n'est pas parfait", puisqu'il "fait l'équilibre entre des positions qui sont extrêmement contradictoires".

    Le projet de loi doit pourtant être présenté en conseil des ministres d'ici la fin du mois de novembre.

    A l'inverse, nous socialistes devons présenter une alternative en matière de démocratie sociale :

    1°) re-examen des critères de représentativité des organisations syndicales qui est resté figé depuis 1945 et l'arrêté de 1966 :

    Un des 5 critéres prévus au Code du travail pour qu'une organisation syndicale puisse bénéficier de la présomption irréfragable de représentativité est « son comportement dans la résistance ». Depuis 1966, il n'y a que cinq organisations syndicales qui en bénéficient : Cfdt, Cftc, Cgt, Cgt-Fo, Cfe-Cgc.

    Ainsi sont écartés l'Unsa, la Fsu, le groupe des dix, Sud, etc..

    La démocratie élémentaire exige qu'on fixe de nouveaux critères de représentativité : sur la base des élections professionnelles, prud'homales, et à la Sécurité sociale. Par exemple, à partir de 3% des voix.

    2°) une fois réinsérés dans le jeu démocratique toutes les réalités du mouvement syndical, alors le principe des « accords majoritaires » s'impose. Un syndicat minoritaire ne peut engager la majorité des salariés dans la signature d'un accord. Le « droit d'opposition » qui existe, est insuffisant car limité dans son exercice : il devrait être élargi, facilité dans la procédure.

    Mais la règle la plus évidente est d'encourager à ce que les syndicats se groupent pour obtenir une majorité qui engage les salariés. Un accord pour être valable juridiquement doit être signé par une majorité de syndicats représentant une réelle majorité de salariés. (Ces majorités peuvent s'identifier par tous moyens : élections professionnelles, consultations ad hoc mises en place par les syndicats, etc.).

    Pas seulement par la signature de trois syndicats (sur cinq)… qui peuvent être minoritaires, mais par la signature de syndicats majoritaires au niveau interprofessionnel quand c'est à ce niveau, ou dans le secteur, la branche, l'entreprise concernés quand c'est à ces niveaux.

    3°) Il existe une hiérarchie des sources de droit : les lois de la République l'emportent sur le marché.

    Dans le Code du travail, un certain nombre de lois sont dites « d'ordre public social », elles concernent notamment le Smic, le paiement des salaires directs (net) et indirects (brut, cotisations sociales), la durée du travail, les droits syndicaux, l'application des conventions collectives, la lutte contre les discriminations, l'hygiène, la sécurité…

    Tout salarié est « subordonné », c'est ce qui caractérise son contrat de travail. Lequel n'est donc pas « négocié » à égalité de droit. Le Code du travail n'est donc qu'un ensemble de contre-parties à cette subordination, à cette inégalité de droits dans le contrat de travail.

    Il y a des lois qui l'emportent, qui encadrent la négociation, qui encadrent les contrats de travail, qui empêchent prétendument de tout « négocier », de gré à gré, (hors syndicat, hors loi) dans un rapport de force défavorable au seul niveau de l'entreprise.

    La hiérarchie constitutionnelle des sources de loi, donne donc la priorité aux « lois d'ordre public social », puis aux accords interprofessionnels, puis aux accords de branches, puis aux accords d'entreprise. Chaque niveau peut aménager, adapter une loi dans le respect de cette hiérarchie des normes.

    Le Medef veut remettre en cause ce principe fondamental de nos lois de notre République pour faire ce qu'il veut dans l'entreprise… Il veut faire régner l'insécurité sociale, éclater au niveau de chaque entreprise la réglementation, au gré des rapports de force…

    Nous voulons, au contraire, renforcer l'ordre public social…

    4°) Il est vrai que parfois des « accords » d'entreprise, de branche, interprofessionnels, peuvent faire avancer la loi, anticiper positivement sur celle-ci.

    Accords, négociations et lois, décisions du législateur ne vont pas toujours au même rythme. Des grèves dans un secteur peuvent donner lieu a des conquêtes sociales, bien avant que le législateur ne les reprenne…

    C'est pour cela qu'a été prévu un autre principe fondamental du droit du travail : le principe de faveur. On ne peut déroger négativement, du point de vue de l'intérêt des salariés à ce principe. Quand il y a des éléments différents dans une loi, dans un accord de branche ou d'entreprise, c'est le plus favorable aux salariés qui s'applique.

    5°) Il faut organiser la dynamique de la démocratie sociale :

  • mettre les élections professionnelles par branche le même jour
  • mieux valoriser les élections prud'homales un jour férié
  • grouper ces élections prud'homales avec des élections plus que jamais nécessaire et d'actualité, à la sécurité sociale tous les cinq ans.
  • On redonnerait aux organisations syndicales une légitimité, régulièrement vérifiée.

    Le paritarisme devrait être rénové : élections à tous niveaux, selon le principe « un humain, une voix », des collèges à nouveau réellement proportionnels, employeurs, cadres, salariés…

    6°) Le financement de cette démocratie sociale, syndicale, devrait être pris en charge par des fonds publics.

    7°) Des droits nouveaux devraient être accordés aux Ce, Dp, Chsct, Ds, conseillers prud'hommes, conseillers du salarié (avis conforme, temps de formation et de délégations…)

    Gérard Filoche (Membre du Bureau national du PS, Nps,

    D&S, et inspecteur du travail)

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