GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Le vote des militants : Premiers commentaires prudents et généraux

La motion A de François Hollande obtient 60 % (48 063,19 voix) (62 % selon Le monde du 8 mai) soit moins 15 % par rapport au Congrès de Grenoble de décembre 2000. Aprés l'échec du 21 avril, cette déperdition est lourde mais elle a été limitée par le regroupement des "sortants", de prés de 85 % des élus derrière la motion du Premier secrétaire.

La motion C de Nouveau parti socialiste obtient 18,10 %, (14534 voix)( 16,7 % dans le Monde où les résultats sont minorés) c'est une percée spectaculaire, cela ouvre la possibilité de gagner des fédérations comme l'Ain, l'Aisne, les Alpes-Maritimes, l'Ardèche, l'Indre et Loire, le Jura, le Lot, la Haute-Marne, la Nièvre, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, la Somme, le Tarn et Garonne,

La motion E de Nouveau Monde obtient 17, 02 % (13 665,75 voix), (16,5 % dans Le monde) c'est une progression pour le courant d'Henri Emmanuelli qui partait de 13,5 % lors du Congrès de Grenoble, et cela permet de diriger les fédérations de la Marne, de l'Aube, de l'Allier, de la Creuse, des Landes, du Lot-et-Garonne, peut-être des Pyrénées-Atlantiques, de l'Essonne...

La motion D "militante" de Marc Dolez obtient 4, 16 %, et il conserve la fédération du Nord...

Ces trois motions opposantes qui veulent le renouveau du parti et une refondation, ré orientation, atteignent un score nettement supérieur au total des deux précédentes oppositions existantes, en novembre 2000 lors du Congrès de Grenoble, les motion 2 (Gauche socialiste) et motion 3 (Henri Emmanuelli, Alain Vidalies) qui, chacune à 13,5 %, additionnaient 27 %.

Il y a un effet en retour du choc du 21 avril, qui a été freiné in extremis parce que la crainte d'une crise interne l'a emporté sur l'espoir d'une alternative.

Il y a aussi un bilan spécifique à tirer, au deuxième degré, de la division de l'ex-Gauche socialiste et de ses effets visiblement dommageables devant ces différents scores, nous y reviendrons car l'étude de cet essaimage politique - bien involontaire - doit être fait.

Ce qui est particulièrement nouveau, c'est que 22 fédérations sont en passe de basculer, et des alliances locales ont été nouées entre Nps et Nm pour permettre de les diriger... Tout n'est pas joué. Mais si cela se réalise, ce sera autant de points d'appui pour la suite.

On peut donc estimer qu'il y a au moins 40 % d'opposants, même en trois motions, c'est un événement sans précédent, surtout en sachant qu'il y a quand même des progrès démocratiques à effectuer, si l'on sait comment ont voté les fédérations du Pas-de-Calais et des Bouches-du-Rhône, sans parler de quelques autres comme la Haute-Vienne... Le "sursaut" qui a poussé des milliers de membres, adhérents mais non militants, à se déplacer pour voter, a contribué à la différence finale : car dans les assemblées générales réunies, sections et fédérations, le nombre des opposants paraissait nettement supérieur.

Il y a eu une mobilisation exceptionnelle des membres, puisque, semble-t-il presque 70 % ont participé au vote. C'est à l'arraché cette mobilisation ultime qui a permis à la motion A d'afficher une marge substantielle. Du côté du pouvoir dans le Parti socialiste, il y a donc une nette majorité, une direction reconnue. Les militants ont tranché avec assez de netteté pour que les craintes qui avaient existé, ou bien qui avaient été agitées, disparaissent.

Cela dit, y a eu une crainte de l'affaiblissement du parti plus qu'une adhésion à un projet.

À la fois, les militants voulaient le changement, à la fois ils en craignaient les risques...

Même des militants qui expliquaient qu'ils avaient des doutes sur le contenu de la motion A qui voulaient des ruptures franches avec le social-libéralisme ont voté pour la motion A à cause de la seule crainte agitée, à tort ou à raison, de l'affaiblissement du parti...

