Lettre de Laurent Fabius aux militantes et aux militants socialistes
A quelques jours du 1er tour du vote de désignation du candidat socialiste, Laurent Fabius s'adresse directement aux militantes et militants dans une lettre ouverte.
Chère camarade, cher camarade,Je t'écris cette lettre car, à l'heure de la décision, je souhaite te convaincre que, si tu m'accordes ta confiance, ensemble nous ferons gagner les socialistes et la gauche en 2007. Ensemble, nous réussirons le changement.
Les 16 et 23 novembre prochains, tu feras ton choix. En toute liberté. Le socialisme, c'est d'abord un choix de liberté. Ne te laisse pas dicter ton vote de l'extérieur. Ne te demande pas ce que les autres sont censés voter, mais ce que, toi, tu veux pour ton pays et pour la gauche. Au fond de toi, tu sais la vérité : nous ne gagnerons la présidentielle que si nousréussissons à remobiliser les électeurs que nous avons perdus et à en conquérir de nouveaux. Ceux-là seront au rendez-vous électoral s'ils ont la certitude que la gauche a pris la mesure de l'urgence sociale. A quoi bon voter si rien ne change au quotidien ?
Oui, en 2007, le temps de la gauche est venu. Une gauche d'alternance, pas une gauche d'apparence. Il faut d'urgence une autre politique pour la France. Chirac a échoué, Sarkozy fait peur, Le Pen est en embuscade, le changement doit venir de nous.
Pour mériter la confiance, nous devons répondre à au moins trois exigences. C'est le sens de ma candidature.
Certains affirment : « Fabius, sa ligne politique est la bonne, mais il n'est pas assez moderne ». Avec force, je veux te dire ceci : mes valeurs n'ont pas changé, ce sont celles de l'humanisme socialiste de Jaurès, Blum, Mendès-France, Mitterrand et Jospin, mais j'ai appris de notre expérience politique collective, j'ai entendu les Français et d'abord ceux qui espèrent en la gauche. J'ai tiré les leçons de 2002. J'ai pris la mesure de la dérive libérale de l'Europe et du péril écologique. Je ne sous-estime pas le grand choc de la mondialisation financière. Tout cela appelle des réponses nouvelles : par exemple, une loi programme précise pour répondre au formidable défi environnemental ou encore la subordination de tout nouvel élargissement européen à l'engagement réel d'une harmonisation sociale et fiscale. Je ne crois pas qu'il soit vraiment moderne de vouloir copier la social-démocratie des Trente Glorieuses ou le blairisme qui a fini par s'allier avec Bush en Irak. Oui, le monde a changé et, sur certains points, j'ai évolué avec lui. Ma sincérité est de le dire et de le revendiquer pour avancer.
Nos électrices et nos électeurs ne veulent pas revivre des échecs. Pour autant, chacun le voit, il y a un débat entre socialistes à ce sujet. Pour moi, c'est par des valeurs, des propositions et des alliances à gauche que nous l'emporterons. Nous gagnerons si nous rassemblons la gauche. Nous rassemblerons la gauche si nos propositions sont clairement à gauche. Ma candidature est le fruit de ces convictions.
La France que prépare la droite est brutale et précaire. Avec toi, avec tous les socialistes, je veux construire une France forte parce que solidaire. Notre modèle social n'est pas un fardeau : il est au contraire notre chance dans une mondialisation qui veut tout balayer. Ce n'est pas non plus un héritage immobile : c'est un édifice à parachever et à consolider sans cesse. Assurément, des réformes sont nécessaires. Nous les mettrons en œuvre. Mais nous devons refuser les pseudo-réformes qui tournent à la régression. Car avant de soi-disant « briser les tabous », il faut dire avec précision par quoi ils seront remplacés, surtout quand il est question des acquis sociaux ou éducatifs qui ont été obtenus par des gouvernements de gauche. Et je n'accepterai pas que nous empruntions à la droite ses solutions. Ensemble, nous devrons agir pour sauver nos retraites, assurer l'égalité d'accès à la santé, mieux aider tous les enfants à réussir à l'école, redonner espoir à notre jeunesse, lutter effectivement contre toutes les discriminations, miser sur la culture, l'innovation, la générosité avec les pays pauvres, et d'abord l'Afrique. Ensemble, nous devrons rétablir la sûreté républicaine et garantir un aménagement solidaire du territoire, notamment par la présence des services publics dans les villes comme dans les campagnes. Je suis pour une société du progrès partagé. C'est cela la France forte et solidaire que je défends.
Chère camarade, cher camarade,
Avec toi, avec ton soutien, avec ta voix, nous y arriverons ensemble. Et ensemble nous ferons reculer le mur des injustices dans notre pays. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » : c'est la leçon de vie et d'action que j'ai retenue de François Mitterrand. Nous sommes le parti socialiste, pas le parti fataliste