GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Les Jusos ne datent pas d'hier !

Nous, les Jusos, ne datons pas d'hier, bien au contraire. L'histoire du mouvement duquel nous sommes originaires, le mouvement des jeunesses socialistes, est presque centenaire. Si ce n'est plus, car dès le milieu du 19ème siècle, alors que des travailleurs de nombreux pays décidèrent de réagir contre leur vie misérable et le système capitaliste qui s'enrichissait sur leur dos, la jeunesse était aussi de la partie. Cependant, alors que les aînés commencèrent à se donner une organisation solide, des lois associatives furent votées pour empêcher la fondation d'un mouvement de jeunesse.

Suite au mauvais traitement d'un maître sur son apprenti graveur, Max Peter, et au suicide par pendaison de ce dernier à Grünewald, on décida que les choses ne pouvaient plus continuer ainsi: le 10 octobre 1904 fut fondé, dans un café berlinois, la première association des jeunesses ouvrières. Puis effet boule de neige: partout en Allemagne des jeunes ouvriers se rassemblèrent et ainsi naquit le mouvement des jeunesses socialistes.

Les sociaux-démocrates allemands au sein du parti socialiste (SPD) n'en furent pas particulièrement satisfaits. Ils regardaient en effet les mouvements de jeunesse avec méfiance. Ce scepticisme fut particulièrement ressenti parmi les fonctionnaires du parti qui, après s'être assurés une bonne position au sein de ce dernier, ne cherchaient pas à vivre pour lui mais plutôt grâce à lui. Ils n'avaient bien entendu aucun intérêt à participer à quelque lutte fougueuse et craignaient que les jeunesses ne viennent remettre en question l'esprit et l'activité du parti social-démocrate. Une crainte non sans fondement !

Déjà, en 1907, existait une association internationale des jeunesses socialistes, représentée en Allemagne par Karl Liebknecht, un révolutionnaire socialiste contemporain de Rosa Luxemburg.

Les organisations de jeunesse se consacraient particulièrement à la lutte contre le militarisme et la guerre menaçante. Bien que les partis socialistes de nombreux pays se soient promis de ne pas participer à la guerre qui approchait, dès son déclenchement, la plupart se mirent à la soutenir. Le SPD également. Pendant que les parrains du SPD soupiraient au parlement qu'il ne fallait pas "abandonner la patrie en danger", des millions de soldats laissèrent leur vie sur les champs de bataille et le peuple mourrait de faim.

L'opposition contre la guerre fut, comme Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg quelques années plus tard, réduite à néant. Alors qu'un groupe de députés socialistes, après s'être opposé à la construction de cuirassés, se soit retrouvé exclus du parti, un nouveau parti fut fondé, le SAP (Parti socialiste ouvrier). Le SAP serait resté un parti minoritaire s'il n'avait pas exercé une importante force d'attraction sur la gauche social-démocrate.

Non seulement de nombreux jeunes socialistes y adhérèrent, mais aussi des groupes entiers du SAJ. Comme par exemple la section de Lübeck, qui comptait parmi ses membres un jeune socialiste du nom de Willy Brandt...

Les Jusos ont aussi très tôt senti le danger du fascisme en pleine croissance et ont fortement fait pression sur le front anti-fasciste.

Cette initiative fut pourtant entreprise trop tard. L'alternative historique "Le socialisme ou la barbarie" formulée par Rosa Luxembourg en 1918 ne reçut à l'époque pour réponse que la barbarie .

Les mouvements de jeunesses socialistes comptèrent de nombreuses victimes dans leurs rangs, tombées sous les coups du fascisme. Une fois libéré du fascisme et de la guerre, le SPD fut de nouveau fondé et par la même occasion, les Jeunesses socialistes, c'est à dire nous.

A l'époque, cette association de jeunesse n'était qu'une simple section du SPD. Sa principale raison d'être consistait à fidéliser la jeunesse au parti socialiste et, bien que les jeunesses socialistes jouissaient néanmoins d'un certain "droit de parole" dans les affaires du parti, d'éviter une scission au sein de celui-ci, les leçons de la République de Weimar ayant été bien apprises.

Entreprise réussie: les Jusos, durant les années 50, représentaient les "marmots" du SPD qui rabâchaient ce que le parti leurs racontait, qui collaient des affiches et qui étaient envoyés en maillot de bain à la recherche d'adhérents. Cela changea radicalement à la fin des années 1970.

L'opposition non-parlementaire contre la liquidation du passé nazi, la guerre du Vietnam et les lois d'urgence ne laissèrent pas les Jusos indifférents et se solda par une forte politisation de la base du mouvement, qui s'exprima au congrès fédéral des Jusos en 1969.

