GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Lettre de la FGTE CFDT à François Chérèque

FGTE CFDT

à

François CHEREQUE

Secrétaire Général

et au

Bureau National

Paris, le 14 mai 2003 à 21h00

Cher François,

Je souhaite me faire l'interprète auprès de toi et des membres du Bureau National réunis le 15 mai, des réflexions, inquiétudes et attentes de notre secrétariat National réuni le 14 mai.

L'ampleur de la mobilisation du 13 mai témoigne de la prise de conscience et de l'inquiétude devant le projet Fillon de réforme des retraites perçu comme porteur de graves régressions sociales pour les futurs retraités. La logique du texte proposé par le gouvernement conduit à n'avoir le choix qu'entre deux alternatives : partir à la retraite à un âge raisonnable avec une pension gravement amputée ou partir à la retraite à un âge déraisonnable avec une pension malgré tout diminuée. Et nous savons bien que la politique du patronat vis-à-vis des salariés âgés réduit encore cette alternative. Comme tu l'as toi-même déclaré à Syndicalisme Hebdo (n° 2931 - 26/04/2003) : « Le gouvernement finance sa réforme par la durée de cotisation et la baisse des pensions : nous ne sommes pas d'accord ».

Nous ne sommes pas confrontés à une réforme qui aurait essayé de se présenter comme « équilibrée » en agissant sur les 3 leviers possibles (augmentation du financement, augmentation de la durée de cotisation et d'activité, baisse des pensions) ; auquel cas une démarche syndicale d'amendements pour l'améliorer aurait pu se comprendre.

Nous sommes confrontés à une réforme agissant principalement sur le levier de la durée de cotisation qui, dans les conditions du marché du travail aggravées par la politique actuelle de l'emploi, se traduira par une baisse des pensions ; ce qui appelle une action syndicale pour changer la logique de la réforme si l'on veut être en cohérence avec nos propres objectifs revendicatifs.

« Le haut niveau de pension » et « le taux de remplacement élevé » revendiqués peuvent-il être compatibles avec des mécanismes d'acquisition des droits plus pénalisants que les mécanismes actuels, peuvent-il être garantis alors que les paramètres de la réforme Balladur (inchangée et même aggravée) organisent leur régression, peuvent-il être assurés dans le temps sans référence à des augmentations périodiques se référant à l'évolution des salaires et permettant d'aller au delà du seul maintien du pouvoir d'achat ? Si nous sommes bien d'accords avec un taux de remplacement à 100 % du SMIC, la satisfaction de cette revendication ne suffit pas à répondre à l'exigence d'un haut niveau de pension pour le plus grand nombre.

« L'arrêt de la dégradation du taux de remplacement » pour les salariés du privé est-elle compatible avec la poursuite jusqu'à 25 annuités de la base de calcul du salaire de référence, avec la perspective des 42 ans de cotisation inscrite dans la loi, avec le durcissement des mesures Balladur (proratisation à 160 trimestre qui s'appliquera en plus au minimum contributif) ?

« La retraite à 60 ans à taux plein » peut certes s'entendre avec la totalité des annuités requises et dans ce cas l'allongement de la durée de cotisation requise la rendra de plus en plus irréalisable ; mais on peut aussi l'entendre avec un taux prortionnel au nombre d'annuités effectives, sans abattement supplémentaire. Or l'existence d'une décôte fausse cette perspective : ne faudrait-il pas obtenir la suppression de toute décôte (dans le public et le privé) pour tout départ à 60 ans afin de donner quelque réalité à l'objectif « à taux plein » ? Sinon, que resterait-il de la retraite choisie ?

Par rapport au « droit de partir à taux plein avant 60 ans dès 40 ans de cotisation » que nous réclamions, l'approche du gouvernement avec une limite d'âge à 58 ans et la suppression du congé de fin d'activité chez les fonctionnaires, nous laisse loin du compte.

S'agissant des fonctionnaires, la réforme des retraites compatible avec les principes de la plateforme intersyndicale se résume à un durcissement brutal des conditions d'obtention du taux plein, un minimum de pension tellement bas qu'il n'offre aucune garantie et, surtout, un régime complémentaire - même obligatoire - sur les primes qui ne produira ses effets que dans 20 ans et risque d'être moins attractif que les plans d'épargne salariale volontaires.

Quant au financement de la réforme, nous avions salué l'avancée des positions CFDt que tu avais exprimées au CNC de janvier. Jusqu'à présent, le gouvernement n'en a rien retenu. Peut-on s'en contenter ?

L'écart entre nos objectifs et les mesures de la loi Fillon est si important que quelques concessions à la marge, ne modifiant pas la logique de fonds de la réforme Fillon, ne sauraient suffire à emporter le soutien de la CFDT.

Nous voudrions insister sur l'extrême sensibilité des militants et adhérents de notre fédération vis-à-vis des résultats de la négociation avec le Ministre au soir du 14 mai et du jugement que portera la CFDT à l'issue de cette réunion. La cohésion de l'organisation peut gravement être mise en cause si les positions exprimées par la CFDT suscitaient leur incompréhension. C'est pourquoi ils attendent de la CFDT une grande fermeté sur ses objectifs de départ, comme sur les revendications contenues dans la plateforme intersyndicale du 6 janvier. C'est au regard de ces objectifs qu'il convient d'évaluer le projet gouvernemental et la suite à donner à l'action intersyndicale.

Nous ne croyons pas que la discussion du 14 mai soit la dernière et que rien n'est possible au-delà. Tant que le projet de loi n'a pas été voté à l'Assemblée Nationale, la pression doit être maintenue pour changer la logique de la réforme et pour éviter toute mauvaise surprise lors du débat parlementaire. Nous souhaitons donc que la CFDT poursuive son implication dans les initiatives unitaires.

Pour sa part, notre Secrétariat National a retenu l'option de développer l'information en direction des salariés du secteur privé pour attirer leur attention sur les mesures régressives qui les concernent et renforcer leur mobilisation, de développer la mobilisation déjà engagée et de s'inscrire dans les actions unitaires à venir si le gouvernement ne modifiait pas substantiellement son projet.

Nous souhaitons ne pas avoir à nous retrouver en contradiction avec les analyses et décisions confédérales. Comme je l'ai fait remarquer à Jean François Trogrlic, depuis ton élection, nous nous sommes abstenus de toute déclaration publique vis-à-vis des positions confédérales ; c'est pourquoi nous n'avons pas du tout apprécié la mise en cause de la fédération lors du CNC de janvier 2003. Sur le dossier des retraites, nous nous sommes attachés à dire nos désaccords en interne malgré de nombreuses sollicitations journalistiques. Néanmoins, j'ai aussi indiqué à Jean François qu'il y avait une chose à laquelle nous ne renoncerions jamais : c'est notre autonomie d'action sur des questions dont nous estimons qu'elles conditionnent l'existence même de notre syndicalisme dans notre champ professionnel. La question des retraites en fait partie, d'où la franchise de ce propos.

Espérant que ce courrier retiendra ton attention et celle du Bureau National, reçois chers François, mes amicales salutations syndicales.

Claude DEBONS

Secrétaire Général

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