GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Les Français fatigués de la démocratie ?

C’est la conclusion que tire le site « Atlantico », le 2 novembre 2015, d’un sondage Ifop réalisé pour Atlantico, en octobre. Selon ce site, les Français seraient « fatigués de la démocratie !? » Le point d’exclamation précédent le point d’interrogation n’est sans doute pas sans signification.

La conclusion tirée par le site est pourtant hasardeuse. La question posée par l’Ifop n’est pas « vous, personnellement, êtes vous fatigués de la démocratie » comme aurait pu laisser le croire le titre d’Atlantico, mais une question d’une toute autre nature.

L’Ifop pose, en réalité, deux questions dont la réponse se trouve déjà dans la question

1re question :

« Certains pensant que la France doit se réformer en profondeur pour éviter le déclin mais qu’aucun homme politique élu au suffrage universel n’aura le courage de mener à bien ces réformes et que dans ce cadre, il faudrait que la direction du pays soit confié à des experts non élus qui réaliseraient ces réformes nécessaires mais impopulaires » (C’est le questionnaire qui souligne)

La réponse est dans la question - au-delà de la précaution faite pour être aussitôt oubliée de « certains pensent » et « dans ce cadre » - puisque les réformes sont présentées comme « nécessaires » pour éviter « le déclin », même si elles sont « impopulaires ».

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que 67 % des Français aient répondu qu’ils étaient d’accord (23 % tout à fait d’accord et 44 % plutôt d’accord). 51 % des proches du FDG, 54 % des proches du PS, 80 % des proches des LR et 76 % des proches du FN seraient favorables à un pouvoir des « experts ».

Il n’est pas certain, loin de là, que pour un proche du FDG ou du PS, les « réformes nécessaires » aient le même sens que pour un proche de LR ou du FN. Mais les conclusions qui sont tirées de ce questionnaire ne s’en soucient guère.

Dans l’article d’Atlantico, Jérôme Fourquet (directeur du département Opinion publique de l’Ifop) confirme, ainsi, le biais de la question posée quand il précise le contenu de ces réformes nécessaires en opposant Fillon à Sarkozy, lorsque ce dernier affirme « celui qui propose la suppression des 35 h et la retraite à 67 ans, je lui souhaite bon courage pour être élu ». La suppression des 35 heures et la retraite à 67 ans, voilà donc les réformes qui seraient « nécessaires » ! Mais en quoi ces réformes sont-elles « nécessaires » ? Jérôme Fourquet se garde bien de répondre à cette question essentielle. Il se contente de reprendre la vulgate néolibérale sans apporter le moindre argument à l’appui de la « nécessité » de telles réformes. Ces dernières ont pourtant échoué partout, sauf si l’on considère qu’être titulaire d’un contrat « zéro heure » et travailler une heure ou deux par semaine, comme au Royaume-Uni, ne fait plus de vous un demandeur d’emploi.

Le terme « expert » est à lui-tout seul une mystification. Il laisse entendre que les dits « experts » seraient neutres alors qu’ils ne peuvent que choisir leur camp, car dans le domaine de l’économie et du social, aucune neutralité n’est possible. Ainsi, en Grèce, le pouvoir a, pendant 6 ans, été confié aux « experts » de la Troïka qui ont appliqué des réformes du type de celles que Jérôme Fourque estime « nécessaires ». Sous la férule de ces « experts », le chômage a atteint 27 % de la population active et le pouvoir d’achat des salariés et des retraités a diminué de près de 30 %. Par contre, les profits des entreprises (celles qui ont survécu, mais c’est la loi du capitalisme) ont considérablement augmenté. Quelle neutralité ! Quelle façon admirable d’empêcher le « déclin » de la Grèce !

2e question :

« Certains pensent que la France doit se réformer en profondeur pour éviter le déclin mais qu’aucun homme politique élu au suffrage universel n’aura le courage de mener à bien ces réformes et que dans ce cadre, il faudrait que la direction du pays soit confiée à un pouvoir politique autoritaire, quitte à alléger les mécanismes de contrôle démocratiques s’exerçant sur le gouvernement » (C’est le questionnaire qui souligne)

40 % des Français seraient favorables à ce pouvoir politique autoritaire (12 % tout à fait d’accord et 28 % plutôt d’accord). Cependant, le clivage gauche/droite est plus marqué que dans les réponses à la 1ère question. 23 % des proches du FDG et 33 % des proches du PS seraient favorables à un pouvoir autoritaire. Par contre, 47 % des proches de LR et 60 % des proches du FN y seraient favorables.

Cette question est du même tonneau que la première. Elle sous-entend - avec les mêmes précautions faites pour être aussitôt oubliées - qu’un gouvernement autoritaire sortirait forcément le pays de l’ornière. N’est-ce pas précisément ce qu’il faudrait prouver ?

Tout ne va pas pour le mieux, néanmoins, pour la démocratie

Il n’est pas possible pour le PS de se rassurer en affirmant que les élections intermédiaires sont toujours défavorables aux partis au pouvoir et qu’il est normal que de très nombreux électeurs de gauche s’abstiennent. Si la droite a perdu les élections intermédiaires sous Nicolas Sarkozy, c’est parce que ce dernier n’avait pas tenu ses engagements électoraux et que loin de « travailler plus pour gagner plus », les salariés de notre pays travaillaient moins (le chômage augmentait) et gagnaient moins. Si le PS a perdu les élections municipales, européennes, sénatoriales et départementales, c’est parce que François Hollande a tourné le dos à son discours du Bourget.

Il n’est pas possible, non plus, pour le FDG ou EELV de se rassurer à bon compte. Le recul du PS a, jusqu’à maintenant, été aussi leur recul et les abstentionnistes de gauche ne leur ont pas accordé leurs suffrages.

Seule une politique de gauche regroupant toute la gauche, sans sectarisme, sur un programme de gauche, pourrait changer la donne. Sans cette perspective, c’est un boulevard qui sera ouvert à la droite et à ses « experts » ou à l’Extrême-droite et à un « gouvernement autoritaire ». Pour le plus grand malheur de la démocratie et du salariat mais pour le plus grand bien, dans les deux cas, de la Finance et du Medef.

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