GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

L’économie circulaire : révolution ou gadget ?

Le dernier numéro de Cash investigation (France 2 11 septembre) a mis en évidence le poison que constituent les plastiques mais aussi comment une firme comme Coca-Cola "dans un document confidentiel récent, s’opposait formellement à toute forme de consigne et à la multiplication des lieux de recyclage et de collecte, car cela lui coûte". Parallèlement, ajoute Elise Lucet, ce groupe "développe une stratégie pour nous culpabiliser". Dans le numéro de septembre de la revue Démocratie&Socialisme, nous revenons sur le concept d'économie circulaire qui ne risque d'être qu'un gadget si les multinationales ne sont pas mises au pas.

Le terme d’économie circulaire est apparu récemment. Inspiré du concept « cradle to cradle »1 ou « C2C », il se construit autour d’une pensée volontaire et positive : zéro pollution et totale réutilisation dans la conception des produits manufacturés. Mais attention à ce qu’il ne devienne pas, comme l’expression de développement durable, un mot passe-partout sans véritable changement de modèle économique.

En France, l’économie circulaire est popularisée en 2009 lors de la parution de l’ouvrage L’économie circulaire : l’urgence écologique2 et désigne un concept économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable. Il repose sur une ambition à zéro déchet, l’économie fonctionnant alors en boucle, limitant ainsi le recours aux matières premières et le gaspillage des énergies non renouvelables. Cette économie repose sur des pratiques concrètes allant du réemploi à la réparation ou au recyclage. Elle promeut la sobriété afin de réduire l’utilisation même des ressources.

Déchets, pollution, épuisement des ressources naturelles

En mars 2018, Édouard Philippe et son ministre de la Transition écologique et solidaire d’alors ont rendu publique la FREC (Feuille de route de l’économie circulaire). Les objectifs affichés de la FREC semblent clairs : passer d’un modèle économique linéaire (fabriquer, consommer, jeter) à un modèle circulaire qui intègre l’ensemble du cycle de vie des produits (réduire, réutiliser, recycler). Étaient alors annoncés un recyclage à 100 % des plastiques d’ici 2025 – contre 25 % aujourd’hui3 –, une réduction de moitié des déchets non dangereux à la même échéance ou encore l’affichage en magasin, pour les équipements électriques et électroniques, de leur « réparabilité ».

Si cette feuille de route est la première ainsi formalisée, il n’en demeure pas moins que l’idée d’économie circulaire n’est pas neuve. Il fut un temps pas si lointain où le recyclage était monnaie courante, où un achat pouvait représenter les économise d’une vie, où tout produit était réutilisé jusqu’à sa dégradation naturelle. Et c’est là que le bât blesse : l’avènement de la société de consommation, en France comme dans les autres pays occidentaux, a imposé une nouvelle manière de produire qui s’appuie sur l’économie dite linéaire comme modèle dominant, aggravant la production de déchets, la pollution et l’épuisement des ressources naturelles.

Cette évolution, qui va de pair avec celle du capitalisme contemporain, s’appuie sur l’effectivité du progrès technique, mais aussi sur le développement du commerce international et la fréquence accrue de renouvellement des produits industriels. S’appuyant sur l’aspiration naturelle des être humains à accumuler des biens pour se prévenir du manque, une nouveauté s’installe alors progressivement dans la vie de chacun : la publicité.

Écologie ne rime pas avec libéralisme

Il ne s’agit pas de proposer le retour à ce qui constituait la réalité austère de la vie des siècles passés. Cependant, il est temps d’agir et de contraindre les industriels – tout en respectant les aspirations à vivre mieux, notamment en s’équipant de produits utiles à la vie quotidienne – au recyclage des produits utilisés, en créant des filières pour l’ensemble des produits manufacturés, ce qui actuellement est loin d’être le cas… Pour illustrer ce point, il suffit de se pencher sur les emballages jetés dans nos poubelles d’ordures ménagères et de constater combien des milliers de déchets ne sont pas intégrés à une filière de recyclage. Ainsi, les barquettes de viande, les dosettes individuelles de café ou les couches jetables restent au ban de l’économie circulaire. Le constat demeure sans appel : il est plus rentable pour l’industrie de produire neuf que de recycler.

Parallèlement, d’autres déchets – dont la valeur est, elle, reconnue – sont purement et simplement soustraits de l’économie, alimentant réseaux et trafics. S’ils peuvent être réutilisés, recyclés, les prélèvements fiscaux sur ces produits tel que l’aluminium ou les ferrailles échappent ainsi à l’État.

Ce ne sont pas les seuls consommateurs qui doivent être conscients des changements à opérer, mais bien les pratiques industrielles qu’il faut révolutionner. Opérer, dès la racine, des changements qui permettent, par exemple, de rallonger la durée de vie des produits en interdisant l’obsolescence programmée des produits, et contraindre les industriels au recyclage et au développement de filières pour ce faire. Une fois de plus, écologie rime difficilement avec libéralisme économique : la préservation de l’environnement nécessite bien une mobilisation sociale et citoyenne

Notes

  1. Littéralement « du berceau au berceau ».
  2. Jean-Claude Lévy, L’économie circulaire : l’urgence écologique ? Monde en transe, Chine en transit, 2009, Presses de l’École nationale des ponts et chaussées.
  3. Étude réalisée par Soixante millions de consommateurs.

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