GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Les femmes et la constitution européenne

En plus des critiques déjà énoncées à l'égard du traité de Constitution européenne, on peut en ajouter ou préciser certaines concernant plus spécifiquement ses effets sur les femmes. Si on peut observer quelques avancées, elles sont extrêmement limitées et ce sont surtout les manques qui choquent.

Les avancées sont de portée très limitées, quand ce n'est pas les manques que l'on doit déplorer

Certes, par rapport au texte de la Convention qui avait été adopté le 18 juin 2003, l'égalité entre les hommes et les femmes a connu un petit progrès, car elle est passé du rang d'objectif à celui de valeur.

On peut également noter que la Charte des droits fondamentaux lui consacre un article (II-23) affirmant que " l'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d'emploi, de travail et de rémunération. " Et que les discriminations fondées sur le sexe, les origines ethniques etc. sont interdites (art.II-81).

Toutefois, il faut relativiser ces points positifs.

Tout d'abord, l'égalité comme l'interdiction des discriminations figurent déjà dans la plupart des législations des Etats, elles font l'objet de différentes Conventions au niveau des Nations Unies et du Bit. De plus, la Charte existait avant le texte de traité constitutionnel et continuera à exister si celui-ci n'était finalement pas ratifié. En ce domaine la réalité témoigne de l'énorme écart existant entre le droit formel et le droit réel.

Or rien n'est précisé dans le traité sur les moyens que se donne l'Union pour mettre en œuvre cette interdiction. Il est prudemment avancé que " dans les limites de compétence que la Constitution attribue à l'Union, une loi cadre européenne peut établir les mesures nécessaires pour combattre toute discrimination ", mais l'unanimité est requise pour adopter ces mesures nécessaires comme en atteste l'article III-124.

Ensuite, les articles de la Charte restent subordonnés aux autres dispositions du traité comme l'indique très clairement l'article II-112.al.2. Cela contredit son statut de charte fondamentale, qui devrait conférer aux droits énoncés la prééminence.

Enfin, toute harmonisation est exclue en la matière, comme le précise le texte de Constitution dans le chapitre concernant la politique sociale (art.III-210.al. 1 et 2a).

Ainsi, le contraste est frappant entre l'absence de dispositions sur cette question et la profusion des spécifications prévues par exemple pour la mise en œuvre de la libre circulation des personnes et des services (art. III-133 à III-149).

On constate également de graves absences. Non seulement les droits décrits par la Charte sont d'une portée très limitée mais en plus certains droits, eux aussi fondamentaux, en sont absents.

C'est ainsi qu'il n'est pas fait mention du droit à la contraception et à l'avortement. Le droit à la maîtrise de son corps est une liberté fondamentale pour tout individu, il inclut le droit de décider de sa capacité reproductive c'est-à-dire le droit à la contraception et à l'avortement. Cela paraît d'autant plus inquiétant quand certains commissaires sont notoirement contre.

Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont affirmés dans l'article II-69 mais le droit au divorce n'y figure pas. Le divorce est plus souvent demandé par les femmes. Les violences conjugales qui existent dans tous les pays et toutes les classes sociales sont une réalité, à l'origine de nombreux divorces. Le droit à mettre fin au mariage doit être expressément prévu.

Le droit d'asile défini dans l'article II-78 doit être reconnu pour les motifs de violences, répression et persécutions subies par des femmes en raison de leur sexe ou de leur sexualité.

Mais le traité a également, par son essence libérale, des effets sur les femmes liés à la place qu'elles occupent dans la société.

Ce traité de Constitution est un traité libéral. Or si la libéralisation frappe les femmes et les hommes, c'est avec des effets différents parce que leur situation dans la société diffère. Les femmes sont frappées par la pauvreté, le chômage, l'exclusion, les violences à un plus haut degré que les hommes. Elles sont pénalisées par un moindre accès aux nouvelles technologies, au crédit, à la formation, par des emplois moins stables, des salaires plus bas et des retraites de plus en plus compromises.

Cette inégalité entre les deux sexes, la plus ancienne, la plus répandue, la plus occultée aussi, traverse tous les pays et toutes les classes sociales, parce que les rapports sociaux intègrent partout des rapports de domination des hommes sur les femmes. Il apparaît donc indispensable de prendre en compte la dimension des rapports sociaux de sexe dans l'analyse des mécanismes de la construction européenne libérale.

Les normes sociales imposent des " rôles sociaux " différents aux hommes et aux femmes, sous prétexte de " capacités naturelles " à accomplir telle ou telle tâche. Le travail domestique de reproduction, non rémunéré et invisible (production et éducation des enfants, soins), est ainsi attribué aux femmes pendant que le travail de production, rémunéré, est attribué aux hommes : c'est la division sexuelle du travail.

Si l'oppression des femmes est antérieure au libéralisme elle a, partout, des conséquences spécifiques sur les femmes, du fait de la situation de subordination dans laquelle elles se trouvent. Les femmes sont d'abord touchées en raison de la répartition inégalitaire des rôles dans la famille. La libéralisation se traduit par des processus de privatisation et d'ouverture à la concurrence des services publics les plus vitaux (enseignement, santé, garde d'enfants, cantines, infrastructures de transport, de distribution d'eau ou d'énergie) qui s'accompagne d'une augmentation des tarifs, d'une dégradation de la qualité des services, voire, dans certains cas, de leur disparition. L'accès de la majorité de la population, et particulièrement des plus défavorisés, à ces services, s'en trouve donc restreint, induisant pour les femmes un lourd surcroît de travail domestique : soin et garde d'enfants, soin aux personnes âgées et aux malades, collecte de l'eau potable dans les pays pauvres, etc.

Mais la mondialisation libérale modifie également la place des femmes dans la production et sur le marché du travail. Dans bien des cas, la libéralisation accélère la délocalisation des emplois peu qualifiés et rémunérés (souvent exercés par des femmes) entraînant un surchômage des femmes. Les dernières à être embauchées, elles sont les premières à être licenciées.

Encore des raisons de ne pas voter cette Constitution !

Barbara Romagan

(membre du Bn du Ps)

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