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Les Etats-Unis envahissent... les Philippines !

L'impérialisme américain en feuilleton. Nous vous livrons ici des extraits tirés d'"Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours", Howard Zinn, Ed. Agone, excellent et indispensable ouvrage, aujourd'hui pour comprendre l'hyper puissance américaine.

Mac Kinley, président des Usa, fit un rêve en 1899 : "Que faire des Philippines ? Il ne nous restait qu'à les prendre et à éduquer les Philippins, à les élever, à les civiliser et à les christianiser. Bref, avec l'aide de Dieu, à faire du mieux pour eux, qui sont nos semblables, pour lesquels Christ est mort. Alors j'ai dormi d'un sommeil profond..."

Les Etats-Unis envahissent... les Philippines !

Les Etats-unis mirent trois ans, à partir de février 1899, à venir à bout des volontés d'indépendance des Philippins, avec 70 000 soldats et des milliers de pertes en vies humaines.

Le 19 janvier 1900, Albert Beveridge exprimait au Sénat l'opinion des milieux d'affaires : "Les Philippines sont à nous pour toujours... Et à quelques encablures des Philippines, se trouvent les inépuisables marchés chinois. Nous ne nous retirerons pas de cette région. Nous ne renoncerons pas à jouer notre rôle dans la mission civilisatrice à l'égard du monde que Dieu lui-même a confié à notre race. Le Pacifique est notre océan..."

Comme avec le Mexique en 1838, puis la guerre avec l'Espagne en 1898, les Usa montèrent une provocation. Après la guerre, un officier de l'armée, s'exprimant au Faneuil Hall de Boston déclara que son colonel lui avait donné l'ordre de provoquer un conflit avec les Philippins.

C'était une époque de racisme intense aux USA : entre 1889 et 1903, deux Noirs, en moyenne, étaient assassinés chaque semaine (pendus, brûlés, vifs ou mutilés).

Les Philippins avaient la peau sombre, un volontaire de l'Etat de Washington, aux Philippines écrivit : "Notre esprit combatif était au plus haut et nous voulions tous tuer du "nègre"... On les a tirés comme des lapins".

Ils ont rasé des villages comme Caloocan ou il y avait 17 000 habitants et où aucun n'a survécu. Ils ont brûlé les maisons, tué femmes et enfants. Le correspondant de presse, du Ledger (Philadelphie) rapportait : "Nos hommes ont été impitoyables. Ils ont tué pour exterminer hommes, femmes, enfants, prisonniers, otages, rebelles avérés et individus suspects de plus de dix ans. L'idée qui a prévalu est qu'un Philippin en tant que tel n'a pas plus de valeur qu'un chien... Nos soldats ont fait ingurgiter de l'eau salée aux prisonniers pour les faire parler... ils ont abattu des individus qui se rendaient pacifiquement, un par un, sans l'ombre d'une preuve, les ont jetés dans la rivière afin qu'ils servent d'exemples à ceux qui découvriraient leurs corps criblés de plomb..." Dans la province de Batangas, sur 300 000 personnes, 100 000 étaient morts au combat, de maladie ou de famine.

Mark Twain a écrit pour dénoncer ces massacres. Un témoin anglais a écrit : "Ce n'est pas une guerre, c'est une boucherie criminelle". Mais c'était bel et bien une guerre, car l'ensemble de la population philippine se dressait contre les envahisseurs. Des soldats noirs américains désertèrent en nombre inhabituel et se joignirent aux rebelles philippins. Mais au terme des massacres, l'annexion se fit, ratifiée par le Sénat, le pays fut ensuite mis en coupe réglée par les grandes compagnies : le riz, le café, le sucre, la noix de coco, le chanvre, le tabac, le charbon, l'or...

Mark Twain n'était ni un anarchiste, ni un radical : en 1900? il écrivit dans le Hérald de New York : Je vous présent la majestueuse matrone nommée chrétienté, qui nous revient débraillée, ternie, et déshonorée de ses actes de piraterie à Kiao-tchéou, en Mandchourie, en Afrique du sud, et aux philipinnes, avec sa petite âme mesquine, ses pots de vin et sa pieuse hypocrisie". En cela, il fut suivi par Upton Sinclair, Jack London, Henry James...

Feuilleton tiré de "Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours", par Howard Zinn, Editions Agone

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