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Les défibrillateurs

Sur le trottoir, au coin de la rue de Richelieu, un homme qui sort du travail tombe, foudroyé. Crise cardiaque massive, il meurt. Il vient de faire une journée de 14 h. Ce n’est pas pour rien s’il y a une durée maxima du travail : 10 h par jour et 48 h par semaine et si cette durée maxima est « d’ordre public social » et s’applique à toutes et tous les salariés sans exception y compris les cadres prétendus au forfait. Les seules dérogations exceptionnelles envisageables sont soumises à une autorisation préalable de l’inspection du travail, par exemple pour sauvetage en mer, un incendie de forêt ou une catastrophe humanitaire. Un employeur qui fait travailler un salarié plus de 10 h par jour et de 48 h par semaine commet un « trouble manifeste à l’ordre public » et c’est un délit. Il devra être jugé comme un délinquant.

Tout vient du rapport du Dr Villermé : en 1840, il a observé l’état physique des enfants et des femmes dans les fabriques, ils y travaillaient 14 h par jour, ils y mourraient. Alors le Dr Villermé a écrit : « il faut travailler moins ». Ce mot d’ordre progressiste à conduit à toute la rédaction du Code du travail pendant 160 ans, sauf dans les 7 dernières années où des néo-libéraux se sont écriés « il faut travailler plus » (même le dimanche). Aujourd’hui, le respect de la durée maxima du travail est plus que jamais vitale dans l’intérêt de la santé et de l’emploi. Ce n’est pas seulement la peur du gendarme (l’inspection du travail) qui tend à la faire respecter. Il y a tout simplement aussi la peur de la mort. Ce ne sont plus les coups de grisou qui tuent, mais les AVC.

Les accidents cardio-vasculaires se multiplient, 150 000 par an dit-on, dont la moitié serait liée au travail. Au stress, à la violence, à la souffrance au travail. Littéralement à l’épuisement à la tâche, au « karoshi », au « burn out », selon qu’on voudra parler japonais ou anglais.

Alors la nouvelle « mode » si on ose dire, c’est à la mise en place « spontanée », volontaire, par les employeurs, de « défibrillateurs » dans les entreprises. Aucun texte du Code du travail ne l’impose. C’est rare que les employeurs devancent les textes. Sans doute ont-ils peur pour eux-mêmes, pas seulement pour leurs salariés subordonnés.

Mais autour de la Bourse, chez les courtiers, les banquiers, les responsables d’entreprise sont de plus en plus fiers de montrer leur nouvelle acquisition. Entre 3200 et 3500 euros, il est là, parfois exposé dans une petite vitrine, vanté comme un acte d’humanité, parfois sous clef de peur qu’il soit dérobé (ça fait « envie » maintenant ces trucs-là) mais, il est là, l’instrument « miracle » en cas de crise soudaine… Vous l’apprenez en CHSCT, on en informe plus ou moins les salariés par note de service, chacun regarde l’instrument avec émotion et gratitude.

On n’a pas encore eu à s’en servir, mais c’est censé rassurer. À condition bien sûr, que les salariés présents sachent en user. Et qu’ils soient formés ce qui est loin d’être le cas. L’autre jour, le patron expliquait que l’engin était dans le fond de la salle de réserve sous clefs… en attendant. Une autre fois, ce sont les dix-neuf gardiens du rez-de-chaussée « car ils sont là en permanence » qui ont été formés, personne d’autre dans les sept étages des milliers de m2 de la grande entreprise de presse qui compte plus de 1000 employés. Parfois il n’y a que la notice qui circule, l’achat est annoncé comme imminent… Signe des temps.

Gérard Filoche

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