Avant qu'il puisse démissionner, le comité directeur des Jusos en fonction fut "éjecté" (si loin d'ailleurs que le président adjoint de l'époque se retrouva sur les bancs du CSU au Parlement, c'est à dire la branche bavaroise du parti chrétien démocrate ou conservateur). Le virement à gauche fut accompli.

Les Jusos devinrent une union socialiste autonome. La politique des Jusos changea fondamentalement. "Double stratégie" devint le mot clé. C'est à dire travailler à la fois au sein des mouvements non-parlementaires tels que les mouvements pour la paix, anti-fascistes, pour la défense des minorités et au sein du SPD afin de faire accepter le contenu des revendications de ces mouvements par les sociaux-démocrates et de faire perdurer la fidélité des socialistes aux intérêts des salariés. Même lorsque les Jusos se sont divisés en plusieurs "ailes", les luttes internes n'ont jamais endommagé le consensus au sein des Jusos. Cela ne convint pas toujours au SPD et aboutit à de sérieux conflits qui se soldèrent par l'exclusion du président des Jusos Klaus-Uwe Benneter. Les Jusos ont cependant réussi à s'affirmer et durant ces conflits furent prisent en compte les revendications suivantes:

  • le refus de la double décision de l'OTAN d'installer les Euromissiles en 1982,
  • le renoncement à la puissance nucléaire,
  • le système des quotas pour les femmes,
  • le refus radical de l'article 218 concernant l'avortement.
  • Des succès auxquels ont fortement contribués les Jusos des années 70 et 80.

    Au cours des années de chamboulement qui suivirent la chute du mur de Berlin, non seulement fut fondé, dans l'ex-Allemagne de l'Est, un parti social-démocrate mais aussi, en 1990, une organisation des jeunesses qui prit le nom justement de "Jeunes Sociaux-démocrates".

    Il va de soi que la coopération entre les Jusos de l'Est et de l'Ouest ne fut pas simple au début, compte tenu des différences d'expériences et de perspectives à offrir. Cependant, les Jusos de l'Est et ceux de l'Ouest apprirent les uns des autres. Des convergences s'établirent et une lutte pour des objectifs communs put commencer.

    Depuis le congrès fédéral de 1991 nous sommes représentés et reconnus en tant qu'organisation de jeunesse dans tous les états de la fédération. Cependant, le travail de reconstruction dix ans après la nouvelle fondation des Jusos en ex-Allemagne de l'Est n'est pas encore fini. La méfiance après la dissolution du FDJ (Jeunesses allemandes libres - jeunes socialistes de RDA) envers les organisations de jeunesses socialistes reste encrée dans les mentalités. Même le changement d'appellation de l'ancien parti d'état de l'ex-Allemagne de l'Est de SED à PDS (Parti du socialisme allemand) contribue chez beaucoup de gens à la formation d'attentes assez douteuses envers le socialisme démocratique. Mais les Jusos ne se découragent pas et continuent à faire pression sur le SPD pour que celui-ci adopte une attitude ouverte et constructive envers toutes les forces de gauche de la société. Pour cela, notre tâche est d'être clair avec notre passé et notre histoire afin de pouvoir trouver de réelles alternatives politiques au consensus néolibéral de la pensée unique.

    Nous, Les Jusos, avons la volonté de changer la société ! Seize années de gouvernement Kohl ont montré les conséquences que peuvent avoir l'immobilisme et le blocage des réformes sur la société.

    Le changement de valeur si souvent évoqué n'a abouti qu'à la désolidarisation, la dégradation de l'Enseignement et l'abandon d'acquis sociaux. Les "lendemains qui chantent" ne nous offrent que chômage de masse, endettement de l'Etat et corruption qui se chiffre en millions. Nous les Jusos ne sommes et ne resterons pas indifférents.

    L'élection du gouvernement "rouge-vert" en 1998 représenta un nouveau commencement. La politique gouvernementale ne doit cependant pas demeurer la seule ligne d'action mais doit constamment prendre en compte d'autres données actuelles. Car encore aujourd'hui d'importantes réformes demeurent en partie "timides" ou sont tout simplement laissées de coté. Pour cette raison il est de notre devoir de faire pression et de nous imposer.

    En tant qu'association socialiste, nous ne faisons pas seulement de la politique pour les jeunes mais surtout de la politique du point de vue des jeunes de notre ville.