Tout le monde le savait depuis le début, la motion Hollande, a réalisé une coalition qui n'est pas homogène et elle a joué, dans son contenu, sur des ambiguïtés voulues : des "engagements" assez flous, et des orientations assez estompées.

Nous l'avons analysé et il ne reste rien à y ajouter ni à y retrancher : sur la mondialisation, sur l'Europe, sur les institutions, sur toutes les questions sociales, sur le renouveau du parti et de son action, il y a des aspects "Canada dry" entre les promesses de rénovation et le contenu précis qui est attendu par les militants... Le diable était dans les détails et "les détails" étaient plus importants que les grandes phrases générales.

Ce qui signifie que ceux qui tirent des bilans prématurés ou jettent des anathèmes rapides, s'avancent bien à découvert : il n'y a pas de cassure, de brisure, de rupture, il reste toujours une direction "mi-chèvre mi-chou" comme disait Jean-Luc Mélenchon. Il serait donc erroné, après ce vote, d'en aggraver la portée, le social-libéralisme n'a ni triomphé ni perdu : le gouvernement de Lionel Jospin avait un bilan mitigé, c'est plutôt la continuité qui l'emporte. Avec tous ses défauts dont le premier est de ne pas adresser aux Français un signe clair de renouveau après le 21 avril.

Percevoir le résultat du Congrès de Dijon comme une victoire de la "continuité", est important : cela permet de comprendre que les contradictions antérieures se prolongent. Tous ceux qui rêvaient à voix haute, d'une coupure entre modérés et radicaux, d'un aggiornamento tournant une page historique, ne l'ont pas emporté. Et quand Michel Rocard se "lâche" au Forum RTL, LCI, Le Monde, du dimanche 4 mai, en expliquant que Tony Blair est un modèle, que le capitalisme est indépassable, que le Parti socialiste français était le seul à ne l'avoir pas compris, que Nps est fait de gesticulation et Nm d'archaïsmes, il donne des interprétations que d'autres s'efforceront d'accréditer mais qui ne sont pas contenues dans le vote qui vient d'avoir lieu en faveur de la motion A.

Les "flous" du texte vont forcément faire maintenant l'objet d'enjeux précis, que ce soit sur la question des retraites, des réactions aux plans sociaux, aux questions de santé, d'école, à celle de l'Europe, ou à celles des institutions et du fonctionnement du parti... Confrontée aux très violentes attaques antisociales du gouvernement Raffarin, la "nouvelle" direction majoritaire sera obligée d'élever le ton ou de continuer à donner un sentiment d'insuffisance.

Dans ces conditions, il est juste de continuer à vouloir "faire passer" les idées les plus importantes dans le débat du Congrès à Dijon : soit la nouvelle majorité les prend et elle fait des pas en avant, soit elle les refuse, et les opposants devront prendre leurs responsabilités et assurer, dans le respect des décisions majoritaires, et dans les "espaces" qui demeureront forcément ouverts, les étapes suivantes. Le choix d'un positionnement positif et offensif est important de notre part : on ne doit ni fermer la porte à une synthèse, ni ouvrir la porte à des renoncements. Lorsque François Hollande, par contre, se contente de dire qu'à 60 %, il a "les moyens de travailler", (Le Monde du 8 mai) et qu'"il veut rassembler... mais sur sa ligne", (Libération du 8 mai) il choisit de fermer les portes du débat et de son "camp" au seul périmètre de ses 60 %.

Si nous continuons à vouloir forcer l'ouverture et le changement, et que François Hollande ferme les portes ainsi qu'il l'annonce, cela justifiera que les opposants continuent d'agir, de s'organiser et de se regrouper autant que possible.

L'urgence d'un premier regroupement risque de s'avérer nécessaire de la part de la "motion militante" de Marc Dolez pour des raisons purement statutaires. La complémentarité entre Nps et Nm ne peut que jouer ensuite.

Il ne s'agira pas d'être en embuscade ni de gêner l'action collective majoritaire, mais il s'agira de dire et de faire savoir comment mieux faire combattre la droite, Chirac, Raffarin, Fillon.

L'heure est à justement, en parallèle du congrès national, à la grève générale pour défendre nos retraites par répartition, les 37, 5 annuités, la retraite à 60 ans à taux plein, à 75 %, calculée sur les 10 meilleures années, indexée sur les salaires. Dans ce combat, du 13 mai au 25 mai (montée nationale sur Paris) le parti, ses militants doivent être pleinement aux cotés des millions de salariés qui vont lutter... Ce combat peut et doit mettre en échec la politique sur les retraites de Raffarin, car sinon, ensuite, la droite s'attaquera à la Sécurité sociale, à l'école publique nationale... et si la droite gagne sur tous ces terrains, si elle droitise la société française, réussit à remettre en cause nos acquis sociaux, cela reculera l'heure de la reconquête à gauche !

Il apparaît, dans les analyses de presque tous les observateurs, et de tous les participants à ce congrès, que le réflexe légitimiste a été grand, à la base, au moment des votes, y compris parmi les nouveaux adhérents. Il l'a emporté, même parmi les militants qui étaient, par ailleurs, très critiques. Cela fait démontre, s'il en était besoin, à la fois qu'il ne fallait pas faire "feu sur le quartier général", à la fois qu'il ne fallait pas agiter le risque de la "crise" du parti, éviter toute imprécation, et qu'il fallait se présenter comme "constructeurs du renouveau", comme "propositionnels", pour tirer les leçons et sortir "en positif" du 21 avril. Tous les excès de langage, formules trop rapides, ou trop personnalisées, ont nui au débat sur le fond et ont été retournés avec délectation par les défenseurs de la motion A, trop heureux de faire diversion sur les sujets qu'ils ne voulaient pas aborder, comme les retraites, ou les salaires...

Il apparaît aussi que la division des différents opposants, si elle a permis de "ratisser" plus large, de mettre en mouvement des secteurs particuliers, a montré ses limites lorsque la motion A portait le fer sur la question d'une "direction alternative". Ce n'est pas l'attractivité de "deux personnes" ou de "trois" qui compte, les "duos" ou les "trios suffisent à soulever des problèmes mais absolument pas à les résoudre durablement, ce qu'il faut, de façon irremplaçable, manifeste, c'est l'homogénéité d'une équipe et d'un véritable travail collectif.

Dés qu'on glisse sur les débats de personne, qu'on personnalise la politique, on affaiblit la communication sur le fond de ce qu'on défend : les oppositions ont ainsi été davantage perçues dans leur "look" que dans leur contenu. On s'y oppose dans les textes, et on se laisse faire dans la pratique. Même si ça n'était évidemment pas toujours notre faute directe, même si c'était un résultat d'une polémique adverse délibérée, cela a limité l'impact lumineux des éléments de programme alternatifs que Nps ou Nm portaient. Pourtant ces éléments de programme étaient souvent excellents, et très proches dans leur formulation, sur tous les points essentiels, notamment social.

C'est en repartant du fond des motions qu'on peut concevoir de nouer des "alliances" sinon une fusion : l'expérience de six mois de débat démontre que l'unité de Nps et de Nm, ne s'autoproclame pas, que cela ne peut qu'être le résultat d'une rencontre, d'une pratique commune progressive et partagée, mais qu'au fond, tout milite en ce sens. Nombreux sont les militants et les orateurs des deux motions qui ont senti les convergences (un peu comme entre les motions 2 et 3 du Congrès de Grenoble d'ailleurs). Il convient donc d'abord de surmonter toutes les difficultés qui empêcheraient de prendre puis de gérer les 22 fédérations conquises ou conservées. Ensuite, il faudra travailler loyalement au Congrès, puis ensuite au Bureau national et au Conseil national, pour illustrer au coup à coup, les éléments d'une politique alternative à ce qui se fera - dans le respect des votes et décisions militantes. Sans brûler les étapes, et en respectant les caractéristiques propres aux deux regroupements, on peut imaginer aisément les rapprochements dont la nécessité se fera vite sentir.

le 7 mai, Gérard Filoche

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