    Dans cette optique, nous nous sommes fixés certains objectifs. Nous nous concentrons sur certains projets qui nous semblent particulièrement urgents:

  • la discussion sur l'avenir de l'emploi,
  • la réforme de l'Education nationale ainsi que la réforme Bafög,
  • le développement social et écologique de la ville et surtout la construction européenne.
  • Pour atteindre cet objectif, nous avons dans le passé élaboré un programme politique d'urgence "Jeunesse" et un programme urbain "Berlin, tous ensemble pour notre ville" qui fut adopté par la branche berlinoise du SPD lors d'un congrès du parti sur la politique envers la jeunesse. Nous devons cependant garder l'oeil sur notre parti d'origine afin que ces décisions ne restent pas lettre morte. Nous intervenons de plus en plus dans la politique communale, prenons des responsabilités et tentons autant que possible d'imposer le contenu de nos revendications.

    Il va bien sur de soi que nous participons activement à la lutte anti-fasciste, que nous travaillons en coopération avec les différents groupes de gauche contre toute forme de guerre, de racisme ouvert ou sous-jacent, de sexisme ainsi que pour l'abandon du service militaire.

    Nous sommes déjà arrivé, grâce à une "Realpolitik" socialiste, à faire passer certaines réformes qui préparent le chemin et offrent la possibilité d'un dépassement du système dominant. Car nous, les Jusos, voulons le socialisme « au lieu de la vieille société bourgeoise avec ses classes et ses antagonismes de classes... une association où le développement autonome de chacun représente une condition du développement autonome de tous. » (Karl Marx).

    Encore le socialisme? Encore Marx? Les Jusos n'ont-ils donc pas tiré la leçon du passé?

    Le fait est que sous couvert du socialisme, certains systèmes se sont implantés et ont gravement endommagé l'idée du socialisme.

    Nous les Jusos dans le SPD militons pour une autre tradition du socialisme, pour le socialisme démocratique qui trouve sa source dans les oeuvres de Marx et Engels, dans l'entreprise de Liebknecht et Luxembourg. Car pour nous, le socialisme représente une nécessité actuelle qui seule peut offrir des alternatives écologiques et sociales au-delà des limites communément acceptées. Les guerres de plus en plus brutales et fréquentes, à échelle mondiale, axées autour de conflits nationaux, ethniques et religieux, l'arsenal atomique de plus en plus répandu, la destruction des sols suite à l'exploitation excessive de la nature, les famines et la pauvreté et le chômage croissant, la discrimination des femmes, le racisme grandissant, le mépris à l'échelle mondiale des droits de l'Homme ne sont pas des fléaux de l'humanité voulus par Dieu mais le produit d'un système. Ce n'est que le résultat de l'action de l'Homme et seul ce dernier peut y remédier. Un traitement des symptômes et un simple "ravalement de façade" d'un système qui s'enrichit sur le dos des êtres humains pour se reproduire, ne suffira pas. Pour nous, la question qui se pose est la suivante: " Socialisme ou Barbarie ?" (Rosa Luxembourg)

    Et pourquoi dans le SPD?

    Le SPD est le parti qui, depuis 140 ans, se veut le représentant du socialisme démocratique. Que le programme ait souvent tendance à rester sur papier et que le SPD se montre par moment indulgent avec le parti au gouvernement ou dans l'opposition est un fait auquel les Jusos doivent faire face; l'expérience récente nous en offrent des exemples, tels que l'abandon du droit d'asile et la guerre du Kosovo.

    Pour nous les Jusos, cela a une double conséquence.

    La première est qu'il est nécessaire de travailler au sein du SPD pour lutter pour une politique progressiste:

    En ce qui concerne les points suivants, les Jusos se sont tenus et se tiennent toujours au premier rang: la décision d'abandonner la puissance atomique, les premières coalitions "rouge-vert", les premiers pas (à notre avis beaucoup trop timides) pour une nouvelle politique sur les drogues, la réforme de l'Education ainsi que les formations professionnelles ("Qui n'a pas reçu d'éducation est exclu"). Les Jusos ont eux-mêmes introduit voir imposé ces points dans la politique du parti.

    La deuxième conséquence pour nous, les Jusos, réside dans la certitude que le parti n'est pas l'unique acteur de la politique: Depuis des décennies, nous les Jusos entreprenons une action couronnée de succès avec les les associations de défense de l'environnement, les initiatives citoyennes à échelle locale, les syndicats, les associations de jeunesses progressistes et autres groupes de gauche.

    Nous, les Jusos, prenons la discussion et l'action parlementaire au sérieux. Car nous voulons faire changer les choses et non ressembler aux "vieux fossiles" que sont certains hommes politiques. Dans cette optique nous voulons profiter de notre position médiane entre le parti social-démocrate et les groupes de gauche. Il est donc pour nous fondamental d'accepter que le progrès social sans et contre le SPD est impossible.

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